La France se prépare au déconfinement: début de la distribution de masques grand public le 4 mai, mise en service d’applications de traçage, recommandations des autorités scientifiques sanitaires. Dans de multiples secteurs, la reprise d’activité est préparée et espérée d’urgence vu la dégradation des comptes de très nombreuses entreprises.
Les problématiques sanitaires
L’Académie nationale de médecine estime que «la réouverture des établissements scolaires et des crèches doit être progressive et encadrée par des mesures sanitaires strictes» et émet des recommandations spécifiques. Pour ce qui concerne les établissements d’enseignement, elle prône que soit mis en œuvre, avant ouverture, un dispositif de formation des personnes et d’information des enfants et parents aux «gestes barrière». Dès lors que l’on entre en fonctionnement, il s’agit en premier lieu d’assurer le «meilleur niveau d’hygiène individuelle et collective» soutenu par des équipements et matériels adaptés (savon, gel hydro-alcoolique, essuie-mains jetables), et par des pratiques de nettoyage, désinfection, aération des locaux., stockage des déchets, sans oublier une «réserve suffisante de masques anti-projection(ou de masques alternatifs) pour les adultes (enseignants, personnel, parents) et pour les élèves dès l’âge de 6 ans, à partir du cours préparatoire (CP), à porter lors des activités récréatives en dehors de la classe et à la sortie de l’établissement». Les espaces, horaires, gestion des collectifs doivent s’aménager en fonction «des règles de distanciation».
L’Académie recommande aussi de «détecter rapidement tout cas suspect» (prise de température quotidienne, adressage à un médecin). Même doctrine sanitaire et d’hygiène pour les enfants en crèche, dans lesquelles il est préconisé de veiller, en particulier, aux risques de manipulation des couches.
Le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) annonce qu’il « sera très vigilant sur (les-NDLR) dérives» relatives à la mise en œuvre et à la communication d’informations sur des «protocoles de recherche clinique illégaux prescriptions hors AMM (autorisation de lise sur le marché-NDLR) non justifiées» à propos desquels il a par ailleurs saisi l’Agence nationale de sécurité du médicament. Rappelant l’ensemble de la profession à la «déontologie», il a demandé «aux conseils départementaux de l’Ordre où les médecins concernés exercent (de-NDLR) recueillir les explications (…) sur leurs dits protocoles», dans la perspective éventuelle d’une « saisine du dDirecteur général de l’ARS pour demander une suspension immédiate» de tout médecin susceptible de «mise en danger des patients, s’il apparaissait qu’elle puisse être provoquée par des traitements non validés scientifiquement». Et le CNOM de préciser en outre que «la spécificité du recueil du consentement des patients soumis à un protocole de recherche clinique et les règles de la prescription hors AMM doivent également faire l’objet d’une application très stricte».
Par ailleurs, l’Ordre des médecins se prononce «pour la reprise des expertises médicales», dont il avait lui-même appelé à la «la suspension temporaire», afin d’«éviter tout risque inutile de contagion et invitait les médecins disponibles du fait de cette suspension à renforcer la réserve sanitaire, et ce «quel qu’en soit le cadre et le statut du médecin (expert, expert judiciaire, expert sollicité par les assurances, expert conseil de victime)». Il s’agit de « permettre aux assurés et aux victimes de pouvoir bénéficier du règlement financier auquel ils ont droit».
Néanmoins, pour le CNOM, certaines recommandations doivent être appliquées, au premier chef «la nécessité, pour les cabinets médicaux d’expertises, de mettre en œuvre les mesures de protection nécessaires». L’institution ordinale insiste aussi sur le nécessaire respect «du consentement à la tenue de l’expertise», de telle sorte notamment que «malgré la période de confinement puis de déconfinement, les droits des assurés ou des victimes (…) ne soient pas altérés, tant dans la possibilité qu’ils ont de se faire assister par un médecin conseil ou par un avocat, que dans les délais de réalisation des opérations», ainsi que sur un calibrage approprié des espaces ou elles seront réalisées. Il rappelle, enfin, que « l’application de télé-expertises pour évaluer un dommage corporel ne (peut-NDLR) se déployer que dans un cadre réglementaire bien défini, la télé-expertise ne pouvant que très imparfaitement se substituer à un examen clinique en présence de la victime».
Les problématiques économiques
La «volonté du ministre d’accorder (une-NDLR) prime à l’ensemble des professionnels des établissements de santé» est appréciée par les fédérations de l’hospitalisation privée (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés, Fédération de l’hospitalisation privée, Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile, et Unicancer). Elles tiennent toutefois à ce que s’applique un «principe d’équité» entre secteurs publics et privé quant aux «modalités d’attribution – montants, critères, calendrier». Elles se disent à la «disposition du ministère de la Santé pour travailler sur les modalités précises d’allocation de cette prime (…) et de la sur majoration des heures supplémentaires».
