L’annonce de réouverture des écoles le 11 mai soulève des interrogations chez les professionnels de santé, mais aussi chez les syndicats. Le Gouvernement annonce de nouvelles mesures économiques, saluées par les organisations professionnelles… mais qui seront attentives à leur mise en œuvre.
Le point sur les problématiques sanitaires
Réagissant aux annonces du Président de la République, le Syndicat des médecins libéraux plaide pour «que les médecins libéraux, toutes les professions libérales de santé et toutes les cliniques qui le peuvent, redémarrent sans attendre le 11 mai leur activité en appliquant toutes les règles et gestes barrières pour assurer la plus haute sécurité sanitaire» et que, pour ce faire «les médecins libéraux puissent avoir accès au matériel de protection ainsi qu’aux tests». Le SML rappelle que la question des soins aux «patients atteints de maladies chroniques et pathologies aigües» est «stratégique».
Consécutivement à la décision du Gouvernement d’autoriser «exceptionnellement jusqu'au 31 mai le renouvellement d'ordonnances par le pharmacien au delà de sa période de validité», le syndicat MG France rappelle que le renouvellement «“à l'identique" d'un traitement chronique» est fonction «d’éléments accessibles au seul médecin traitant», lequel doit «pouvoir, si l'état de santé du patient l'exige, assortir ce renouvellement de conseils thérapeutiques ou de modifications posologiques». Il est donc demandé aux «pharmaciens de ne pas renouveler les ordonnances périmées sans contacter au préalable le médecin traitant».
L’Ordre national des pharmaciens (CNOP) fait part de son soutien aux «recommandations de la Commission européenne pour garantir l’approvisionnement en médicament» et il «encourage les pharmaciens industriels à les suivre». L’institution ordinale précise qu’elle «partage pleinement» les valeurs mises en avant par la Commission, à savoir «faire preuve de solidarité», «garantir l’approvisionnement en augmentant la production», «promouvoir l’utilisation optimale dans les hôpitaux», «optimiser les ventes en pharmacie d’officine». Le CNOP se dit prêt à «poursuivre la coopération avec les autorités françaises (…), pour introduire plus de flexibilité réglementaire au sujet de ces activités pharmaceutiques». Sa présidente Carine Wolf-Thal précise à cet égard: «Les pharmaciens, professionnels de santé garants de la fabrication et de la distribution des médicaments et produits de santé dans des conditions de sécurité optimales, sont particulièrement mobilisés (…) Ils sont tous unis par un code de déontologie qui se réfère à des principes fondamentaux rappelés à juste titre par la Commission européenne».
Pour la Fédération internationale de la pharmacie (représentant 150 pays), le rôle des pharmaciens dans la lutte contre l’épidémie doit être soutenu. D’où la publication de 23 propositions, à l’usage des gouvernements. Il y est notamment question de «reconnaissance comme secteur de travail clé», «mesures de protection accessibles à tous», priorité en matière de tests, dérogation aux règles de prescription pour la délivrance de certains médicaments à des patients à risque d’infection, droit à la téléconsultation, à la pratique des tests, ou encore soutien logistique et financier pour les livraisons à domicile de médcimenats ou dispositifs… La FIP est présidée par le Suisse Dominique Jordan. Jacqueline Surugue y siège en tant que vice-présidente.
Le point sur les problématiques économiques
L’Union des entreprises de proximité (U2P) salue la mémoire de Bernard Stalter, président de CMA France, décédé du COVID-19 le 13 avril 2020. L’organisation d’employeurs, dont celui-ci était vice-président, souligne que sa disparition «constitue une grande perte, lui qui a consacré sa vie à promouvoir l’artisanat et l’apprentissage, auprès des pouvoirs publics, auprès des jeunes et auprès de l’ensemble des Français», et tient à évoquer «l’humanisme, de la joie de vivre et de l’incroyable énergie de leur ami».
Christian Vabret, président par interim de CMA France, se dit satisfait que le Gouvernement ait pris en compte sa demande « concernant l’élargissement et la simplification des conditions d’accès au Fonds de solidarité» (pour les entreprises-NDLR). L’institution consulaire interpelle néanmoins le secteur bancaire pour obtenir «un formulaire unique de demande de prêt, avec les mêmes conditions d’accessibilité, sans différence de traitement territorial ou d’entité bancaire».
