La mise en service d’une application de traçage pour accompagner le déconfinement exige de concilier efficacité et acceptabilité. Les professionnels du soin veulent être pleinement reconnus dans leur capacité à s’y impliquer. La reprise d’activités est encore difficile à appréhender pour employeurs et salariés, attentifs au mot d’ordre de priorité sanitaire.
Les problématiques sanitaires
L’Académie nationale de médecine se dit «favorable à l’utilisation de smartphones pour le suivi du déconfinement,en suggérant qu’il y ait une évaluation de son utilisation après un et deux mois, avec des points sur les résultats, et que l’autorisation de cette application soit provisoire, avec une date butoir». Pour l’Académie, «l’approche du traçage des contacts peut être utile et efficace en faisant participer activement la population», sous conditions, à savoir: «respecter la réglementation européenne, le RGPD et les recommandations de la CNIL»; qu’elle ne «(soit-NDLR) en rien (…) imposée, notamment par les employeurs»; «que les quatre opérateurs principaux (de téléphonie-NDLR) soient obligatoirement impliqués dans le processus de traçage» (en raison des zones blanches); qu’une assistance soit envisagée pour les «personnes vulnérables» pour l’usage comme pour la facturation.
En outre, concernant «les responsabilités qui pourraient concerner un préjudice subi par une contamination ou une exposition liées à un faux négatif du test ou de l’affichage de son résultat, ou encore à une transmission technique défectueuse ou inopérante», l’institution experte juge nécessaire «un mécanisme d’indemnisation automatique (…), par le biais de la solidarité nationale et de l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux).
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) interpelle le Gouvernement, par la voix de son président Jean-Paul Ortiz, sur l’urgence de traiter 3 points clés: «reconnaissance des efforts des médecins, accompagnement pour l’investissement des cabinets médicaux libéraux et reprise d’activité». Le syndicat de professionnels libéraux demande ainsi que «ceux qui ont participé aux gardes dans les tentes Covid ou les centres Covid, (aient droit à-NDLR) rémunération forfaitaire horaire par les ARS» et que soient «honorés de façon décente» «les médecins qui ont pris en charge des patients dans les établissements de soins privés». Pour compenser la désaffection des cabinets médicaux, il lui paraît nécessaire «qu’une indemnité à hauteur de la totalité des charges leur soit attribuée dans les plus brefs délais» par l’Assurance maladie.
Quant à la reprise d’activité, la CSMF soutient que « Ce n’est pas aux ARS de décider quelle situation médicale ou quelle intervention peut être qualifiée d’urgente. Ceci est exclusivement de la responsabilité du médecin avec son patient».
L’Ordre national des infirmiers demande «solennellement» au Président de la République de faire en sorte que soient prises plusieurs mesures. En premier lieu, il requiert que soit effectué, «un recensement les plus brefs délais» du «nombre d’infirmiers contaminés, hospitalisés, ou décédés des suites du Covid-19». Ainsi que l’explique son président Patrick Chamboredon, «Disposer d’informations précises sur l’impact du Covid-19 sur les infirmiers relève du devoir d’information, d’abord auprès de la profession (…), mais aussi pour l’ensemble de la population. Par ailleurs, ces données viendront nourrir les connaissances épidémiologiques afin de mieux comprendre le virus, mieux le prévenir, et mieux le contenir». En second lieu, l’Ordre estime que «leurs enfants doivent pouvoir accéder au statut de pupille de la Nation». Il se félicite en outre que «le Covid-19 soit reconnu comme maladie professionnelle pour l’ensemble des professionnels de santé infectés», non sans avoir rappelé que « Tous les jours, des médecins, des infirmier(e)s, des aides-soignants prennent des risques importants (…) parfois sans masques, sans surblouses».
Selon une enquête à laquelle ont répondu 70000 professionnels, «75% des infirmiers déclarent “ne pas disposer d’équipements de protection en quantité suffisante”» et « 79% déclarent “être davantage en souffrance professionnelle au regard de la situation actuelle”», ce à quoi s’ajoutent des agressions pour leur dérober du matériel, ou des menaces ou injures de voisinage.
