Les acteurs du secteur sanitaire et social, mais aussi de multiples secteurs économiques, se placent désormais dans la perspective du déconfinement, pour lequel la généralisation du port du masque et le strict respect des gestes barrières seront un enjeu clé. Les syndicats sont particulièrement attentifs à la protection sanitaire, mais aussi sociale, des salariés.
Les problématiques sanitaires
L’Académie nationale de médecine «recommande fortement une mobilisation citoyenne pour le port du masque». Rappelant que «pour être efficace, le port du masque anti-projections doit être généralisé dans l’espace public» et que, d’autre part «il est possible, dans chaque famille, de confectionner des masques en tissu (…) lavables et réutilisables à partir de matériaux courants non onéreux», elle note néanmoins que «des objections de principe retardent sa mise en œuvre». L’Académie ne juge pas pertinentes les propositions des pouvoirs publics de «restreindre le port du masque dans les seuls transports en commun» et «d’attendre la date du 11 mai pour faire porter le masque aux Français». Aussi bien, elle considère que «subordonner (l’-NDLR) obligation à la fourniture gratuite de masques par l’État, c’est conforter la population dans une situation d’assistance et de déresponsabilisation».
Dans la perspective du 11 mai, l’Ordre national des infirmiers rend publiques «ses recommandations pour un déconfinement efficace». Ainsi que le précise son président, Patrick Chamboredon: «Pour permettre (…) que nos efforts de ces dernières semaines ne soient pas réduits à néant, il faut impérativement mettre en œuvre un certain nombre de mesures très opérationnelles pour limiter au maximum la circulation du virus et permettre une prise en charge optimale de toutes les autres maladies. Le rôle des infirmiers sera central dans ce dispositif. Et nous serons particulièrement vigilants à ce qu’ils puissent exercer en toute sécurité».
Les recommandations s’ordonnent autour de 4 priorités. Mobiliser pleinement la profession infirmière en lui accordant la possibilité de «prescrire (…) des tests de dépistage (…) s’ils constatent des symptômes cliniques chez leurs patients», et de «réaliser directement ces tests». Ensuite, placer sous l’autorité des maires les «dispositifs de ville (répondant-NDLR) à toutes les situations particulières et pour une distribution plus adaptée des moyens et une mobilisation plus efficace des professionnels», autour de dispositions telles que: «inscrire le Covid19 dans les maladies à déclaration obligatoire», «permettre aux infirmiers de déclencher sans prescription médicale la mise en œuvre du télésoin», d’assurer le «suivi des personnes contaminées isolées», «garantir la fourniture de protections pour les soignants, les patients et le grand public».
Pour l’ONI, les pouvoirs publics doivent s’attacher à mettre en œuvre «un plan de continuité de reprise des soins pour les patients non covid (…) L’objectif étant une reprise rapide des soins programmés dans les établissements et de toutes les prises en charge chroniques en ville. Il faudra pour ces dernières donner la priorité absolue aux personnes fragiles (…) encore confinées ces prochains mois» et aussi permettre aux «infirmiers en puériculture de déclencher, sans prescription, téléconsultation et vaccination» (comme cela est expérimenté à Mayotte) au bénéfice des enfants. Concernant, enfin, les résidents en Ehpad, l’institution ordinale «soutient la décision du Gouvernement de rouvrir les visites» sous conditions toutefois de la présence forte d’un service infirmer.
Un collectif d’organisations professionnelles publiques et privées (Fehap, Fédération hospitalière française, Fédération de l’hospitalisation privée, fédération Unicancer, Union nationale des professionnels de santé, France Asso Santé) du secteur sanitaire et social tire la sonnette d’alarme sur «le renoncement aux soins» de la population. Il préconise aux personnes concernées de «rester confinées chez elles, en respectant les consignes des autorités sanitaires, et ne pas renoncer aux soins. En cas de doute sur son état de santé, il est essentiel de continuer à contacter son médecin ou d’appeler le 15, selon la situation». Ils tiennent à rappeler que «Les établissements et les professionnels de ville accueillent les patients qui en ont besoin et prennent en charge leurs pathologies chroniques ou leurs soins urgents, tous les jours, dans tous les territoires» et, qu’au besoin «le recours à la téléconsultation et aux télésoins est également possible et pris en charge par l’Assurance maladie».
Les problématiques économiques
La Confédération des petites et moyennes entreprises se félicite de la «prise en charge par les assureurs des pertes d’exploitation des TPE-PME assurées pour ce risque» telle qu’elle se met en œuvre chez certaines compagnies. Et de rappeler, après avoir cité plusieurs exemples: «Il est (…) important et utile que les assureurs, au-delà des arguments strictement juridiques, certes parfaitement recevables, fassent preuve de solidarité vis-à-vis des plus petites entreprises».
La Fédération française de l’assurance annonce la mise en œuvre d’une réflexion sur un «dispositif d’assurance qui (…) permettra de mieux protéger les entreprises contre les conséquences économiques d’un événement majeur tel que le vit notre pays aujourd’hui», dont le résultat sera «remis aux pouvoirs publics avant l’été». Ce travail, mené en partenariat avec le ministère des Finances, établi sur la base d’une consultation de «représentants des entreprises, de parlementaires, de juristes, d’économistes, d’experts en assurance et de réassureurs» et faisant appel à de multiples experts, s’attachera à qualifier l’événement type, à y corréler le préjudice, le type d’entreprise, le mode de financement. Florence Lustman, présidente de la FFA, affirme «l’ambition de mieux protéger encore les assurés, tout en garantissant la solidité de ses entreprises, (…) pour faire face à une situation que personne au monde ne pouvait imaginer il y a encore 6 mois».
