Les organisations professionnelles s’efforcent d’adapter leur fonctionnement afin de suivre les bonnes règles sanitaires, de continuer à servir leurs prestations. À situation exceptionnelle, elles soulignent la nécessité d’un soutien exceptionnel de la part des pouvoirs public.
Les organisations du secteur sanitaire et social sur le pont
L’Ordre des médecins «tient une nouvelle fois à apporter son plein soutien aux médecins et professionnels de santé dans leur engagement». Il réitère son appel aux pouvoirs publics pour «la distribution massive, en tout point du territoire, des équipements de protection au corps médical dans son ensemble». Il précise également que, par accord du ministère de l’Intérieur «la carte professionnelle médicale vaut laisser-passer de plein droit, sans avoir besoin de remplir une fiche dérogatoire». De son côté, il a décidé «d’étendre le dispositif de l’entraide ordinale (...) pour venir en aide immédiatement à tout médecin faisant face à des difficultés de trésorerie».
Le Collège universitaire des enseignants de santé publique (CUESP), la Société française de santé publique (SFSP) et le Collège de liaison des internes en santé publique (CLISP) encouragent la «mise à disposition de moyens humains auprès des autorités sanitaires (…) pour la participation des internes de santé publique aux cellules d’accompagnement personnalisé». Ils appellent aussi «tous les médecins et les internes de santé publique à signaler, auprès des établissements de santé auxquels ils sont rattachés, qu’ils sont mobilisables afin de participer à l’effort collectif». Enfin, ils plaident pour «l’investissement des efforts de recherche,en partageant les projets avec le réseau REACTing afin de coordonner les efforts sur l’ensemble du territoire».
Le Centre national des professions de santé, la Fédération française des praticiens de santé et la Fédération de l’hospitalisation privée expriment à nouveau leur exigence que les professionnels libéraux et du secteur de santé privé disposent des moyens de protection nécessaire à l’exercice de leur métier. Ils constatent en effet que le dispositif actuel piloté par la CNAM n’est pas à la hauteur, que «c’est un rationnement qui est instauré, dont l’exécution est transférée aux pharmaciens d’officine».
Le Syndicat des médecins libéraux constate également «l’organisation d’un rationnement pur et simple». Pour le SML, il est indispensable que les médecins libéraux généralistes et spécialistes soient traités «de façon responsable en leur adressant des informations fiables»
Requérant des pouvoirs publics «une (…) transparence totale sur la réalité de l’état du stock de masques (…) les prévisions de production et les dates précises auxquelles les prochaines distributions pourront avoir lieu», les trois organisations demandent en outre que le matériel de protection prévu pour les élections municipales soit «transféré de toute urgence aux professionnels libéraux par les maires», et que les stocks débloqués soient adressés directement aux établissements privés, lesquels mettent à disposition «4000 lits de soins critiques (surveillance continue, soins intensifs et réanimation)». Ils demandent par ailleurs des mesures de protection contre les «phénomènes d’incivilité dont ils sont l’objet (vols, attaques de véhicules et agressions) en raison du matériel qu’ils transportent».
Le BLOC, collectif regroupant le Syndicat de médecins anesthésistes réanimateurs libéraux, le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France, l’Union des chirurgiens de France, insiste sur le fait que «le temps n’est pas à la polémique, le temps est à la mobilisation générale», mais constate «que sur l’ensemble du territoire et en particulier dans certaines régions fortement sollicitées, il manque de façon dramatique les matériels de base pour protéger les personnels soignants (respirateurs, masques chirurgicaux, masques FFP2, tenues de protection, solutions hydroalcooliques)».
Les organisations professionnelles de la kinésithérapie (Fédération nationale des masseurs- kinésithérapeutes et rééducateurs, Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes et rééducateurs) prennent acte de l’annonce du ministre de la Santé par voie de presse comme quoi «les masseurs-kinésithérapeutes recevront des masques chirurgicaux pour les seuls soins prioritaires (possibilité de FFP2 pour certains actes de kinésithérapie respiratoire) et l’activité indispensable au maintien à domicile notamment». Elles invitent «l’ensemble des consœurs et confrères» a prioriser les soins.
Solidarités interprofessionnelles
L’Union nationale des métiers de l’hôtellerie (UMIH) fait part de la volonté de «nombreux hôteliers» de mettre à «disposition des hôtels pour les personnels soignants», avec «hébergement,restauration en chambre, lavage du linge et services numériques». A cette fin, un «travail de recensement des hôtels a commencé dans nos départements». L’organisation d’employeurs des métiers de l’hôtellerie soutient par ailleurs la demande de la CPME de «déclaration d’état de catastrophe sanitaire», induisant une mobilisation, non seulement des pouvoirs publics, mais aussi des compagnies d’assurances en matière «d’indemnisation pour les effets “non assurables” comme le prévoit le code des assurances pour les catastrophes naturelles».
