Le confinement est considéré comme le meilleur moyen de freiner la propagation de la pandémie, et de privilégier la protection des acteurs des secteurs sanitaire et des activités vitales. De nouvelles mesures de soutien ont été prises pour les TPE, les indépendants, à la satisfaction des principales confédérations patronales.
Le point sur les problématiques sanitaires
Les débats sur les tests, les traitements, les prises en charge d’autres affections, est notamment cadré par les académies du secteur sanitaire et social. La protection des acteurs du soin continue à préoccuper les organisations professionnelles et, plus largement, celles du secteur médico-social.
Les académies nationales de médecine et de chirurgie émettent des recommandations pour que la gestion de la «déprogrammation de soins chirurgicaux» puissent être assurée dans les meilleures conditions. Cela suppose que: «d’ores et déjà, des contacts soient pris avec les fédérations et associations médicales, notamment de médecins généralistes, afin d’assurer au mieux la prise en charge des patients dont le traitement chirurgical a dû être retardé»; que «les sociétés savantes établissent au plus vite (…) en accord avec les directives qui seront édictées en vue (…) du retour à un fonctionnement normal des établissements de santé, des recommandations sur les modalités pratiques de reprogrammation des soins chirurgicaux et d’information des patients», et qu’elles «tirent les enseignements de cette pandémie, en vue de la préparation des structures chirurgicales à une nouvelle crise sanitaire majeure».
Pour le plus long terme, il importe qu’une réflexion soit menée «au sein du corps chirurgical sur les aspects méthodologiques et éthiques soulevés par les choix qui ont dû être effectués concernant la prise en charge des patients», ainsi que «u sein des établissements de santé publics et privés, sur le rôle des chirurgiens dans la coordination indispensable entre les équipes chirurgicales, administratives et techniques en vue de l’adaptation de ces établissements à une situation critique». Les académies tiennent par ailleurs à saluer «l’esprit d’anticipation, de mobilisation et de coopération qui a prévalu au sein de la communauté chirurgicale».
Les Spécialistes de la Confédération des syndicats médicaux français estiment nécessaire, «dans l’intérêt des patients et de la qualité des soins», «d’étendre la télé-expertise à tous les patients alors qu’elle est aujourd’hui limitée aux patients en ALD, en EHPAD ou résidant en zones sous denses». En pratique, explique son président Franck Devulder, il faudrait que l’Assurance maladie accepte de «revoir les tarifications proposées en créant, entre autre, un troisième niveau de télé-expertise» et «d’appuyer auprès des éditeurs de logiciels et des acteurs de téléconsultations nos demandes pour réaliser de façon simple et sécurisée la téléexpertise et sa facturation».
La Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne non lucratifs (Fehap) préconise le «versement, pour les salariés (professionnels éducatifs médico-sociaux-NDLR) sur le terrain, d’une prime intégralement financée par les conseils départementaux, sur le modèle de ce qui a été annoncé (…) pour les services essentiels». Cette prime permettrait, selon l’organisation professionnelle de les mobiliser pour venir en renfort dans les maisons d’enfants à caractère social (MECS), confrontée, du fait du confinement, au manque de «personnel “spécialisé” pour accompagner l’ensemble des jeunes qu’elles accueillent.
La Fédération agriculture alimentation de FO (FAGT-FO) saisit le ministre de la Santé par voie de courrier pour qu’il soit donné «des consignes claires pour faire respecter les obligations des employeurs de ce secteur en matière de sécurité et de santé, et garantir aux salariés ainsi qu’aux bénéficiaires l’accès au matériel médical adéquat». Compte tenu des manquements constatés à ces obligations dans certaines entreprises, le syndicat indique qu’il «entend, judiciairement si besoin, rappeler que le droit à la sécurité dans l’exercice de leurs métiers s’applique à tous les salariés». En outre, il demande aux pouvoirs publics de généraliser «l’accès prioritaire au matériel médical pour l’ensemble de ces salariés comme cela est le cas pour les personnels soignants».
