Les organisations d’employeurs et de salariés ont réagi favorablement aux annonces du Président de la République. Les seconds estiment néanmoins que l’enjeu du service public, de ses moyens, doit être réapproprié.
Suite à l’intervention du président de la République, les organisations professionnelles de tout secteur ont notamment fait connaître les dispositions qu’elles souhaitent prendre ou renforceront pour s’adapter à l’objectif de freiner la propagation de l’épidémie. Les mesures d’ordre économique (entreprises, emploi) sont généralement appréciées côté employeurs. Les syndicats de salariés, s’ils partagent l’objectif, émettent des réserves sur les conditions de mises en œuvre.
Représentants d'employeurs et réseaux consulaires: des mesures plus que nécessaires
L’Unapl «salue les annonces du Président de la République», lequel a «répondu aux demandes faites lundi par l’Unapl, conjointement avec l’U2P (…) concernant la mise en œuvre de dégrèvements, en plus des reports d’échéances fiscales et sociales dans le cadre de procédures simplifiées». Elle apprécie également son «soutien à tous les travailleurs et travailleuses salariés ou non, la perspective d’un grand plan de relance dès que ce sera possible», ainsi que son «hommage particulier à tous les professionnels de santé». L’organisation d’employeurs se tourne vers «les institutions de prévoyance, les assureurs mutualistes ou privés» qui «doivent faire preuve de solidarité envers leurs assurés professionnels libéraux en aménageant leurs conditions de couverture».
La Mutualité française annonce qu’elle «s’engage pleinement pour faire face à la crise sanitaire» et «à tout mettre en oeuvre pour protéger les publics les plus vulnérables et leur famille» dans la «continuité des mesures annoncées par le Président de la République». Cet engagement se traduit déjà par un relai de «toutes consignes spécifiques du ministère des Solidarités et de la Santé (…) auprès des établissements mutualistes», la création d’un «groupe de contact» avec les responsables d’Ehpad, un travail en commun avec la Caisse nationale d’allocations familiales.
La Confédération des petites et moyennes entreprises, lors d’une rencontre au ministère du Travail, le lendemain de l’allocution présidentielle, soutient les dispositions prises par les pouvoirs publics: «chômage partiel (…) couvert financièrement en totalité pour les employeurs», «report des cotisations patronales» de 3 mois pour «les employeurs avec une date d’échéance URSSAF au 15 du mois de mars». La CPME invite «les bailleurs institutionnels pour les loyers, et les banques pour les emprunts, à adopter une telle démarche pragmatique».
CMA France approuve la décision de fermeture des établissements scolaires et a donc décidé également celle des centres de formation des apprentis. Son président Bernard Stalter tient à préciser que «Cette décision n’aura pas d’impact financier sur les formations engagées et sur les établissements des CMA: le Gouvernement a confirmé le maintien des paiements des formations des OPCO et le maintien des “coûts contrats”». Dès lors que les apprentis auront rejoint leur entreprise, le 16 mars 2020, ils pourront être si besoin être bénéficiaires du «chômage partiel».
CCI France «appelle à une mobilisation générale pour aider les entreprises à s’organiser pour mettre en place les mesures « barrières» et à activer les aides pour les entreprises et en particulier pour celles qui sont déjà dans le “rouge”». Des cellules de crise ont été mises en place et le réseau travaille «étroitement avec les services de l’État, les Régions et les autres réseaux consulaires pour apporter la réponse collective la plus adaptée et la plus rapide» précise son président Pierre Goguet.
La Coordination rurale approuve «sans réserve» la déclaration du président selon laquelle «Déléguer notre alimentation est une folie» et souhaite que la France fasse sienne la notion «d’exception agriculturelle», à l’instar de ce qui s’applique à la culture depuis 1994. Pour son président Bernard Lannes, il appartient aussi à toutes les «organisations professionnelles agricoles de rejoindre cette position» dans la perspective de la prochaine PAC.