L’Union des métiers et industries de l’hôtellerie (UMIH), par la voix de soin président Roland Héguy salue «l’annonce d’un plan sectoriel pour la restauration, l’hôtellerie, et le tourisme» faite par le Président de la République, de même que l’appel lancé par celui-ci aux assureurs à «être au rendez-vous de cette mobilisation économique». Toutefois, l’UMIH regrette «d’être l’un des seuls secteurs sans effet d’horizon pour l’ouverture (…), alors même que nous travaillons déjà à des guides pratiques pour exercer nos métiers en préservant la santé de nos salariés et de nos clients».
Du côté du Syndicat national des brasseurs indépendants (SBI), le président Jean-François Drouin demande «que les brasseries indépendantes produisant moins de 200 000 HL soient intégrées d’urgence au plan spécifique en préparation». Le syndicat rebondit ici sur les déclarations du ministre de l’Économie faisant état d’un plan spécifique pour le secteur de l’hôtellerie, restauration tourisme. Dans une adresse précédente au Gouvernement, le SBI avait plaidé pour diverses mesures d’urgence: «exonération totale des charges fiscales directes», «annulation des taxes sur l’alcool», «éligibilité automatique au fonds de solidarité», ainsi que «au prêt de trésorerie garanti par l’État», «suspension des mensualités des prêts sans aucun frais, ni intérêt», «création d’un code APE particulier pour les brasseurs indépendants dès la sortie du confinement», «dispense de licence dans les caveaux de nos brasseries artisanales, dès la fin du confinement». Il souhaitait également la «reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sanitaire».
Le Conseil national des professions de l’automobile, suite à l’allocution du Président de la République, adresse au Gouvernement un courrier officiel, dans lequel il se déclare «prêt à construire, auprès du Gouvernement et du Comité stratégique de la filière (…), un Plan global de relance qui réponde aux enjeux de l’amont et de l’aval». Dans l’immédiat, l’organisation d’employeurs «demande (…) de réunir dès que possible les conditions nécessaires à un redémarrage progressif de l’activité», ce qui induit «la validation par les ministères compétents du guide de bonnes pratiques sanitaires spécifiques au secteur», «une concertation (…) sur la révision des arrêtés des 14 et 15 mars pour étendre le périmètre des activités autorisées à ouvrir, à l’instar de la vente des véhicules neufs et d’occasion», «l’adaptation nécessaire de l’attestation dérogatoire de déplacement», «la clarification de la responsabilité civile et pénale de l’employeur». Pour le CNPA, il importe aussi de déployer «un éventail de mesures d’accompagnement économique», inclus notamment «la prorogation de certaines aides au moins jusqu’à l’été, l’exonération de charges sociales et fiscales, notamment pour les TPE et PME (…) ou la révision du dispositif de prime à la conversion ».
La Fédération nationale des exploitants agricoles prend acte de la déclaration du Président de la République selon laquelle «Il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d’autonomie stratégique pour notre Europe». Le syndicat d’exploitants agricole, évoquant notamment un sondage selon lequel «les Français, qui témoignent à 93%, dans un récent sondage, que l’autonomie agricole de la France doit être la première priorité politique d’après-crise», n’en souligne pas moins que «de la parole aux actes, le chemin s’avère toutefois encore incertain». Afin de relever le challenge, «dans cet esprit de concorde, résolument optimiste, (…) la FNSEA tend la main au Président de la République, pour proposer d’écrire cette nouvelle page de notre indépendance agricole (…), bâtie sur des filières agricoles résilientes, compétitives et durables». Pour le syndicat d’exploitants agricoles, il est clair que «la réflexion prospective que nous aurons à mener collectivement» nécessitera effectivement «des décisions de rupture» tant à Paris qu’à Bruxelles».