L’Union des entreprises de proximité (U2P) se félicite de «la création d’un groupe de travail sur «le développement d’une couverture assurantielle des événements exceptionnels, dont les pandémies». L’organisation professionnelle d’employeurs précise qu’elle avait plaidé pour la reconnaissance d’un «état de catastrophe sanitaire», permettant de mobiliser spécifiquement les assureurs, mais aussi qu’elle prend «acte du fait que les compagnies d’assurance ne sont pas en mesure aujourd’hui de faire face au poids financier d’une prise en charge généralisée des pertes d’exploitation».
CMA France annonce qu’elle «apporte son soutien total à la Fédération française des artisans fleuristes (FFAF), et sollicite du Gouvernement une dérogation exceptionnelle et strictement limitée à la journée du 1er mai pour implanter des étals de vente de muguets devant leurs magasins». Pour son président Christian Vabret, il s’agit «d’aider à un traitement équitable et uniforme pour cette journée mondiale du travail», alors que les professionnels subissent une «concurrence déloyale» de la part des «grandes surfaces» notamment.
La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) lance, en soutien des organisations de producteurs, un appel solennel au Gouvernement pour qu’il obtienne «une solution budgétaire européenne» à même de sauvegarder la filière vinicole. Le syndicat professionnel agricole juge en effet «inacceptable» la position en l’état de la Commission européenne: une intervention limitée à assouplir le programme national d’aide 2020 qui revient, en fait, à demander «à la filière vitivinicole de financer la gestion de la crise sur ses propres crédits». Et de pointer le fait que c’est un secteur «champion de l’exportation, qui génère un œnotourisme bénéfique à l’économie générale des régions concernées, qui est le premier au plan de l’agriculture de haute valeur environnementale, de l’agriculture biologique».
Quant à la Coordination rurale, elle considère que le la proposition de la Commission européenne «de déclencher les mesures prévues par la Politique agricole commune» est insuffisante. Ce pourquoi, elle demande «qu’en totale transparence, d’autres fonds disponibles de la PAC soient réorientés pour soutenir les agriculteurs et les filières particulièrement touchées».
Pour la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB), il est nécessaire que «l’État ne laisse pas seul le marché donner le cap de la transition agro-écologique». Le syndicat professionnel agricole met en cause le Président de la République pour avoir «choisi de valoriser le modèle agricole le plus déconnecté du monde vivant ; un modèle aseptisé, artificialisé, où il y a plus de béton que de terre, où les fruits et les légumes sont chauffés toute l’année» lors de son déplacement en Bretagne (le 21 avril 2020). Le président de la FNAB, spécifie: «affirmer, à ce niveau de responsabilités, que l’agriculture biologique se limite aux circuits de proximité, c’est une méconnaissance totale de nos pratiques, qui prônent la diversification y compris des modes de commercialisation. Nous n’avons pas attendu (…) pour nous organiser aussi en filières longues».
D'après la FNAB, «l’agriculture biologique est victime de l’absence totale de vision écologique de l’Elysée : retards de paiement, suppression des aides au maintien, objectifs de développement mensongers»… Ce alors même que «les circuits courts, (…) sont pourtant en ce moment un véritable refuge pour les consommateurs».
Alexandra François-Cuxac, présidente de la FPI estime que :«L’épidémie (…) révèle deux faiblesses majeures de l’immobilier neuf en France: la sur-administration et la sous-digitalisation. Leur traitement sera au cœur du “plan Marshall” dont notre secteur a besoin pour contribuer au rebond économique de notre pays». La FPI constate en effet un effondrement de l’activité, mais aussi et surtout des freins aux reprises de chantiers souhaités par «les acteurs du bâtiment comme (…) les promoteurs». Elle souhaiterait ainsi que «l’État laisse les acteurs négocier, mais il pourrait faciliter cette négociation par une prise en charge partielle de ces surcoûts («directs, indirects, générés par l’épidémie») comme le demandent certaines fédérations.
D’autre part, si la présidente dit comprendre que «les maires sont extrêmement mobilisés par les questions sanitaires, les exécutifs locaux sont paralysés dans les grandes villes et les EPCI par l’inachèvement du processus électoral des municipales», elle n’en note pas moins que une mise à l’arrêt dramatique des permis de construire imputable notamment à «l’incapacité de beaucoup de services instructeurs à travailler à distance, faute de matériels et de logiciels, ou l’indisponibilité de services de l’État consultés (architectes des bâtiments de France, archéologie etc.)». Un autre exemple de l’enjeu numérique: «malgré une ouverture juridique récente, la dématérialisation de la signature chez les notaires reste balbutiante».