Syndicats de salariés: de l’utilité du service public et du dialogue social
La Confédération française des travailleurs chrétiens s’engage à agir «en responsabilité, appliquant et promouvant les consignes du Gouvernement». Elle estime que l’action doit néanmoins être «coordonnée et intelligente». Ainsi la «priorité au télétravail» supposera «souplesse sur le plan managérial» dans les entreprises. L’engagement public relatif au chômage partiel «sur une base plus large que celle habituelle du SMIC» satisfait la CFTC, de même que la proposition de la ministre du Travail «visant à rendre les arrêts maladie automatiques sans visite préalable chez le médecin, sans délai de carence, sans perte de salaire, et à charge de l’employeur pour la déclaration». Le syndicat plaide, par ailleurs, pour «la levée des obstacles réglementaires et financiers au recrutement des externes, infirmiers et autres aides-soignants», éventuellement en appui du SAMU. Il se prononce, en outre pour «la suspension de la mise en application des nouvelles règles de l’assurance chômage, (…) le rééchelonnement des crédits bancaires (…) un renforcement des garanties d’État pour le paiement des loyers». La CFTC regrette le manque de solidarité à l’échelle européenne.
Pour la Fédération des associations étudiantes (FAGE), la fermeture des établissements d’enseignement est une décision «grave mais nécessaire» et elle est «mobilisée auprès du Gouvernement, (…) afin de prendre des mesures claires pour maintenir la continuité du service public», à savoir «continuité pédagogique», «maintenir les services du CROUS et de l’ensemble des services publics», «précisions sur la mobilisation des étudiant.e.s en santé», application «universelle» des mesures. Le syndicat étudiant demande le respect par tous des consignes sanitaires. Il tient, enfin, à saluer «l’engagement de l’ensemble du corps médical, professionnel et étudiant».
Pour la Fédération syndicale unitaire, la décision de «fermeture de toutes les crèches, écoles, établissements scolaires et universités à partir de lundi prochain» est bienvenue. Mais elle rappelle, qu’au-delà de l’engagement des personnels auquel elle en appelle, la «nécessaire continuité du service public ne pourra être mise en œuvre qu’avec les outils et moyens mis à disposition des agents, dans le respect de leurs droits et avec la volonté de les protéger des risques». Le syndicat demande par ailleurs qu’il soit rapidement garanti, à l’encontre d’une circulaire datée du 11 mars 2020 du ministre en charge de la Fonction publique, «la suspension immédiate du jour de carence (dont nous rappelons notre demande d’abrogation), la mise à disposition des équipements indispensables tant pour les personnels exposés que pour les usagers, le respect plein et entier du droit de retrait des personnels», ainsi qu’un «cadre national définissant les conditions d’autorisation d’absence des personnels et (…) leur rémunération». Pour le syndicat il faut en outre revenir sur les réformes des CHSCT et des retraites.
Suite à réunion au ministère du travail (13 mars 2020), Force ouvrière a acté «la prise en charge à 100% pour les entreprises du chômage technique (activité partielle)», mais a demandé que «pour les salariés au-dessus du SMIC (dont-NDLR) le salaire n’était lui maintenu qu’à hauteur de 84% du net, (…) le différentiel puisse être compensé par l’entreprise ou l’État». Par ailleurs, le syndicat souhaite que la situation des instances représentatives du personnel (CE, CSST) soit clarifiée, induisant conjointement «une mobilisation des services de l’État» et «une réunion des instances paritaires de l’artisanat, des professions libérales et des TPE». FO estime en outre qu’il faut mettre fin à certaines réformes: de l’assurance chômage, puisque les règles de financement de l’activité partielle peuvent relever de la convention Unedic de 2017; des retraites.
La Fédération employés et cadres de FO (FEC-FO) acte la nécessité «d’aménager les conditions de travail et d’emploi», mais sera vigilante quant au fait que les «mesures (…) bénéficient aux salariés et non (…) plus encore les précariser» et que ne soient pas remises en cause «les conditions de travail ni les contrats de travail». La FEC-FO s’inquiète notamment des conditions de mise en œuvre du télétravail, de la gestion du chômage partiel, pour lequel, tout comme pour le financement des mesures en général, elle demande que «les organisations syndicales» soient associées aux décisions.
Pour l'union syndicale Solidaires, en revanche, le discours du Président n'est pas du tout convaincant, dans la mesure notamment où: ses «belles paroles sur l'importance vitale des services publics» ne font pas oublier que «son gouvernement a systématiquement poursuivi la casse de ces services»; les mesures en faveur des salariés ne doivent pas se payer au «prix de futures politiques “d’austérité” dont les victimes sont toujours les salarié-es, femmes et précaires en tête»; «les libertés sont menacées», nonobstant la nécessité des mesures limitant les rassemblements. Solidaires demande la suspension immédiate du processus législatif sur la réforme des retraites et, plus largement, défend la nécessité de s'opposer aux «politiques répressives: réforme de l'assurance chômage, réforme des retraites… répression et violences policières».