Ayant fait le constat que, dans de nombreuses entreprises en cessation d’activité, il existe un stock de masques de protection, la CPME annonce qu’elle propose son appui au Gouvernement pour qu’il préconise et mette en œuvre «la collecte des masques désormais inutiles pour les mettre à disposition de ceux qui en ont le plus besoin». Elle mobilisera «ses 117 unions territoriales présentes partout sur le territoire national».
Impacts économiques et sociaux: mobilisations, attentes, requêtes
La Fédération bancaire française est satisfaite, souligne son président Frédéric Ouvéa, du fait que «Avec les dispositions annoncées par le Président de la République et la Présidente de la Banque centrale européenne, les banques françaises, fortes de leur solidité, sont particulièrement bien armées pour répondre aux besoins de l’ensemble de leurs clients professionnels, entrepreneurs et entreprises quelles que soient leurs tailles face aux impacts de la crise sanitaire. Je veux assurer tous nos clients de la mobilisation de l’ensemble des réseaux bancaires français qui déploieront tous les moyens à leur disposition». Les établissements adhérents maintiennent les ouvertures d’agence au maximum, adaptent les horaires, et leurs DAB sont alimentés.
La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles salue la décision de la Commission européenne «d'autoriser les États membres à reporter la date limite de dépôt des déclarations pour l’octroi des aides de la PAC» et demande au Gouvernement d’appliquer cette mesure en urgence, «le temps aux conseillers de poursuivre leur mission».Le syndicat d’exploitants agricoles s’inquiète par ailleurs de l’impact conjoint de la fermeture des frontières et de l’épidémie sur les moyens humains requis pour assurer les récoltes. Il souhaite que soient actés des «assouplissements temporaires pour assurer la gestion de main d’œuvre indispensable à notre activité»: en matière de «durée du travail», «défiscalisation des heures supplémentaires», «contrats à durée déterminée et (…) travail temporaire», «mise à disposition de salariés entre entreprises», «recours à des salariés placés actuellement en chômage partiel», «ouverture des frontières pour les (…) saisonniers issus de pays membres de l’UE», autorisation de travailler temporairement pour les élèves et étudiants de l’enseignement agricole.
Le président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA), Richard Girardot,se félicite de la reconnaissance par les pouvoirs publics du «caractère crucial et stratégique de la fabrication et de l’approvisionnement en denrées alimentaires». Il souhaite néanmoins que soient trouvées «des solutions rapidement pour sécuriser le transport des marchandises». Il tient, encore, «à saluer l’engagement des salariés à remplir leur mission, celle de nourrir les femmes et les hommes (…) Les Français savent pouvoir compter sur vous, sur vos talents, vos savoir-faire. Notre industrie agroalimentaire est forte et résiliente. C’est l’une des meilleures au monde, et ce sera encore le cas demain, grâce à vous ».
Les organisations du secteur du bâtiment (Fédération française du bâtiment, Fédération nationale des travaux publics, Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) demandent au Gouvernement «d’arrêter temporairement les chantiers, à l’exception des interventions urgentes, et de lui laisser une dizaine de jours pour s’organiser». Une requête motivée par les difficultés, pour les entreprises du secteur, à faire face à des contraintes multiples: protection des personnes, désorganisation des chantiers, difficultés d’approvisionnement.
La Fédération des entreprises de propreté (FEP) indique que les nouvelles dispositions de protection, pour être compréhensibles, «posent cependant des difficultés aux entreprises de service dédiées au nettoyage des espaces privés et publics devant faire face à la continuité impérieuse de service pour l’hygiène». Au vu d’une continuité d’activité nécessaire reconnue par les pouvoirs publics, la FEP souhaite un aménagement du dispositif «en nous exonérant de l’obligation de préciser les adresses de nos lieux de missions et d’être aussi considérés comme prioritaires pour disposer d’équipements de protection individuels (masques...)».
Profedim souhaite un «soutien conséquent et universel (...) dans les plus brefs délais», sachant que «à ce jour, chacun a géré dans l’urgence l’annulation des différents évènements artistiques et culturels programmés» et que «La situation floue dans laquelle nous sommes aujourd’hui nous immobilise». L’organisation du secteur de la Culture demande notamment «que tous les contrats de travail, toutes les commandes, dès lors qu’il existe une promesse ferme en ce sens, soient honorés».
