La Mutualité sociale agricole a été créée en 1930 puis confirmée en 1947 comme gestionnaire du régime d’assurance maladie spécifique aux professions agricoles (exploitants et salariés). En 2018, cette institution professionnelle est l'un des piliers de l'architecture de sécurité sociale à la française, servant des prestations à près de 5,6 millions de personnes.
MSA
La Mutualité sociale agricole couvre aujourd’hui près de 5,6 millions de personnes, dont 1,1 million d’actifs (58% de salariés, 42% de non-salariés), au titre de guichet unique de prestations maladie, famille, accidents et retraite. Ce régime de sécurité sociale des professions agricoles se spécifie à plusieurs titres par rapport au régime général de sécurité sociale, même si les évolutions récentes du modèle de sécurité sociale à la française ont accéléré une convergence avec le régime commun: affiliation des exploitants comme des salariés; rôle majeur des caisses locales synonyme d’autonomie décisionnelle marquée par rapport à la tutelle; services dans le domaine social et territorial — que confirme la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, lui donnant mission «de contribuer au développement sanitaire et social des territoires ruraux».
Un maillon clé de l’armature des institutions professionnelles agricoles
La MSA est du même coup l’un des maillons clés de l’impressionnante armature d’institutions professionnelles agricoles qui s’est élaborée à la fin du XIXe siècle, consolidée dans les années 1960. Si leurs liens se sont distendus depuis les années 1970, la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA) fédère toujours le Crédit Agricole, Groupama, Coop de France et la MSA: depuis le 17 juin 2019, c’est le président de la MSA, Pascal Cormery, qui en assure la présidence. De plus, les salariés du Crédit Agricole, ainsi que ceux des chambres d’agriculture, sont affiliés à l’organisme.
Sous le signe de l’identité rurale agricole, de la solidarité, de l’autonomie par rapport à l’État
Les premières caisses de Crédit Agricole voient le jour en 1894. Groupama voit le jour en 1908, sous la forme des Assurances mutuelles agricoles (AMA). Le rôle de la Mutualité sociale agricole s’affirmera en 1930. Besoins en financement, en assurance, des hommes, des terres, des matériels… la solidarité agricole s’est affirmée à partir des années 1890, consécutivement à la crise sévère (baisse continue des prix, coût du progrès technique) qui avait affecté le secteur dans les années 1870-90, et ce dans un pays dont la population est très majoritairement rurale. Une esquisse de mutualisation s’était esquissée dès les années 1830, mais le mouvement s’accélère et se conforte avec les lois permettant la création de syndicats (1864, 1884), les conditions d’agrément des coopératives (1906) et, surtout, celle du 1er avril 1898 sur les mutuelles.
La multiplication des mutuelles s’opère nonobstant l’existence de deux grandes organisations syndicales rivales (Société des agriculteurs de France, plutôt conservatrice; Société nationale d’encouragement, de tendance républicaine), qui ne se regrouperont qu’après 1946 avec la création de la FNSEA. Pour être en opposition, les deux organisations partagent néanmoins un même diagnostic concernant les spécificités du monde agricole et rural, son identité en péril, la particularité de sa structure professionnelle, et la nécessité de solutions en propre mises en œuvre par les agriculteurs eux-mêmes.
La méfiance marquée à l’égard de la puissance étatique n’empêche pas les pouvoirs publics de soutenir fortement le mouvement, via le tout récent ministère de l’Agriculture de plein exercice (création en 1881) mais également en lien avec les multiples lois sociales: loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail instituant le risque professionnel pour l’employeur étendue aux agriculteurs en 1922; loi du 30 avril 1928 sur les assurances sociales; loi du 11 mars 1932 sur les allocations familiales. C’est aussi le cas avec la loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes, qui s’avérera toutefois être un échec. La loi du 5 décembre 1922 sur l’extension des accidents du travail, instituant une organisation propre au secteur agricole, confiée à la gestion des mutuelles locales, amorce la création d’une organisation de sécurité sociale propre aux agriculteurs, exploitants et salariés, qui se confirme avec celle du 30 avril sur l’assurance maladie, maternité, décès et vieillesse des salariés agricoles.
Un régime de sécurité sociale autonome pour les exploitants et les salariés géré par les professionnels
En 1940, le régime de Vichy conforte la vocation d’un organisme unique de gestion des risques sociaux des assurés agricoles mais au prix de la perte de son autonomie. Lorsqu’elle la retrouvera, en 1949 (loi du 8 juin rétablissant les élections dans les caisses sociales de la MSA), est intervenue la création d’un régime social de sécurité sociale. L’unité agricole syndicale retrouvée dans le cadre de la FNSEA, la mobilisation des mutualistes du secteur, ont permis toutefois à la préservation d’un régime différencié pour les salariés agricoles, qui restent affilés à la MSA. Cette autonomie fonctionnelle et organisationnelle sera confirmée par décret en 1961 adaptant celui de 1960 sur l’organisation de la sécurité sociale, tandis que s’amorce la grande période de «cogestion entre organisations professionnelles agricoles et État», conduisant à la modernisation de l’agriculture dans le cadre de la communauté européenne, et aboutissant notamment à la création du budget annexe des prestations sociales agricoles destiné à financer la MSA. Entre temps, la «retraite» s’est légitimée auprès de la population française, et les salariés de l’agriculture en bénéficient dès les années 1950.
