Le scénario du déconfinement se précise peu à peu, mais l’inquiétude demeure sur divers points: systèmes de suivi des personnes infectées, disponibilité et caractéristiques des masques grand public, question toujours épineuse de l’école. La prolongation des mesures d’accompagnement public (fiscal, financier) des entreprises est souhaitée. Mais la «reprise» est attendue dans beaucoup de secteurs d’activité.
Les problématiques sanitaires
Le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) conditionne la mise en œuvre du projet de loi sur l’urgence sanitaire (présenté le 2 mai 2020-NDLR, en cours de discussion au Parlement-NDLR), et plus particulièrement l’article 6 qui «crée un système d’information (…) permettant de recenser les personnes infectées par le Coronavirus ou susceptibles de l’être, et les personnes ayant été en contact avec elles». Si l’«implication sans réserve (des professionnels-NDLR) est nécessaire à la réussite du processus de sortie maîtrisée du confinement», l’institution ordinale n’est en pas moins, en tant que «garant de la spécificité et de la protection des principes du secret médical», attentive à ce que «les dérogations prévues restent strictement limitées à la lutte contre la propagation de la pandémie (…) pendant une durée elle aussi strictement limitée».
Pour le CNOM, il convient donc d’amender le projet initial en faisant «explicitement référence à leur rôle premier (des médecins-NDLR) dans le dispositif», en explicitant également le fait que «la nature des données que les médecins seront amenés à transmettre sera strictement limitée aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie (…) durant la période limitée que prévoit la loi». Il faut également que le texte «écarte toute confusion entre cette finalité et la prise en charge médicale individuelle des personnes concernées» et, qu’en outre, soit garanti «qu’il ne pourra exister aucun lien entre ce système d’information et toute mise en œuvre d’application technologique mobile de type Stop Covid».
Les problématiques économiques
Pour la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), il est impératif que le Gouvernement acte une «exonération d’un trimestre de la taxe sur les ventes en gros». Selon l’organisation professionnelle, en effet, la répartition pharmaceutique constate une baisse d’activité de 15% par rapport à la même période il y a un an. Une telle perte de chiffre d’affaires, si elle devait durer 3 mois génèrerait un accroissement du déficit cumulé de son résultat d’exploitation de 15 à 20 millions d’euros». Faute de soutien, précise la CSRP: «les pouvoirs publics prendraient le risque de sacrifier un acteur essentiel de l’approvisionnement des médicaments et des produits de santé».
Pour sa part, ReAGJIR, le syndicat des jeunes généralistes (remplaçants, installés et chefs de clinique), s’il apprécie l’annonce d’une «aide à destination“des professionnels de santé libéraux conventionnés en perte d’activité” dont le calcul a été arrêté avec la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM)», estime, selon les mots de sa présidente, Laure Dominjon: que «le taux de charges complémentaire accordé, de 5%, pour le calcul est un geste salutaire mais insuffisant : dans les meilleurs des cas, l’indemnité versée permettra tout juste de payer ses frais professionnels mais pas nécessairement personnels. 10% nous aurait paru plus adapté mais c’est déjà un début».
Surtout l’organisation professionnelle déplore que les «remplaçants» en soient exclus et, de ce fait, exposés à une plus grande précarisation, ce alors même que «Dès le début de la crise sanitaire, les médecins généralistes, installés comme remplaçants, toujours en 1re ligne, se sont massivement mobilisés pour assurer le suivi des patients». ReAGJIR conteste, à cet égard, l’argument de la CNAM suivant lequel «elle n’a pas accès aux informations concernant leurs revenus et taux de charge», étant donné que «normalement l’ACOSS (union des URSSAF) et les impôts doivent les avoir». L’organisation professionnelle espère que «le Ministère et la CNAM ne les laisseront pas tomber» et «invite les remplaçants à s’identifier auprès de la CNAM, de l’URSSAF, du CNOM et à déclarer leurs revenus 2019 à l’URSSAF et aux impôts, si ce n’est pas déjà fait, ou encore à vérifier que leur situation est correctement déclarée auprès de ces organismes».
L’Union des entreprises de proximité (U2P) se félicite de la décision du Gouvernement «d’exonérer de taxes les TPE soumis à la fermeture administrative». Une décision qui répond à une demande de l’organisation d’employeurs, suivant le principe «zéro recette, zéro dépense». Concrètement, les TPE bénéficieront de «3 mois d’exonération de charges».
Le président de l’U2P, Alain Griset, note par ailleurs que «l’intense dialogue de ses dernières semaines entre le Gouvernement et les représentants de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales a porté ses fruits, et que le plan de soutien aux entreprises de proximité est à la hauteur des enjeux». Dans la mesure où «les mesures (négociées avec les pouvoirs publics-NDLR) sont nombreuses et continuent d’évoluer», l’Union souhaite une prolongation du dispositif de chômage partiel «jusqu’au 2 juin», mais aussi une compensation des «surcoûts liés à l’application des nouvelles pratiques de travail et à l’acquisition des équipements de protection individuelle» et une sécurisation juridique des employeurs «en limitant strictement les cas d’engagement de leur responsabilité». Il s’agira aussi de mettre en œuvre très rapidement un «plan de relance».
Le «désengagement des assureurs-crédits» est mis en cause par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), ce d’autant que «l’État a pris la décision d’activer un dispositif de réassurance publique (CAP, CAP +) sur les encours d’assurance-crédit». L’organisation patronale exige donc qu’ils «jouent leur rôle» et préconise de «geler au début du mois de mars 2020 les notations des assureurs-crédit»… Non sans rappeler que la profession «est régulée par les pouvoirs publics».
La Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (FICT) espère un accompagnement public et professionnel pour relancer l’activité des entreprises. Côté pouvoirs publics, elle souhaite un «plan de relance d’envergure». Côté acteurs professionnels, elle préconise une réflexion en commun avec l’Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA) et Inaporc, sur les thèmes de la «souveraineté alimentaire» et d’un nouveau «modèle alimentaire, dans le respect de la naturalité, tout en assurant un mode de production garantissant des produits disponibles, sur et de qualité».
Comme dans de nombreux secteurs, l’activité du secteur a été fortement perturbée, témoin une consultation initiée par l’ANIA qui révèle que «76% des entreprises prévoient une baisse de chiffre d’affaires», et qu’elles «sont notamment confrontées à une hausse du coût des équipements de protection (…) et des coûts de transport». Ainsi que le rappelle son président Bernard Vallat, la filière s’est fortement investie dans la solidarité, ce pourquoi «il s’agira, à l’issue de cette crise, que les pouvoirs publics accordent une véritable reconnaissance aux industries alimentaires».
Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) interpelle les pouvoirs publics à propos de l’accord Union européenne/Mexique (signé le 28 avril 2020-NDLR), autorisant « l’ouverture du marché européen à 20 000 tonnes de viandes bovines mexicaines sans droits de douane» et ce alors même que «Ces viandes étaient interdites sur le sol français en raison de leur non-conformité aux normes sanitaires de l’Union». Pour le Modef, le Gouvernement doit suspendre «ce nouvel accord de libre-échange». Le syndicat professionnel agricole, par la voix de son président Pierre Thomas, formule aussi les exigences suivantes: « référendum sur les traités de libre-échange concernant l’alimentation», «prix plancher d’achat garanti pour chaque production agricole», « mise en application de la loi EGALIM», versus interdictions de « denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation».
La Fédération de la formation professionnelle (FFP), par la voix de son président Pierre Courbebaisse, se félicite de la reprise d’accueil du public à compter du 11 mai: «Cette confirmation était attendue par la profession. C’est une nouvelle importante pour la relance économique durable de notre pays, qui passera nécessairement par un investissement massif dans le développement des compétences». Soulignant que ses adhérents ont été accompagnés dans ce sens depuis plusieurs semaines, la FFP tient à préciser que la réouverture «s’appuiera sur un guide sanitaire spécifique au secteur, qui a fait l'objet d'un travail collectif à l'initiative de la FFP en lien avec le ministère du Travail» et le «protocole national de déconfinement pour les entreprises, également diffusé par le ministère du Travail».
La veille sociale des syndicats
Pour les fédérations des services publics et santé (FO-FSPS) et de l’éducation (FNEC-FO) affiliés à Force ouvrière, doivent être pris en compte comme préalables à toute reprise d’activité dens les établissements scolaires: «le dépistage systématique de tous les personnels et des élèves», «toutes les mesures de protection nécessaires (équipements de protection à hauteur des besoins, désinfection totale des locaux, tests quotidiens…)». De manière plus générale, les syndicats considèrent «que les conditions sanitaires permettant un dé-confinement des élèves et une réouverture des établissements ne sont pas réunies», en invoquant les «avis» opposés à la réouverture de l’Ordre des médecins, de l’Organisation internationale du travail, ainsi que de nombreux élus.
Du côté de la fédération FO Territoriaux et de l’Association Force ouvrière consommateurs (AFOC), on s’interroge sur plusieurs questions relatives à la mise à disposition de masques. Ainsi, l’association a-t-elle fait part de plusieurs exigences à la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, lors d’une réunion avec les associations de consommateurs concernant la prochaine diffusion de «masques grand public». Concernant la qualité, étant entendu que la certification AFNOR n’est pas pas à proprement parler une «homologation», l’AFOC demande «des contrôles (…) sur les lieux de production et de diffusion». Concernant la disponibilité, et le risque de rupture de stock, elle estime nécessaire de «plafonner le nombre de masques achetables». Enfin, quant au prix, «une mesure d'encadrement des prix comme cela avait été fait à propos des gels hydroalcooliques» lui paraît indispensable. Pour l’association, il convient enfin de rappeler que «le port d'un masque n'exonère à aucun moment des gestes barrières».
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) annonce qu’il engage «un référé-liberté devant le Conseil d’État contre «l’initiative gouvernementale consistant à référencer, sur le site officiel gouvernement.fr, des articles de presse consacrés à l’épidémie de Covid-19». Il demande, parallèlement «le retrait de la rubrique “Désinfox” du site du Gouvernement». Le SNJ rappelle que cette «initiative a fait l’objet d’une condamnation quasi unanime de la profession» et, qu’en tout état de cause «Ce n'est pas au gouvernement d'être "l'organe certificateur des medias».
La Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) juge positivement «la création d’une aide nationale de 200 euros à destination de 800 000 jeunes (…) étudiants ayant perdu une activité rémunérée et (…) jeunes précaires bénéficiant des APL». Il n’en émet pas moins plusieurs requêtes complémentaires: reconductibilité «à minima jusqu’à fin août car la crise aura sans aucun doute un impact important sur les emplois saisonniers», réévaluation «en fonction de la perte réelle subie par l’étudiant». D’autre part la FAGE «réitère sa demande d’ouvrir le RSA aux 18-25 ans».
Le Syndicat des joueurs professionnels de rugby (Provale) apporte son soutien à la décision de la Ligue nationale de rugby (LNR) concernant l’arrêt de la saison. Suite, par ailleurs, aux estimations présentées en commission paritaire par la DNAGC (Direction nationale d'aide et de contrôle de gestion-NDLR) sur l’impact de la crise «sur l’économie des clubs et plus largement sur l’écosystème du rugby», le syndicat tient à rappeler «que le résultat de cette analyse estimative ne peut en aucun être imputé intégralement aux joueurs».