Pour Jeunes agriculteurs, la Confédération des vins IGP de France, la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de à appellations d’origine contrôlées, Coop de France- Vignerons Coopérateurs, Vignerons indépendants de France, les annonces du Président de la République font craindre que «la reprise pour notre secteur ne pourra se faire avant l’été au plus tôt, avec la réouverture des bars et restaurants et la reprise de l’activité touristique». D’où la nécessité «de dégager des fonds suffisants afin d’envoyer à la distillation au moins 3 millions d’hectolitres de vin». Les organisations professionnelles du secteur agricole demandent donc au ministre de tutelle des «mesures d’accompagnement spécifiques» pour la filière viticole, au premier rang desquelles «la mise en place d’une mesure de distillation volontaire (…) permettant de dégager avant les vendanges les volumes accumulés». Au-delà de cette mesure d’urgence, elles souhaitent que soit «finalisé (NDLR) le fonds de compensation pour les taxes US (…)» plus de «souplesse nécessaire (dans-NDLR) la gestion de l’OCM vin», des «adaptations réglementaires spécifiques, nationales ou européennes». La filière doit être, selon elles, accompagnée «fiscalement et socialement».
La Coordination rurale «demande que soit mis en place au plus vite le Programme de responsabilisation face au marché (PRM)» afin de faire face à la crise qui touche la production laitière (surproduction). Le syndicat d’exploitants agricoles estime en effet nécessaire «de connaître en temps réel l’état des stocks de chaque produit industriel (et-NDLR) le niveau au-delà duquel ils deviendraient toxiques pour la filière». Par ailleurs, il considère que «la volonté du Cniel d’agir en proposant une incitation à la réduction» n’aura pas un effet suffisant, et «craint que les mesures de soutien mises en place par la France soient peine perdue face à l’inaction des autres grands pays producteurs européens».
Gîtes de France® lance un appel aux Français pour qu’ils privilégient les «circuits courts» et apportent ainsi leur «soutien à la filière agricole». L’organisation professionnelle du secteur du tourisme tient à rappeler «qu’elle a été créée dans les années 50, de l’initiative d’agriculteurs et d’élus qui souhaitaient réhabiliter leurs bâtis, alors soumis à l’abandon du fait de l’exode rural, en développant l’accueil touristique sur leurs terres et ainsi éviter la désertification. Le tourisme durable et collaboratif naissait en France». Si «la ruralité est (au-NDLR) cœur de l’ADN du réseau», c’est aussi que concrètement «plus de 80% des hébergements du réseau sont encore situés en zone rurale» et qu’une part relativement importante de «propriétaires sont agriculteurs».
Les Cinéastes de l’ARP, en appellent aux Gouvernement (tribune également publiée dans Le monde-NDLR) pour qu’il prenne «deux décisions rapides» afin de préserver la «souveraineté» de «l’industrie culturelle nationale». La première, qui fait référence à «l’éventuelle revente de Canal+», consisterait à interdire par «décret (…) la revente de catalogues d’œuvres cinématographiques françaises à un opérateur non-européen». La seconde, relative aux plateformes, consisterait en urgence à «transposer la directive européenne SMA, qui seule pourra nous permettre de faire contribuer les plateformes à la diversité culturelle, à la création indépendante dans les pays où elles proposent leurs services et tirent des ressources grâce à nos concitoyens».
Dans le cadre d’un débat virtuel à l’Unesco («ResiliArt», Paris, le 15 avril 2020» le président de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs (CISAC), Jean-Michel Jarre souhaite «faire entendre la voix des créateurs afin qu'ils puissent contribuer à l'élaboration de politiques efficaces par les gouvernements», dans lesquelles «la culture (doit être considérée-NDLR) comme faisant partie de la stratégie de sortie de (…) crise». Selon la CISAC, «les gouvernements doivent investir dans la relance culturelle».
La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) se félicite de «la création d’une “avance remboursable” annoncée ce matin par le ministre de l’Economie et des Finances,(…) à l’intention des PME non éligibles au PGE (prêt garanti par l’État-NDLR) et qui ne trouvent pas de trésorerie». Pour la CPME, il faut toutefois que son «remboursement (soit-NDLR) étalé dans le temps». Suggérant «d’accélérer l’ouverture effective du PGE aux entreprises en redressement judiciaire», le syndicat d’employeurs estime aussi «nécessaire de donner la possibilité aux entreprises ayant eu recours au PGE de passer le différé de remboursement à 24 mois et de permettre un amortissement sur 10 ans».
Pour Michel Picon, président de l’Union nationale des professions libérales (Unapl), «Le Président de la République a donné une feuille de route vers le déconfinement. Le soutien de l’État aux TPE libérales et aux indépendants a été réaffirmé». L’organisation note avec satisfaction «que le chef de l’État veut amplifier le soutien aux entreprises et aux indépendants dont les professions libérales», à travers son appel aux banques, aux assureurs, et surtout via sa demande au «Gouvernement de faire évoluer le fonds de solidarité pour le rendre plus accessible et plus simple». L’Unapl souligne toutefois «qu’au-delà du report aujourd’hui prévu, l’annulation des charges fiscales et sociales des entreprises pour les mois de mars, avril et mai soit décidée pour les professions libérales».
La veille sociale des syndicats
La Confédération générale du travail réagit défavorablement à l’allocution du Président de la République et plaide pour «une déclaration d'état de catastrophe sanitaire, afin de faire jouer la solidarité financière des groupes d’assurance», ainsi que «l'indemnisation de l'activité partielle à hauteur de 100% du salaire, le retrait (…) de la réforme de l'assurance chômage (…) et la prolongation des droits à l'assurance-chômage au-delà du confinement». Pour le syndicat de salariés, le Président de la République «a confirmé son choix: celui de la santé financière des entreprises et de l’économie, notamment des plus grands groupes bien avant la santé des salarié.e.s et de la population».
Constat identique à la FEC-FO (cadres), pour laquelle «les déclarations présidentielles laissent songeur et portent à questions et doutes», entre autres celui que «le but (soit-NDLR) de renvoyer au travail, dès le 11 mai, tous les salariés qui gardent leurs enfants à la maison». Pointant «un si petit nombre d’annonces concrètes», particulièrement en ce qui concerne les salariés, le syndicat interpelle les pouvoirs publics sur les «protections obligatoires dans l’entreprise et durant le trajet, «les secteurs indispensables», l’interdiction des «licenciements», la garantie des «salaires à 100%», l’éventuel «retrait de la réforme des retraites», celle de «l’assurance chômage», mais encore la neutralisation des «dividendes»… Selon la FEC-FO, il est par ailleurs «nécessaire de retirer les ordonnances dérogeant au Code du travail et conforter ce même Code du travail ainsi que les conventions collectives, accords de branches ou accords d’entreprises».
Sur le volet éducation, la CGT Éduc’action se dit «très dubitative face à ces premières annonces qui semblent encore peu concrètes et très éloignées des capacités de l’État à tout faire pour assurer cette reprise dans des conditions sanitaires raisonnables». Le syndicat considère même que «sous couvert d’égalité et avec la volonté de faire “retrouver le chemin de l’École” aux enfants des milieux les plus défavorisés, le Président de la République souhaite surtout et avant tout relancer l’économie en “libérant” les parents de leurs enfants afin qu’ils·elles retournent travailler comme le souhaite le patronat». Dès lors, il «attend du ministre que soit précisé le “retour progressif” (…), que soient garanties les mesures matérielles de cette réouverture (protections, tests…), mais aussi les droits des salarié·es (autorisations spéciales d’absence, droit de retrait…)». Faute de réponse, «la CGT Éduc’action s’opposera à toute reprise prématurée et nous considérons que les personnels seraient fondés à appliquer leur droit de retrait».
Force ouvrière saisit par lettre une la ministre du Travail pour que des mesures soient prises en urgence en faveur des travailleurs des plateformes, à savoir «en les indemnisant en cas de confinement et en garantissant leur sécurité lorsqu’ils poursuivent leur activité». Le syndicat de salariés insiste sur le fait que « mal protégés du fait de leur statut de pseudo-indépendants», «ils sont ainsi contraints à continuer leur travail en s’exposant au risque de contamination, sans que les plateformes aient une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité».
Pour sa part, le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel (Snufpen) appelle «le ministère de l’Agriculture (…) à suspendre la décision de la Direction générale «de l’Office national des forêts selon laquelle «ses personnels de terrain devaient reprendre les activités collectives en forêt à compter de ce jour mardi 14 avril». Le syndicat rappelle que, non seulement «le confinement est prolongé jusqu’au 11 mai », qu’en outre «dans leur grande majorité, ces activités ne sont ni urgentes ni prioritaires mais sont pour certaines dangereuses comme les travaux avec tronçonneuse» et qu’enfin «la direction générale de l’ONF a décidé de rassembler à nouveau ses personnels en forêt avec des consignes de sécurité difficiles à appliquer, sans eau courante et sans masque».