Les problématiques économiques
Pour le collectif GR31 qui regroupe 31 fédérations professionnelles du secteur médico-social œuvrant en faveur des personnes âgées, il faut aller au-delà de «la prime destinée aux agents des établissements publics hospitaliers, aux professionnels des EHPAD et des SAAD», fut-elle bienvenue. Il demande son extension «à l’ensemble des professionnels employés par les établissements et services médico-sociaux : établissements et services du secteur du handicap, EHPAD, résidences autonomie, services à domicile», à équité avec les précédents, selon des «modalités de calcul uniformes et déterminées en amont par l’État », et sous la forme «d’une dotation de l’ARS versée au mois de mai ou juin». Ce dispositif serait assorti d’un «plan de financement dédié». Le GR 31 espère, en outre, que ce doit être «un prélude à une réforme de fond» à laquelle il est disposé à contribuer au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Alors que l’hypothèse d’une réouverture prochaine des hôtels, cafés, restaurants est envisagée, à travers notamment la nomination, par le Gouvernement, de «Sébastien Bazin (en tant que-NDLR) “coordinateur sanitaire”», Didier Chenet, président du Groupement national des indépendants (GNI-Synhorcat), juge qu’en tout état de cause «un indispensable accompagnement financier de l’État, des collectivités territoriales et des assureurs» devra être envisagé. Cet accompagnement devra porter sur: «l’assurance que sa responsabilité pénale (de l’employeur-NDLR) ne sera pas engagée en cas de contamination», «un dispositif de réduction des frais de personnel et d’incitation à la reprise d’activité», «la poursuite de la prise en charge des salariés au titre du chômage partiel», une exemption «de charges sociales».
À moyen et long termes, selon Didier Chenet, il serait souhaitable de créer «un fonds d’investissements dédié aux HCR et doté par l’État, les collectivités territoriales et les assureurs» ayant mission «d’assurer (un-NDLR) apport en fonds propres, en quasi fonds propres ou obligations convertibles», ainsi qu’une «plateforme de réservation en France en s’appuyant sur l’expertise des pépites de la French-tech, Atout France, les leaders français du secteur, et le comité de filière Tourisme».
Le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) se dit favorable à l’annonce du ministre de l’Économie relative ce que « tous les commerces à l’exception des restaurants et des cinémas puissent réouvrir à partir du 11 mai» et «s’engage bien entendu à mettre en place toutes les mesures nécessaires pour respecter» les conditions sanitaires exigées. Il se dit également «prêt à collaborer le plus rapidement» avec la médiatrice Jean-Marie Prost nommée afin d’aplanir les différends entre bailleurs et locataires.
La Fédération nationale automobile (FNA) a transmis, le 20 avril 2020, un plan de reprise de l’activité aux pouvoirs publics. Ce plan décline 4 priorités, pour lesquelles la contribution de la puissance publique, des assureurs, et d’autres acteurs sera essentielle. À la première, elle préconise une «exonération de charges sociales et de fiscalité directe pour les petites entreprises de moins de 20 salariés», ainsi que celle des «heures supplémentaires»; la prolongation du plan de solidarité, celle des aides régionales, ainsi qu’un «plafonnement par l’Etat du taux du crédit sur toute sa durée»; des «mesures incitatives («prime à la conversion véhicule d’occasion, renforcement du bonus écologique, relâchement du malus») pour les vendeurs, «plan de sauvetage» pour les écoles de conduite.
En outre, relèvent du ressort de l’État la création d’«une plateforme publique de référencement et de mise en relation entre fournisseurs et acheteurs d’équipements conformes aux normes sanitaires et à des prix plafonnés» et aussi l’accessibilité très rapide à «la réalisation des tests de dépistage du Covid-19 doit, en cas de suspicion». Aux seconds, elle demande une «prise en charge de la perte d’exploitation» et qu’une solidarité intersectorielle s’exerce par «les délais de paiement (…) respectés, voire anticipés le plus possible au bénéfice des petites entreprises».
