La légitimité des élus à l'épreuve des conventions

Notre billet du 16 plaidait pour une formalisation de la position commune que les partenaires sociaux ont jugé utile de prendre le 19 mars sur «le rôle essentiel du dialogue social et de la négociation collective». Cette démarche nous semble d'autant plus d'actualité que la Convention citoyenne pour le climat inscrit à l'agenda une formule suggérant une alternative aux relations collectives telles qu'organisées en droit du travail.

Que penser du tirage au sort?

Le tirage au sort ne doit pas être confondu avec les systèmes de démocratie participative, directe ou semi-directe. C'est un mode de désignation réputé moins élitiste que l'élection mais qui souscrit a priori au principe de démocratie représentative.

Athènes, Venise, Florence, la Couronne d'Aragon… Le tirage au sort a été pratiqué bien avant l'innovation démocratique dont se revendique la Convention citoyenne pour le climat. La question posée par un politologue avisé tel qu'Yves Sintomer1 est celle de la légitimité que ce mode de désignation tire aujourd'hui de la transposition des techniques contemporaines de sondage.

Loin de s'en remettre au seul «jugement de Dieu», le tirage au sort de la Convention s'est en effet appliqué à la désignation de 150 citoyens «représentatifs de la diversité de la société». Sexe, âge, niveau de diplôme, CSP, type de territoire, zone géographique… le hasard a donc été travaillé (conformément à la Lettre de mission) pour que l'échantillon s'approche de ce que Sintomer appelle un «microcosme de la cité».

On relèvera que sur le principe, un tel échantillonnage revient à malmener l'égalité, considérer des différences, soupçonner des intérêts collectifs… sans aller jusqu'à consacrer des coalitions, à considérer qu'il sera sans doute inévitable de «négocier».

Et de fait la Lettre de mission que le Premier ministre a adressée au président du Conseil économique, social et environnemental précise que la Convention avait — pour ce qui nous intéresse ici — vocation «à mobiliser l'intelligence pour passer du consensus sur le diagnostic au compromis sur les solutions».

Pourquoi pas si la Convention est bien «un microcosme de la cité». Mais les critères d'échantillonnage — qui ne sont jamais neutres — génèrent ici une image pixélisée de «la ville». Un échantillon plus représentatif de l'état démographique que de la dynamique des jeux d'acteurs. En somme un champ libre pour la technique.

Un élu n'est-t-il pas plus légitime qu'un tiré au sort échantillonné?

 

Pierre Rey

1 - Yves Sintomer, Petite histoire de l'expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d'Athènes à nos jours, La Découverte, Paris, 2011.