Un collectif d’acteurs du secteur de la construction de la région rhônalpine (Fédération des promoteurs immobiliers, BTP Rhône et Métropole, ABC HLM, Syndicat des architectes, Union nationale des économistes de la construction, Syntec Ingénierie, Groupement des organisations représentatives des coordonnateurs sécurité et protection de la santé) lance un appel à la solidarité aux «particuliers, collectivités, investisseurs» afin d’activer la reprise des chantiers. Une reprise dans la visée de laquelle «toutes les professions de la construction se sont réorganisées afin de faire face aux différentes mesures de précaution préconisées. Et elles sont réunies autour de la table – toutes ! - pour étudier la possibilité de reprendre ces chantiers dans les meilleures conditions possibles. C’est inédit».
Jeunes Agriculteurs et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles estiment nécessaires des «flexibilités (…) sur la réglementation PAC», compte tenu de la succession «des épisodes climatiques extrêmes» qui impactent négativement la production agricole et ce tandis que l’agriculture est en première ligne durant l’épidémie. JA prone souhaite qu’on puisse «utiliser les jachères et bandes enherbées déclarées en SIE pour l’alimentation des animaux»; «déroger à la mesure de diversification des assolements lorsque les semis des cultures de printemps, n’ont pu être réalisés», «obtenir la totalité de leur DPB et de leur paiement vert lorsqu‘ils ont été confrontés à des aléas qui ne leur ont pas permis de respecter certaines règles». Plus structurellement, il faut organiser une «résilience» agricole, synonyme de «prévention, (…), sensibilisation et (…) articulation des outils de gestion des risques, (…) ambition réelle en matière de stockage d’eau et d’irrigation, ou encore (…) innovation».
La Ligue nationale de rugby acte l'abandon du scénario 1 d'organisation des phases finales du TOP 14 à compter de fin juin jusqu'à mi-juillet», en conséquence de quoi «les demi-finales du TOP 14, initialement prévues à Nice les 19 et 20 juin 2020 sont annulées» de même que les «3 étapes estivales de l'IN EXTENSO SUPERSEVENS prévues au mois d'août 2020». Des assouplissements réglementaires ont été également adoptés (mutation, retraits de points, prêts de joueurs). La Ligue a également «mis en place un plan d'économie de charges drastique, portant sur les exercices 2019-2020 et 2020-2021».
La veille sociale des syndicats
L’Union nationale des syndicats autonomes, par la voix de son secrétaire général Laurent Escure, exprime ses convictions au regard de la phase de déconfinement annoncée pour le 11 mai 2020. Le syndicat identifie 4 priorités: «respect des gestes barrières, avec les équipements et les protections adaptés à la sécurité et à la santé des travailleurs ou des publics», «organisations du travail (…) afin de limiter la circulation et les risques d’exposition au virus» avec poursuite du «télétravail (même partiel)»; «cellules de suivi composées des représentants de la direction et des syndicats» pour ce qui concerne l’information. Et quant au secteur privé, le syndicat préconise «que, les observatoires du dialogue social soient (…) les vigies de proximité de la reprise d’activité». Pour que ces dispositions soient appliquées, l’UNSA met surtout l’accent sur «un dialogue social sincère et constructif, les syndicats dans les entreprises et les administrations (pour NDLR) la co-construction du process de déconfinement».
Force ouvrière porte son attention sur la question du confinement des travailleurs handicapés. Le syndicat estime que «les collectifs de travail et les acteurs de l’entreprise devront se mobiliser pour que ces salariés (…) soient bien inclus avec les autres» et appelle ses militants à y veiller. La confédération plaide, par ailleurs, pour qu’Action Logement «remplisse son rôle dans cette période sans précédent», c’est-dire soit en «n soutien à l’accès au logement», tout en rappelant que l’État doit se mobiliser pour que «le logement retrouve une place centrale dans l’investissement national, (…); ce secteur ne peut demeurer une variable d’ajustement budgétaire dans les politiques publiques».
FO et particulièrement son syndicat SFNFOFPA interpellent les pouvoirs publics à propos de l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dont elle souligne la mobilisation exceptionnelle pour assurer ses missions, faire œuvre de solidarité avec des personnes très fragiles (mise à disposition de locaux). Ils dénoncent le «plan de sauvegarde pour l’emploi (PSE) en cours de déploiement» au sein de la structure.
Pour la Confédération générale du travail, la décision imposée par l’État à l’Agence nationale des chèques vacances (ANCV) «de ponctionner 30 millions d’euros sur ses réserves pour abonder le fond de solidarité mis en place pour les entreprises» est tout à fait inacceptable. Le syndicat estime qu’il y a là «un détournement intolérable de l’épargne des salariés et des agents de la Fonction publique (… aux revenus les moins élevés) et, aussi, «un précédent dangereux de financement par l’ANCV de politiques publiques ne relevant pas de son objet social». la CGT demande donc instamment à l’État d’annuler «purement et simplement cette saisie».
Un collectif d’acteurs du secteur éducatif (SGEN-CFDT, Snuipp FSU, Cemea, Francas, Jeunesse en plein air, Ligue de l’enseignement, Association nationale des directeurs et des cadres de l'Éducation des villes et des collectivités territoriales, Réseau français des villes éducatrices) interpelle le Gouvernement sur le retour dans les établissements scolaires censé débuter le 11 mai prochain, afin d’être «associé à la conception des scénarios envisagés». Pour les signataires, «les objectifs doivent être d’assurer la sécurité sanitaire en priorité, mai aussi de redonner (…) les repères qu’offre un cadre éducatif collectif». Ils préconisent notamment que le dispositif institutionnel soit ouvert plus largement qu’au seul ministère de l’Éducation nationale, que sa déclinaison soit effectivement territorialisée et adaptable aux spécificités locales, et que l’ensemble de la communauté éducative, parents inclus, en soit partie prenante.