La négociation d’un ANI sur la santé au travail devrait aboutir prochainement. Les organisations d’employeurs (CPME, U2P) y sont favorables. Côté organisations de salariés, la CGT fait connaître son opposition, tandis que la CFDT, FO et l’Unsa envisagent de signer.
Ainsi que le président de l’U2P, Laurent Munerot: «Cet accord apporte tout l’arsenal nécessaire aux secteurs et aux entreprises représentés par l’U2P pour mettre en place un système de prévention et de suivi sanitaire réellement efficace, au profit des salariés et des entreprises».
Le patronat salue des avancées: rôle de la médecine de ville, certification des services de santé, «passeport prévention»…
L’organisation d’employeurs y retrouve certaines de ses propositions: possibilité pour la médecine de ville d’«assurer une partie des missions auparavant dévolues à la médecine du travail», possibilité pour les «travailleurs indépendants de bénéficier (…) d’un suivi de leur état de santé en lien avec leur activité professionnelle». L’Union des entreprises de proximité soutient le principe de «certification des Services de santé au travail interentreprises (…) s’appuyant sur un cahier des charges national élaboré par les partenaires sociaux», et apprécie le «rôle central des branches professionnelles en matière de prévention des risques, celui des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (…) et (des-NDLR) professions libérales (…) en matière de qualité de vie au travail et de conditions de travail».
Du côté de la CPME, qui annonce se prononcer définitivement le mercredi 16 décembre, on estime également bienvenu que l’accord acte «le rôle de l’entreprise dans le domaine de la santé (…) recentré sur la prévention de la sécurité et de la santé au travail, le suivi médical individuel régulier des salariés étant, sauf exception, assuré à l'avenir par la médecine de ville». Autres avancées notables: «la liberté de choisir son service de médecine du travail et la redéfinition de l'offre en direction des entreprises» à même de générer une «maîtrise de l’évolution des coûts», la création d’un «“passeport prévention” (…) qui permettra d’(attester-NDLR) du suivi des formations et de l’acquisition des compétences par les salariés». Le syndicat patronal souhaite néanmoins des compléments: inscription dans la loi des limites de la responsabilité de l’employeur; financement mutualisé, sous l’impulsion publique et non des seuls OPCO, de la «formation obligatoire des membres du CSE».
Des syndicats de salariés partagés entre « régression » (CGT) et « progrès » (CFDT, Unsa, FO)
Au sein de la délégation des syndicats de salariés, les positions sont contrastées. La Confédération générale du travail s’oppose clairement au texte. Et de préciser: «après les ordonnances de 2017 qui faisaient disparaître les (…) CHSCT, les reculs affirmés dans l’ANI télétravail sur la reconnaissance des accidents du travail, nous avons maintenant sur les rails une réforme qui va dédouaner les employeurs de leurs responsabilités» et, in fine, les transférer sur le salarié. Témoin «la création d’un passeport prévention, attaché au salarié qui, du fait des formations qui lui ont été octroyées, se verra responsable des conséquences de ses activités professionnelles sûr lui-même comme sur autrui», ou l’affaiblissement du rôle des CARSAT en appui des salariés non représentés syndicalement.
Selon le syndicat, l’accord permet également au patronat de se dédouaner sur les «risques psychosociaux». Et il est globalement d’autant plus à craindre qu’il «pourrait être la base d’une réforme engagée par le Gouvernement comme l’ont affirmé les représentants patronaux». La confédération est réticente à signer l’accord, sachant qu’elle souhaitait faire valoir de nouveaux «droits» pour les salariés (de «retrait», «d’alerte sur la dangerosité», «d’être représenté syndicalement au sein des CHSCT») et appelait à plus de volontarisme public (élargir au national la compétence des «inspecteurs du travail», rattacher à la Sécurité sociale «les services de santé au travail et la médecine du travail», ratification des «conventions de l’OIT qui concernent la santé au travail».
Force ouvrière annonce son intention de signer l’accord, qui reprend plusieurs points auquel la confédération était attachée, en premier lieu celui d’une «négociation (…) pour assurer une véritable protection de la santé des travailleurs et améliorer le système» et privilégier une «culture de la prévention». Le texte fait également droit à «la possibilité de généraliser une commission dédiée à la santé au travail dans toutes les branches professionnelles (et à celle-NDLR) d’élargir les CSSCT en dessous du seuil de 300 salariés, pour compenser la disparition des CHSCT», ainsi qu’à la «prise en compte des risques psychosociaux». Il était important de «préserver le paritarisme», ce qui est rendu possible via le renouvellement des missions des «services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI)», tandis qu’il est acté que «« les excédents de la branche ATMP doivent prioritairement permettre aux fonds de prévention de la branche ATMP de porter les moyens humains, techniques et les incitations financières de la branche (CARSAT, INRS) à un niveau correspondant aux ambitions du présent accord».
La CFDT se prononcera le 18 décembre prochain sur le texte dont elle juge qu’il porte de «nouvelles avancées en matière de prévention des risques et de suivi post-exposition», non sans rappeler que «en pleine crise sanitaire, le patronat a cherché par tous les moyens à se dégager de ses responsabilités». Le syndicat apprécie les dispositions relatives au «suivi médical des salariés exposés à des risques chimiques», au «suivi des intérimaires et salariés sous-traitants des grandes entreprises», à la coordination des acteurs dans le cadre d’une «cellule travail», à la «formation des élus des CSE» aux «risques psychosociaux».
Pour l’Union nationale des syndicats autonomes, «cet accord constitue, dans le contexte actuel, un progrès en mettant la prévention au cœur du dialogue social, en luttant contre la désinsertion professionnelle ou encore en adoptant une démarche globale d’amélioration de la qualité de vie au travail». Dans le détail, le syndicat juge positivement «le rôle de premier plan accordé aux partenaires sociaux», «la gouvernance de la branche Accidents du travail-Maladies professionnelles», «le renforcement de l’approche par risque professionnel», et celui du «dialogue social dans le cadre du CSE». L’organisation regrette toutefois une «gouvernance qui (exclut-NDLR) tout autre acteur que les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel».