Alors que l'épidémie de Coronavirus s'aggrave, les organisations d'employeurs et de salariés s'inquiètent de ses répercussions économiques et demandent des mesures exceptionnelles complémentaires au Gouvernement: soutien, report de réformes…
Les organisations patronales ont été reçues le 9 mars, au ministère de l'Économie, pour un point sur l'impact du COVID-19 sur les activités et les mesures envisagées par les pouvoirs publics afin d'aider les professionnels à faire face.
Appel à un soutien public renforcé et à la solidarité économique entre acteurs
L’U2P souhaite une prise en charge des pertes d’exploitation
À l’issue de la réunion des acteurs économiques, l’Union des entreprises de proximité accueille favorablement les mesures annoncées par le gouvernement pour limiter les impacts économiques et sociaux du Coronavirus, à savoir: possibilité de report des charges, perspective de dégrèvements d’impôts, appel à la «solidarité des grandes entreprises vis-à-vis des PME et TPE». L’U2P estime toutefois nécessaire d’aller plus loin et «souhaite que le gouvernement envisage une prise en charge des pertes d’exploitation (…), si besoin par l’intermédiaire des compagnies d’assurance. L’organisation d'employeurs alerte en outre «les pouvoirs publics nationaux et locaux sur des décisions de restriction ou d’interdiction à géométrie variable» et les appelle à «informer constamment la population» pour palier une «psychose aux effets économiques incontrôlables».
La CPME veut la reconnaissance d’un «état de catastrophe sanitaire»
Pour la Confédération des petites et moyennes entreprises, il faudrait que les pouvoirs publics décrètent «”un état de catastrophe sanitaire” permettant aux entreprises de faire jouer, le cas échéant, la garantie perte d’exploitation auprès des assureurs». Son président François Asselin plaide encore pour que «les pouvoirs publics puissent, dans certains cas, prendre en charge la part de financement restant à l’employeur en cas de chômage partiel». Et d’en appeler aussi aux autres acteurs «du secteur bancaire, des assurances ou des bailleurs qui doivent tous être conscients de la fragilité des petites entreprises».
EDV et SETO souhaitent la création d’un fonds de soutien pour couvrir les besoins de trésorerie
Entreprises du Voyage et le Syndicat des tours opérateurs (SETO) estiment bienvenues les mesures de soutien confirmées lors de la réunion, ce d’autant qu’elles «répondent en partie aux demandes que nous avons exprimées par courrier la semaine dernière, en améliorant les dispositifs déjà existants plutôt qu’en créant de nouvelles mesures». Toutefois, les deux syndicats d’employeurs du secteur du tourisme évoquent «la nécessité du déploiement (…) très rapidement et de façon homogène sur le territoire», ainsi qu’une «une réflexion très rapidement autour de la création d’un fonds de solidarité qui permettra au moment de la reprise d’accompagner les entreprises qui auront besoin de trésorerie». A plus long terme, il serait judicieux que le «tout récent comité de filière puisse permettre une réelle coordination en cellule de crise des acteurs du tourisme et du voyage».
Le Synofdes en appelle à «l’intelligence collective»
Pour le Syndicat national des entreprises de formation (Synofdes), il est impératif que «l’ensemble des financeurs (fasse-NDLR) preuve de compréhension. Selon la nature des marchés, toutes les solutions doivent être envisagées pour assurer la continuité des missions (…) mais aussi pour atténuer l’impact économique sur des opérateurs fragilisés, au-delà des mesures prises par le Gouvernement, en organisant les reports d’activités, en facilitant la preuve du service fait et en n’interrompant pas prématurément le versement des prestations». Le syndicat évoque «un devoir d’intelligence collective» afin de «garantir l’avenir de secteur de la formation professionnelle».