Le point sur les problématiques économiques
Les acteurs de la santé attendent aussi une protection sur le plan économique et social. Très fragilisés, les indépendants et TPE bénéficient de nouvelles mesures pour leur permettre de faire face à court terme, tandis que l’Europe vient de décider d'une réponse commune forte à la crise. Mais dans de nombreux secteurs d’activité la question d’une impossibilité de relance est posée.
Le Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) interpelle les assurances et leur demande «une position claire et commune (…) sur le maintien de la couverture lors des régulations». Le syndicat a en effet constaté que « certaines RCP (assurances en responsabilité civile professionnelle-NDLR) ne couvriraient pas les praticiens qui effectueraient la régulation de niveau 1, alors qu’ils bénéficient d’IJ (indemnités journalières-NDLR) versées par la sécurité sociale».
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) appelle les pouvoirs publics à prendre des «mesures complémentaires fortes» pour soutenir économiquement les cabinets médicaux. Pour le SML, cela doit notamment se concrétiser par: «Une aide correspondant à un douzième de la part des honoraires habituellement encaissés par chaque médecin», « l’annulation pure et simple de toutes les cotisations sociales (…) pour la période concernée». Le syndicat précise que si le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie a été chargé de «construire un mode d’indemnisation pour les professionnels libéraux de santé», les discussions avec celui-ci font craindre que «l’État ne soit en train de construire une usine à gaz», ce alors qu’il faudrait «une mesure simple et équitable qui s’applique à tous les médecins».
La Confédération des petites et moyennes entreprises, le Medef et et l’Union des entreprises de proximité apprécient la décision du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) d’octroyer, en avril 2020, une «indemnité de perte de gains». Les trois organisations patronales estiment toutefois nécessaire «que les cotisations et contributions sociales, déjà reportées en mars et avril, puissent l’être également au mois de mai si la situation l’exige». Concernant l’indemnité, elles indiquent qu’elle sera «cumulable sera cumulable avec le fonds de solidarité mis en place par le Gouvernement» et que ce dispositif de soutien ne mettra pas les « finances publiques (…) à contribution».
Cette décision réjouit également la Fédération française du bâtiment, comme l’exprime son président Jacques Chanut (encore en exercice-NDLR): «Cette aide est un véritable ballon d’oxygène. Nous nous félicitons que les Pouvoirs Publics aient validé les propositions que nous avons formulées.
La Confédération nationale des indépendants (CNDI) propose aux pouvoirs publics «des mesures concrètes, immédiatement applicables et peu coûteuses pour l’État afin de sauvegarder notre économie». Le syndicat préconise notamment que «toutes les sommes investies dans des entreprises de certains secteurs seront déductibles, immédiatement, du revenu imposable» et «(soient-NDLR) bonifiées par l’Etat de 25%». Une solution gagnant-gagnant, selon lui pour le particulier, l’entreprise, et l’État obligé à «simplement 25% d’investissement (au lieu de +150%)».
Le Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (CNIPT), par la voix de son président Luc Chatelain, en «appelle à la responsabilité de chacun des acteurs des filières pommes de terre» pour que ne soient engagées «sur le marché du frais français, des opérations de dégagement de pommes de terre qui n’étaient pas initialement destinées» à celui-ci. Le CNIPT craint un «excès d’offre inutile», tout en assurant que «la France ne manquera pas de pommes de terre pour l’approvisionnement des magasins et l’alimentation des consommateurs». Le président du CNIPT insiste donc sur «l’importance de construire des logiques de filières et de travailler en étroite collaboration avec tous les acteurs de la chaîne (…) et de travailler sur deux niveaux en parallèle : la gestion de l’activité à court terme et l’anticipation pour la suite». Il rappelle, en outre que «La perception d’un prix plus élevé par le consommateur sur certains fruits et légumes s’explique notamment par une réorientation de l’approvisionnement des distributeurs vers des produits d’origine France dont les coûts de production sont plus élevés».