La Confédération nationale de l’artisanat des travaux publics et du paysage (CNATP) plaide auprès des pouvoirs publics un «report de la hausse du GNR (gazole non routier-NDLR) prévue au 1er Juillet 2020 à tout le moins de 6 mois» et une adaptation en conséquence de la loi de Finances pour 2020. L’organisation professionnelle tient aussi à attirer leur attention sur les conséquences d’un «report des élections municipales en octobre», étant entendu que «les élections municipales ont déjà habituellement un impact néfaste direct sur nos activités».
La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et Jeunes Agriculteurs se félicitent de la décision de la Commission européenne d’acter «plusieurs mesures que nous appelions de nos voeux: aide au stockage privé, dérogation au droit de la concurrence pour la gestion des volumes au travers l’article 222 de l’OCM et flexibilité dans les programmes sectoriels». Les syndicats professionnels agricoles insistent néanmoins sur le fait que «aucune filière ne peut être mise de côté», sur leur attente de «demande de mesures liées aux importations». Ils réclament aussi «un budget additionnel à la hauteur dans le temps » et «de vrais outils d’anticipation et de gestion de crise».
Solilha, organisation professionnelle dédiée au logement solidaire, «propose un ensemble d’actions de transformation et d’urgence» en vue à la fois de soutenir la qualité résidentielle et d’activer un «puissant moteur de relance économique». Au cœur de ces propositions, «un plan de relance sur 10 ans» permettant de régler les problèmes de «logements énergivores, en finançant à 100 % les projets de rénovation énergétique des ménages très modestes et en les accompagnant de A à Z», de «logements insalubres» et de «bidonvilles». Solilha souhaite aussi «généraliser le dispositif “Logement d’abord” à l’ensemble des intercommunalités» et mobiliser «à grande échelle, le parc privé (…) notamment en triplant, l’offre en intermédiation locative en 5 ans». L’organisation insiste, enfin, sur l’obligation de «considérer les travailleurs sociaux intervenant auprès des publics comme personnel prioritaire à l’attribution de matériels de protection sanitaire et d’abonder les fonds de solidarité logement».
Le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) estime que la mobilisation ses chaines France 4 (programmes jeunesse) et France O (service aux Français d’Outre-Mer) mérite une révision du projet de suppression envisagé par les pouvoirs publics, au-delà des «déclarations du ministre de la Culture en faveur du maintien d’une diffusion linéaire de programmes dédiés à la jeunesse et de contenus éducatifs sur le service public». Pour le SPI, «le maintien de France 4 constituerait un signal fort pour toute la production française audiovisuelle et cinématographique., (…) garantirait un soutien significatif à toute la filière cinématographique et audiovisuelle, dans une période de grande tension sur les commandes et les mises en production», sans pour autant que soient abandonnés les «efforts de développement d’une offre non-linéaire», telle que la proposent «Okoo et Slash». L’offre de France O devrait aussi être soutenue, vu notamment que «nos concitoyens ultramarins (…) ne bénéficient pas tous encore d’une couverture numérique suffisante à la réception d’une offre ultra-marine délinéarisée».
La veille sociale des syndicats
La Confédération française et démocratique du travail apprécie l’annonce du ministre de la Santé selon laquelle « la contamination au covid19 sera reconnue de façon «automatique » comme maladie professionnelle pour le personnel soignant». Le syndicat de salariés, par la voix de ses secrétaires nationales Catherine Pinchaut et Jocelyne Cabanal, juge toutefois qu’il faut élargir le dispositif «ad hoc, pour tous les travailleurs mobilisés dans cette période et qui participent à la continuité sociale de l’activité», et que ce soit fait en «urgence». La même requête émane de Force ouvrière, qui rappelle que, dans de nombreux secteurs «la possibilité pour (les-NDLR) salariés de passer par le dispositif classique de reconnaissance des maladies professionnelles (…) reste dans les faits quasi-impossible tant cette voie relève du parcours du combattant pour tous les travailleurs».
La CFDT, par la voix de Inès Minin, secrétaire nationale, salue la décision du Gouvernement de «déplafonnement de l’utilisation des titres-restaurants». Le syndicat en avait fait la requête par courrier, au motif notamment que «les familles effectuent leurs courses alimentaires moins fréquemment pour limiter leurs déplacements et respecter les consignes de confinement», et préconisé un plafond hebdomadaire (porté à 95 euros-NDLR). Le syndicat entend néanmoins que cette disposition «ne devra pas aller au-delà du 31 août 2020».
