Plusieurs organisations syndicales de salariés manifestent leurs inquiétudes, suite à l'étude de l'Unédic (parue le 23 septembre 2019) sur l'impact de la réforme de l'assurance-chômage. Motif: l'aggravation de la situation des personnes privées d'emploi, mais aussi la ponction sur les ressources de l'Unédic pour financer Pôle Emploi.
Une trajectoire financière positive
L'Unédic a rendu publique l'actualisation de ses «perspectives financières portant sur 2019-2022», intégrant les «règles d’assurance chômage modifiées par les décrets publiés fin juillet 2019». Selon l'organisme paritaire de gestion de l'assurance-chômage, la réforme en cours aurait pour effet, conjuguée à la croissance économique, aurait pour effet d'améliorer son solde financier, avec des valeurs positives dès 2021, soit «+ 3,0 Mds€». D'autre part, «La diminution de la dette (…) s’accélèrerait» pour passer de «37,7 Mds€» à fin 2020 à «29,4 Mds€» en 2022. Un redressement porté par «les mesures (…) qui modifient, au 1er novembre 2019, les conditions d’ouverture et de rechargement des droits, et celles qui modifient, au 1er avril 2020, le calcul du salaire servant de référence pour déterminer le montant de l’allocation».
Une économie… au prix des droits des personnes privées d'emploi
La Confédération française et démocratique du travail constate avec regret que «ce sont au total 4,5 milliards d’économies en 3 ans qui se feront au détriment de la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés», servant certes l'objectif d'économie voulu par les pouvoirs publics mais avec pour contrepartie «la baisse des droits des demandeurs d’emploi et la limitation du nombre de chômeurs indemnisés (…), soit près de 1,3 million de personnes qui seront touchées par cette réforme». Selon la CFDT, l'impact s'aggravera en 2020 pour près de «850 000 demandeurs d’emploi indemnisés qui travaillent en cumulant des contrats courts» dont l'indemnisation baissera. L'organisation dit ne pas partager la position du Gouvernement, en rappelant que «être au chômage n'est pas un choix».
Force ouvrière se dit d'autant plus encline à condamner une «réforme particulièrement injuste et inutile», dans la mesure ou «le retour à l’équilibre du régime (…) est prévu dès le second semestre 2020, avec des excédents en 2021» par les co-gestionnaires de la structure. Les données fournies par l'Unédic donnent à penser que les «allocataires impactés» en priorité seront des «personnes plus jeunes que la moyenne des allocataires, dont les droits sont déjà faibles», mais aussi que «plus d’un demandeur d’emploi sur deux va être impacté par la réforme», soit sous forme d'exclusion pure et simple, soit sous forme de baisse d'allocation, soit encore sous forme de retard d'indemnisation. FO réitère donc son opposition «à la stratégie du Gouvernement, qui consiste à faire porter des mesures d’économies uniquement sur les droits des demandeurs d'emploi, alors même que la convention d’assurance chômage négociée par les interlocuteurs sociaux en 2017 permettait des “moindres recettes” (aux alentours de 900 millions d’euros par an), tout en préservant les droits des demandeurs d'emploi et en sécurisant leur trajectoire professionnelle».
La Confédération générale du travail rappelle que selon les estimations de l'Unédic, la réforme ferait «1,3 millions de perdants», essentiellement «les plus précaires, les jeunes, les femmes, les seniors». Rappelant qu'en revanche «les entreprises se verront imposer un bonus-malus au rabais, s’appliquant à une minorité d'entre elles et sans réels effets dissuasifs sur le recours aux contrats courts», la CGT annonce l'engagement d'un «recours contre le décret du 26 juillet 2019», à l'instar des organisations «CGC, FO et Solidaires».
L'Unédic ponctionnée pour financer Pôle Emploi
Pour l'Union nationale des syndicats autonomes, le «retour à un emploi de qualité» n'est certainement pas assuré, et «si la baisse statistique du nombre de chômeurs aura bien lieu, elle masque la cruelle réalité: ce sont les plus précaires qui vont payer la note». L'UNSA dénonce par ailleurs «la baisse du financement de Pôle Emploi par l'État» et, par voie de conséquence, la contrainte faire à l'Unédic d'«augmenter sa contribution financière (…) de 10 à 11 % de ses ressources».
La Confédération française des travailleurs chrétiens regrette aussi que l’augmentation des ressources de Pôle emploi incombant à l’Unédic n’ait pas fait l’objet d’une «concertation avec les partenaires sociaux». Quoique «favorable aux expérimentations», elle n’en attend pas moins un dispositif avec «étude d’impact préalable», «critères objectifs», susceptible de favoriser les «échanges entre les parties», qui ne soit pas perçu comme «un moyen de pression et de contrôle». Elle estime en outre nécessaire «une évaluation de cette ”politique publique de l’emploi”», en vue d’en changer «si les résultats attendus ne sont sont pas au rendez-vous». Pour la CFTC, l’efficacité des mesures proposées reste à prouver, alors même qu’elles auront pour effet de «durcir les conditions d’indemnisation et (de–NDLR) faire peser sur les plus démunis le retour à l’équilibre», et que les dispositions appliquées aux demandeurs d’emplois ayant de hauts revenus sont tout simplement «confiscatoires», ce qui aurait pu être évité avec «des allocations et des cotisations déplafonnées».