Un collectif de syndicats d’employeurs de l’édition, de la musique, du cinéma (ATAA, CEMF, CSDEM, EIFEIL, GAM, SNAC, UCMF, ULM, UNAC, UPAD) s’inquiète de l’impact sur le «modèle économique des auteurs, compositeurs et éditeurs dont la rémunération provient des droits d’auteurs qui par essence sont des revenus différés», qui «n’ont lieu que si les œuvres sont exploitées de façon satisfaisante et évidemment si les OGC sont en capacité de faire le travail de collecte et de répartition de droits d’auteurs». Il espère que le «soutien public annoncé par le Président de la République ne saurait omettre (...) aucun maillon d’une filière» et en appelle à «la responsabilité de chacun, et donc également des acteurs privés».
La Société des auteurs et compositeurs de musique (SACD) a décidé de créer un «fonds un fonds de solidarité d’urgence (…) entre auteurs pour remédier aux situations des plus démunis». Elle estime en effet que les financements annoncés par les pouvoirs publics, dont «l’aide d’urgence dévoilée par le ministère de la Culture, d’un montant de 22 millions d’euros», laquelle ne concerne en outre que «les structures» est a priori insuffisante. Elle préconise, afin de conforter le soutien aux auteurs que «la SACD et aux autres organismes de gestion collective (aient-NDLR) la possibilité de financer de manière exceptionnelle en 2020 sur leur budget d’action culturelle la dotation de ce fonds d’urgence», ce pourquoi elle a demandé au ministre de la Culture «de modifier en urgence les dispositions légales et réglementaires qui à ce jour lui interdisent cette pratique. En particulier, le décret 2017-924 du 6 mai 2017 fixant la liste des dépenses autorisées dans le cadre des 25 % de copie privée».
L’Union nationale des professions libérales (Unapl) salue «les décisions courageuses et déterminées prises par le Président de la République» et précise que «Les professionnels libéraux y prendront toute leur part et en particulier les professionnels de santé libéraux (...) engagés dans ce combat avec dévouement et honneur, dans des conditions le plus souvent difficiles». L’organisation professionnelle se félicite d’avoir été entendue sur ses demandes d’accompagnement des petites entreprises. Elle estime que: «Le report et les dégrèvements des charges sociales et fiscales, le report des mensualités de prêts bancaires, l’obtention de fonds de trésorerie garantis par BPI France, la création d’un fonds de solidarité destiné aux petites entreprises, la suspension des factures de gaz et d’électricité ainsi que des loyers professionnels et l’amélioration du dispositif de chômage partiel, constituent autant de mesures essentielles au maintien des entreprises libérales».
CCI France, par la voix de son président Pierre Gouguet, se félicite de «La décision de créer un fonds de solidarité nationale pour aider les petites entreprises, les micro-entrepreneurs et les indépendants, afin d'aller plus loin que les reports de charges qui pourraient s'avérer insuffisants dans cette situation». L’institution consulaire considère que «Le montant total des aides directes (45 milliards d'euros) paraît à la hauteur du défi auquel notre économie est confrontée». Afin de ne laisser «aucune entreprise au bord de la route», le réseau des CCI a notamment créé «dans tous les territoires, des cellules d’accompagnement des entreprises», engage une «évaluation au quotidien de l'impact du coronavirus sur l’activité économique».
L’AGIRC-ARRCO fait savoir qu’elle même et tous les groupes de protection sociale mettent tout en œuvre pour que cette «situation exceptionnelle (n’ait-NDLR) pas d’impact sur la date de paiement des retraites».
La CGT tient à apporter son soutien à l’ensemble des travailleurs des «secteurs assurant la satisfaction des besoins vitaux, (...) à leur poste dans des conditions de difficulté croissante (...) personnels de santé (...), des services de l’État, des transports, de l’énergie, des sapeurs- pompiers, des salariés du commerce, de la logistique, de l’agroalimentaire, de l’eau, des agents de propreté, des éboueurs, des personnels de crèche». Le syndicat demande au Gouvernement et aux employeurs de «tout faire pour fournir, sans délai, les équipements de protection indispensables», de même que «l’arrêt immédiat de toutes les activités ne participant à la production de biens et de services répondant aux besoins essentiels de la population». Pour la CGT, la situation actuelle «montre le rôle indispensable et solidaire de nos services et entreprises publics» et qu’il «pas concevable que (les-NDLR) politiques dites de réduction de dépenses publiques, puissent être poursuivies». Ainsi, le report des réformes «devra conduire à des décisions plus radicales».
Le Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière «apporte tout son soutien aux agents et salariés de la fonction publique territoriale et des services de santé». Elle évoque néanmoins «sa revendication que les agents ne soient pas pénalisés par des mesures telles que la mise en place du jour de carence, la suppression de RTT ou pertes de salaire». Considérant que l’heure n’est pas à la polémique, la FSPS-FO estime que «une fois cette pandémie vaincue, la question de l’abrogation de la loi de la transformation de la fonction publique se posera à nouveau».