Pour Force ouvrière, il faut que l’Europe s’engage plus clairement contre la crise, mais revoir aussi sa doctrine de l’austérité budgétaire. La confédération demande au Président de la République d’obtenir, dans le cadre du Conseil européen du 23 avril 2020, que «l’activation du Mécanisme européen de stabilité soit exempte de conditionnalité macroéconomique», et que les «interlocuteurs sociaux, tant au niveau national qu’européen» (notamment la Confédération européenne des syndicats-NDLR) soient consultés sur les modalités de mise en œuvre du SURE (soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d’urgence-NDLR).
L’Union syndicale Solidaires trouve que le «dispositif de “chômage partiel” à court terme ne peut qu’être utile en cette situation d’urgence sociale». Pour autant, le syndicat de salariés considère qu’il «implique surtout un transfert du paiement d’une partie des salaires des entreprises vers lÉtat et les salarié-es eux-mêmes», dans un contexte où «les sources de financement de l’Etat ont été largement taries notamment par la suppression de l’ISF (…), une fiscalité favorable aux plus riches, (une-NDLR) fraude fiscale (…) évaluée à 100 milliards d’euros par an en France». Pour Solidaires, il faut exiger que «que les droits des salarié-es soient respectés», ce que le syndicat s’efforce de soutenir via son numéro vert d’appui.
La fédération Fonction publique de Solidaires n’est pas satisfaite d’une éventuelle relance de la «campagne IR 2020» au 11 mai 2020, comme l’a annoncé le ministre de l’Action et des Comptes publics. Selon le syndicat de salariés, «les discussions engagées entre les organisations syndicales et la Direction générale des finances publiques, au plan national et local, montrent clairement une tentation de relever le nombre d’agent.es devant être physiquement présent.es», faisant craindre «une seconde vague épidémique». Pour Solidaires FP, il eut été préférable «un report de l’ensemble des échéances fiscales». En tout état de cause, «un nouvel assouplissement devant garantir le risque sanitaire est nécessaire».
Une intersyndicale du secteur de l’éducation et de l’enseignement agricole public et privé (CGT Agri, Educ’Action, MFR, FNAF; CFDT FGA, FEP, SGEN; CFTC Snec; FO MFR et Enseignement agricole; FSU Snetap; UNSA Sea; SUD Rural Territoires) fait part de ses exigences au ministre de l’Agriculture concernant la réouverture des établissements d’enseignement au 11 mai. Le courrier au ministre liste ainsi des mesures de «désinfection» des établissements, de «dépistage massif», de «moyens de protection individuelle face au virus», «d'éloignement du travail et d'un suivi médical» pour les personnels dont la santé le nécessite, et de même l’exemption de présentiel pour les élèves affectés.
La préparation du retour des agents et des élèves ne saurait se faire, par ailleurs, sans «concertation avec les instances représentatives du personnel», lesquelles doivent aussi être parties prenantes du «plan de formation des maîtres de stage, d’apprentissage, d’alternance» à l’accueil sécurisé des élèves. Pour les syndicats, il est aussi nécessaire «d'augmenter le service des agents annualisés (…) pour tendre (à terme-NDLR) vers l'équité public-privé pour les agents comme cela existe au MENJ (ministère de l’Éducation nationale-NDLR).
La promulgation par le Gouvernement «(d’une-NDLR) instruction et (d’un-NDLR) communiqué sur la possibilité de réductions supplémentaires pour l’épandage de pesticides, suscite une vive réaction du collectif constitué autour d’une dizaines d’associations, ONG, organisations professionnelles, favorable à une stricte limitation de cet épandage. Il incrimine l’instrumentalisation de la crise épidémique, permettant de déroger à la procédure des ZNT, d’autant plus injustifiée «qu’une exposition chronique à la pollution de l’air est considérée par ATMO-France comme un facteur aggravant les conséquences d’une infection», moyennant quoi il a «décidé d’engager deux recours auprès du Conseil d’État contre les textes en question».