Pour un collectif d’une dizaine d’organisations professionnelles représentant des bailleurs et locataires du secteur du logement HLM, il faut amplifier les mesures en faveur des ménages et personnes fragiles, au-delà «du versement d’aides exceptionnelles sans délai aux familles les plus modestes avec des enfants (…) qu’il faut saluer». Le collectif propose diverses mesures: «aide complémentaire de 200 € correspondant au remboursement rétroactif des 5 € d’APL qui leurs ont été retirés depuis 2017»; «revaloriser les aides au logement au-delà de l’inflation» dans le cadre de la LF 2021; «moratoire sur les expulsions pour les locataires de bonne foi jusqu’au 31 octobre 2020»; abondement financier par l’État des «Fonds de solidarité logement». Plus généralement, il se prononce pour l’abandon de la mesure de baisse des APL et pour qu’il soit revenu, dans la «loi de finances pour 2021 sur les coupes budgétaires imposées au logement».
Le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) interpelle les ministres des Transports et de la Cohésion des territoires pour leur soumettre ses «premiers éléments de réflexion et de solutions» afin de sauvegarder l’activité des stations-service de zone rurale via, notamment, le renouvellement de leur «offre énergétique». Ces propositions sont inscrites de la plan de relance «3R» que le CNPA a engagé dernièrement et font suite, du reste à l’appel lancé aux pouvoirs publics depuis plusieurs années concernant la «désertification» des établissements. Selon une enquête menée auprès de ses adhérents, plus de la moitié des exploitants font état d’un «risque de faillite (…) sans un retour d’activité soutenue au 11 mai» et il est vraisemblable que le secteur connaîtra un fort ralentissement de ses investissements.
Pour la Fédération nationale de l’artisanat automobile (FNA), la crise actuelle est venue aggraver une situation très difficile pour les détaillants de carburants, due entre autres à la disparition du «CPDC (Comité professionnel de la distribution de carburants-NDLR) qui a achevé toute forme de soutien à ce réseau». Elle préconise 3 mesures d’urgence: création d’un «fonds de solidarité» ouvert sur la base d’un «chiffre d’affaires hors TICPE de 1 millions d’euros»; interdiction «des refus de livraison pendant la période juridiquement protégée»; et, surtout «réactivation du FISAC (fonds d’intervention pour la sauvegarde l’artisanat-NDLR) stations-service».
La veille sociale des syndicats
Le Syndicat national des pilotes de ligne France ALPA (SNPL-France ALPA) rappelle aux pouvoirs publics qu’il serait effectivement temps de se consacrer au «plan de sauvetage du secteur». L’organisation professionnelle dénonce «des réticences à intervenir, des exigences de conditionnement de l’aide à l’amélioration des performances écologiques ; des pressions de groupes d’influence environnementaux sur les députés lors du vote du projet de loi de finance rectificative 2020 ; un Haut Conseil du climat qui publie un rapport ouvertement hostile au transport aérien, sans daigner prendre un pas de recul».
Le SNPL insiste sur le fait que, non seulement, «les compagnies aériennes ont été reconnues (…) indispensables au bon fonctionnement de la Nation», mais qu’en outre «le transport aérien n’a pas attendu le COVID 19 pour se consacrer pleinement au sujet de la transition écologique», à «diminuer l’empreinte écologique d’une activité à l’origine de 3% de la pollution mondiale, dans le contexte de croissance ininterrompue du transport aérien des dernières décennies».
De son côté la FNST-CGT, a plaidé, par lettre ouverte au ministre de l’Économie et au secrétaire d’État aux Transports, pour une «montée au capital négocié» d’Air France, «qui intègre une vraie maîtrise publique et une vraie souveraineté nationale». Le syndicat s’oppose ainsi à l’attitude du directeur général de la compagnie, non sans lui rappeler que «qu’un enjeu d’une contribution de l’État français à plus de 6 milliards d’€ (…) interpelle».
Par voie de courrier au Premier ministre, la Fédération syndicale unitaire (FSU) exprime son opposition aux propositions du ministre de l’Éducation nationale concernant la ré-ouverture des établissements scolaires le 11 mai 2020. La FSU souligne en particulier que «Alors qu’avait été convenu de prendre le temps de la concertation, notamment dans le cadre du CHSCT, le ministre annonce déjà, devant la représentation nationale, une organisation dont les personnels et leurs organisations syndicales sont convaincus qu’elle est précipitée». De plus, le syndicat ne partage «pas davantage les choix faits dans le cadre de la progressivité annoncée, ni celui des différents « temps » scolaires et de leur articulation».
Dans une prise de position commune, la Confédération démocratique du travail (CFDT), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), la Fédération des associations générales d’étudiants (FAGE), font part de leur engagement solennel à l’occasion du Premier mai. Les syndicats, outre leurs remerciements à tous ceux qui sont mobilisés au quotidien dans la lutte contre la pandémie, travailleurs ou étudiants, tiennent à souligner: «Plus que des primes accordées quand tout va mal nous revendiquons une juste reconnaissance et rémunération pour ces travailleuses et travailleurs». Sur un plan plus général, ils entendent porter «demain avec encore plus de déterminations nos revendications pour l’emploi, la justice sociale et pour un modèle de développement respectueux de l’environnement et des femmes et des hommes au travail».