La Fédération de la formation professionnelle vigilante sur l'évolution de la situation
La Fédération de la formation professionnelle mobilise les entreprises «pour prendre l’ensemble des mesures sanitaires adéquates à l’accueil du public» (équipements, information, nettoyage) mais s'inquiète d'ores et déjà d'une possible évolution vers la phase 3. Selon son président Pierre Courbebaisse, des contacts ont été pris avec le ministère de l'Économie pour prévenir le risque «d'annulation massive des formations… pour un secteur déjà fortement impacté par les mouvements sociaux et la mise en place de la réforme de la formation professionnelle» et la mise en œuvre de «solutions de trésorerie et de facilitation du recours au chômage partiel».
Tout pour la Musique demande une aide financière exceptionnelle
L'association professionnelle Tout pour la Musique demande «une aide économique et financière exceptionnelle (…) pour les professionnels du spectacle vivant dont les revenus et les emplois sont lourdement menacés: il est urgent de renforcer les dispositifs de soutien aux entreprises, d’indemniser les salariés se retrouvant sans salaire et d’adapter temporairement les règles d’indemnisation chômage des intermittents du spectacle». L'organisation tient par ailleurs à assurer le ministre de la Culture, touché par l'épidémie, de ses «voeux de prompt rétablissement».
CMA France espère en l'efficience des mesures et en la solidarité des acteurs financiers
La tête de réseau des chambres de métiers et de l’artisanat a fait réaliser une enquête en ligne auprès des entreprises qui témoigne d’une situation sérieuse puisque «pour 79% des répondants, le virus impacte l’activité de leur entreprise artisanale» et que nombre de sondés (essentiellement des artisans sans avec 2 ou 3 salariés) prévoient un «ralentissement de l’activité». Son président Bernard Stalter tient à rappeler à cet égard: «Déjà confrontées à la crise des Gilets jaunes puis au mouvement de grèves, ce nouvel épisode vient frapper durement nos entreprises artisanales dont les trésoreries se trouvent pour beaucoup dans des situations extrêmement fragiles».
CMA France a évoqué cette enquête lors de la réunion autour des ministres de l’Économie, du Travail, de la secrétaire d’État en charge de l’Artisanat. L’organisation consulaire apprécie les mesures fiscales, en matière de gestion de l’emploi, mais estime qu’il faut «aller plus loin pour que les mesures mises en place soient efficientes et pour contrer les défaillances d’entreprises artisanales et préserver les emplois». L'institution consulaire espère enfin en une «solidarité nationale de tous les acteurs économiques, dont les banques et les bailleurs», ainsi que «de tous les Français».
La Fédération bancaire française attentive à la situation des petites entreprises
La FBF, de son côté, a fait savoir au ministre de l'Économie (le 6 mars 2020), que les banques se mobiliseront «afin d'accompagner leurs clients, notamment TPE et PME, face à d'éventuelles difficultés résultant du développement de l'épidémie». En pratique «elles examineront avec attention les situations individuelles des TPE et PME impactées (…) et rechercheront (…) au cas par cas les solutions adaptées aux besoins de financement court terme».
Une situation qui plaide pour une pause dans les réformes de la protection sociale et de l'emploi
Les organisations syndicales de salariés sont également très inquiètes de la situation, craignant une fragilisation accrue de l'emploi, qui demandent également au Gouvernement d'adapter ses moyens d'action.
Le collectif intersyndical salariés, lycéens, étudiants estime que l'urgence n'est pas à la réforme des retraites
Le collectif regroupant des syndicats de salariés (Confédération générale de l’encadrement, Confédération générale du travail, Force ouvrière, Fédération syndicale unitaire, Solidaires), d’étudiants (UNEF) et de lycéens (FIDL, MNL, UNL) considère que «l’urgence est bien d’endiguer le coronavirus et non pas le passage en force de la réforme des retraites par points». Compte tenu de l’impact sur le droit et la possibilité de manifester, les signataires «demandent la suspension du processus législatif».
Le report de l’application de la réforme de l’assurance chômage demandé par la CFDT, FO, la CGT, l'UNSA
Pour la Confédération française et démocratique du travail, la situation exige que « le Gouvernement renonce à la mise en œuvre au 1er avril 2020 de (la-NDLR) modification des règles de calcul de l’allocation» prévue par la réforme de l’assurance chômage. Le syndicat de salariés constate que «En de telles circonstances, les emplois précaires (CDD de courte durée, intérimaires…) sont la première variable d’ajustement». Ce report se justifierait d’autant que «les exceptions se multiplient (intermittents du spectacle, dockers…)».