Pour le président de la Coopération agricole, Dominique Chargé, ile ne fait pas de doute que «dans un futur proche nous aurons besoin (des consommateurs-NDLR) et de l’appui des pouvoirs publics français et européens pour nous épauler dans la crise économique qui (…) va frapper certaines de nos filières. Il faut la prendre en compte (…) dans les différentes réflexions à mener pour que les agriculteurs et les entreprises bénéficient de l’accompagnement nécessaire à leur résilience». Un constat qui fait suite à 3 enquêtes menées auprès des coopératives adhérentes dont il ressort notamment qu’il y a «des difficultés importantes sur certains marchés: restauration hors domicile (RHD) et export (vins, produits laitiers)», une «situation dramatique pour la filière horticole», des baisses fortes sur les filières viandes, et ce en dépit d’une «continuité de service assurée auprès de la grande distribution».
L’Union nationale des métiers de l’hôtellerie réclame auprès des assureurs qu’ils s’engagent à des «efforts exceptionnels» pour soutenir les entreprises. Concrètement, il s’agirait de mettre en œuvre «un dispositif exceptionnel d’indemnisation permettant de subvenir en urgence, au moins partiellement, aux graves pertes d’exploitation» adossé à «un mécanisme de fongibilité permettant de puiser dans les fonds des sinistres les moins mobilisés pendant la période de crise», ainsi que la «reconnaissance juridique pleine et entière de l’état de catastrophe sanitaire dans les futurs contrats d’assurance». Le président de l’UMIH, Roland Héguy tient à souligner que «Nous nous estimons lâchés par les assureurs. Nous n’entendons donc pas relâcher notre mobilisation car pendant que la Fédération française de l’Assurance parle d’argent, nous, nous parlons d’emplois, d’hommes et de femmes et d’entreprises». Pour appuyer son propos, il indique que, selon une enquête auprès des adhérents de l’union (du 1 au 6 avril), «98% d’entre elles se voient refuser par les assureurs toute prise en charge, même partielle, de leurs pertes d’exploitation».
La veille sociale des syndicats
Pour les syndicats de travailleurs, il s’agit de veiller à ce que les mesures de soutien économique aux entreprises soient aussi bénéfiques pour les salariés.
La Confédération française et démocratique du travail salue l’accord de l’Eurogroupe et la «volonté des États-membres à surmonter leur division pour construire une réponse économique commune», ainsi que «les mesures annoncées qui contribuent à aider au maintien dans l’emploi et à mieux protéger les travailleurs et les entreprises durement touchés par la crise». Le syndicat note que «l’Europe a fait davantage en quelques semaines qu’elle n’a fait en plusieurs années lors de la crise précédente», sans oublier de rappeler qu’elle plaide «avec la Confédération européenne des syndicats» pour «un plan de relance qui repose sur le budget de l'Union européenne et qui devrait être renforcé par le biais d'obligations européennes communes (Corona bonds)».
La Fédération agriculture alimentation de FO (FAGT-FO) adresse un «appel à l’État à l’État ainsi qu’aux assureurs à participer plus activement à l’effort national de solidarité» en faveur des TPE de l’hôtellerie restauration et de leurs salariés. Le syndicat préconise en particulier «le maintien de la rémunération à 100% pour tous les salariés du secteur». Il précise aussi que «l’action sociale de la branche s’est dotée d’un budget supplémentaire d’un million d’euros pour mettre en place des mesures exceptionnelles» (via: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.).
L’intersyndicale de la fonction publique regroupant CGT-FP, FA-FP, FO-FP, FSU, Solidaires interpellent «solennellement» le secrétaire d’État à la Fonction publique par voie de courrier. Deux exigences prioritaires sont mises en avant. D’abord, «que les stocks de matériels de protection disponibles soient intégralement affectés aux services publics et secteurs de l’économie concourant aux besoins vitaux de la population». Ensuite, que puisse s’ouvrir «une discussion sur un plan de relance des services publics sur la base des besoins de court et de long terme en matière de service public et d’emploi public». Les organisations considère comme «aussi inacceptable qu’inapproprié qu’un projet de reprise de l’agenda social tel qu’il était conçu avant la crise puisse nous avoir été adressé» et soulignent, en particulier, ne pas comprendre «qu’à la lumière de la crise et du rôle que les CHSCT y ont joué, le gouvernement s’obstine à mettre en œuvre la diminution de leur rôle».