La dernière allocution du Président de la République (14 juin 2020) a confirmé le retour en grâce des corps intermédiaires — non seulement des collectivités territoriales mais aussi des partenaires sociaux. Ce retour s'opère à la faveur de crises qui ont mis en évidence la fonction desdits corps dans l'intermédiation du débat public (Gilets jaunes), l'acceptation du changement (réforme des retraites) ou la capillarité de l'action publique (Covid-19).
Les corps intermédiaires du travail, des professions et des entreprises — ce que nous appelons ici les «institutions professionnelles» — représentent le gros des troupes… et à eux seuls 60% des sièges au Conseil économique, social et environnemental (pôle Vie économique et Dialogue social). Saisiront-ils l'opportunité de ce virage gouvernemental en parachevant le pacte sous-jacent à la position commune des confédérations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) et des organisations patronales (Medef, CPME, U2P) sur «le rôle essentiel du dialogue social et de la négociation collective» (réunion du 19 mars 2020)?
De la clarté de ce pacte dépendront notamment:
- la place des corps intermédiaires du travail, des professions et des entreprises dans notre paysage institutionnel;
- la résistance de «la négociation collective des intérêts» (Alain Supiot) aux facilités de la consultation des parties prenantes;
- la pérennité du mouvement de décentralisation à la fois territoriale et fonctionnelle esquissé par le Président dans son allocution du 14.
La référence récurrente — inimaginable il y a quelques mois — au Programme du Conseil national de la Résistance marque l'urgence. L'urgence qu'il y a à négocier, penser et écrire ce pacte par-delà les différences, les divergences et les conflits. L'urgence qu'il y a ne pas attendre d'une «tutelle» qu'elle-même prenne l'initiative d'inscrire «le principe du contradictoire» au cœur du «monde d'après».
Dire que «le temps des corps intermédiaires» est venu ne veut pas dire qu'ils ont le temps.
Pierre Rey