Force ouvrière demande également au Gouvernement de «reconsidérer sa position, (…) renoncer à cette “réforme” imposée unilatéralement et à rétablir les droits à indemnisation tels que prévus par la convention négociée et signée entre les interlocuteurs sociaux en avril 2017».
La CGT rappelle qu'au-delà de la crise actuelle et de ses impacts sur l'activité et l'emploi, les salariés sont durement affectés par «des années de politique de flexibilisation et de précarisation des différents gouvernements, notamment via les réformes du Code du travail et la politique patronale de recours massif à toutes les formes d’emplois précaires (… ) le durcissement des règles d’assurance chômage». Le syndicat invite donc le Gouvernement à «prolonger et étendre les droits à indemnisation», «garantir des droits à indemnité maladie», «garantir le paiement de tous les contrats de travail, y compris les CDD en cours ou prévus dans tous les secteurs concernés par les problèmes économiques».
Pour l'Union nationale des syndicats autonomes, «il est nécessaire et urgent que le Gouvernement prenne une décision pour ne pas dégrader davantage la situation des demandeurs d’emplois actuels et à venir», mais aussi qu'il apporte son soutien à de «nombreuses entreprises (…) notamment dans le tissu des PME».
La Confédération générale de l'encadrement (CFE-CGC) rappelle qu'elle avait, dès l'origine «dénoncé la nouvelle philosophie de calcul des droits qui n’avait pour but que de pénaliser les demandeurs d’emploi et de faire ainsi des économies» et que les «mesures ont été mises en œuvre par le Gouvernement dans l’optique d’un plein emploi envisagé, (fantasmé ?)». La crise faisant que «les règles prévues ne sont pas en phase avec les problématiques rencontrées par les entreprises et les salariés» et qu'elles «accentueront également le manque de main d’œuvre pour les contrats de courte durée», le syndicat des cadres demande aussi du «bon sens» au Gouvernement.
FO SPS s’alarme du risque «d’effondrement» des hospitaliers
La fédération Santé/Secteur public de Force ouvrière s’inquiète du fait que les hospitaliers «en raison de la dégradation continue de leurs conditions de travail, sont déjà au bord de l’effondrement», ce alors même que le Gouvernement vient de décider par décret qu'ils «pourront, sans limite, réaliser des heures supplémentaires alors que ce contingent a déjà été relevé de 180 h à 240h par an, en 2019». Selon le syndicat, cette mesure fait fi des «des millions d’heures à récupérer et de nombreuses journées dans leur Compte Épargne Temps (CET)», sachant qui plus est que «les heures supplémentaires ne sont ni majorées financièrement ni en temps supplémentaire de récupération, à l’instar du secteur privé».
FO-SPS rappelle aussi que «le ministre n’a toujours pas répondu (…) à la demande (…) de réunir (…) un CHSCT national extraordinaire afin de se préoccuper de la santé des agents, d’harmoniser les pratiques et de donner des instructions claires quant à la crise, et de trouver des solutions pour les effectifs». C’est l’occasion d’exiger des mesures d’urgence telles que «suppression de l’Ondam», «financement supplémentaire ciblé» pour les hôpitaux, sans négliger «le maintien de notre régime de retraite (CNRACL) et l’obtention de la catégorie active pour tous « le maintien de notre régime de retraite (CNRACL) et l’obtention de la catégorie active pour tous».
Solidaires reste sur le front des «grèves»
L’Union syndicale Solidaires «réaffirme l'importance des manifestations et grèves à venir», que ce soit pour «pour l'urgence climatique, lutter contre la répression policière, et aux côtés des Gilets jaunes» (les 13 et 14 mars), ou pour la «grande journée de grève et de mobilisation interprofessionnelle pour défendre nos retraites» (le 31 mars). Le syndicat estime en effet que «La crise du Covid-19 est déjà utilisée pour justifier des plans de restructuration et de suppressions d’emplois».