Un guichet unique de prestations de sécurité sociale, doublé d’une action sociale sur les territoires ruraux
Le périmètre d’intervention de la MSA s’élargit à l’assurance maladie des exploitants (1961, réformée en 2001), aux retraites complémentaires (1966, 1970 dans le giron de l’AGIRC, 2003 pour les exploitants), aux accidents du travail et maladies professionnelles des salariés (1972). Les prestations d’allocations familiales sont servies aux salariés depuis 1936 et aux exploitants depuis 1939. La répartition des rôles avec les AMA, ne se fait pas toujours sans conflit, puisque ces dernières se voient désinvesties des risques sociaux tout en conservant un rôle important pour la protection des biens professionnels et personnels des agriculteurs, l’assurance vie. En 1986, elles se regrouperont sous l’enseigne Groupama, spécialisée dans la réassurance mutuelle agricole, dont l’évolution se traduira ensuite par une ouverture au monde non-agricole.
En 2019, la Mutualité sociale agricole sert directement des prestations d’assurance maladie, de retraite, accidents du travail et maladies professionnelles, famille-solidarité-handicap et contribue à l’attractivité du territoire rural via un dispositif d’offre de services (services à la personnes, accueil de personnes âgées, ingénierie, sociale, formation professionnelle, développement et innovation) portée par sa fédération nationale et quelque 210 structures. Elle assure, par ailleurs, la gestion pour le compte d’autres opérateurs de protection sociale – Agirc-Arrco (retraites), mutuelles, régimes spéciaux (soutien technique aux régimes de la SNCF, de la RATP) ou autonomes (Cipav) et est membre du GIP Info Retraites.
L’organisme est piloté par une Caisse centrale (CCMSA), organisme de droit privé chargé d’une mission de service public dans le cadre d’une convention d’objectifs et de gestion (COG) et d’animer les 35 caisses régionales. Son organe souverain est une assemblée générale centrale (476 administrateurs), qui élit son conseil d’administration (29 membres), organe exécutif au sein duquel est désigné un bureau de 9 membres dont le président (Pascal Cormery depuis 2015).
Au printemps 2020, ces instances seront reconduites ou renouvelées, suite au scrutin de janvier 2020, pour lequel 652468 (soit 1/4 du nombre d'inscrits) adhérents ont désigné quelque 13760 délégués, respectivement issus des collèges exploitants (40%), des salariés (41,8%), des employeurs (18%). Le taux de participation était en baisse sensible par rapport aux élections de 2015 (31%). Elle a été plus particulièrement élevée dans les caisses d'Alsace, Picardie, Lorraine, Sud-Champagne Nord-Pas-de-Calais, Beauce. Les caisses ayant le plus grand nombre d'élus sont respectivement celles de Midi-Pyrénées Nord, Ile-de-France, Auvergne, Bourgogne, Nord-Pas-de-Calais, Picardie.
L’adaptation d’un modèle fragilisé par le déclin du secteur agricole et la crise de la sécurité sociale
À l’instar des régimes spéciaux ou autonomes, la Mutualité sociale agricole est impactée par les problèmes récurrents du modèle de sécurité sociale à la française, ce d’autant que les effectifs agricoles et, plus largement le poids économique et démographique de la France rurale, ne cessent de s’affaiblir. Qui plus est, son modèle repose sur un poids très prégnant des caisses locales, lié à la fois à une logique de solidarité et de service de proximité et d’une distance à la décision technocratique, et limitant de fait le pouvoir de la Caisse centrale. Témoin de ce poids, le fait que les nominations et les pouvoirs des directeurs de caisse sont toujours aujourd’hui validés par les élus.
La montée en puissance de cette instance nationale traduit précisément la réponse que le réseau a dû apporter aux contrôles croissants des pouvoirs publics au motif d’une dégradation des ressources de l’organisme. Annoncé par un rapport de la Cour des comptes de 1996, le renforcement de ces contrôles s’est notamment traduit par l’obligation de souscrire une convention d’objectifs et de gestion avec l’État dès 1999, impliquant une centralisation des ressources à la caisse centrale, puis par l’alignement des règles de financement des dépenses de gestion administrative et d’action sociale de la MSA sur celles des autres régimes de Sécurité sociale (2013). Il en résultera, ensuite, une restructuration d’ampleur du réseau des caisses – de 89 au début des années 1990 à 35 en 2010 – pour laquelle les administrateurs de l’organisme ont néanmoins privilégié le critère de proximité de service – plutôt qu’une rationalité comptable, comme le regrette encore la Cour des comptes en 2010. Son Plan stratégique 2020-2025 vise à poursuivre l’effort de modernisation engagé, induit aussi par la baisse de la contribution de l’État, et comme support de l’ambition de «promouvoir la place de la MSA dans la protection sociale de demain en investissant plus fortement les territoires ruraux et en mettant en œuvre de nouvelles activités».
En juin 2019, l’organisation a notamment, quoique bien disposée au vu des objectifs généraux de la réforme des retraites (unification des règles d’attribution et de calcul), plaidé pour la prise en compte de certaines spécificités du secteur (faiblesse et volatilité des revenus, statuts précaires des non-salariés). Surtout, elle fait part de son opposition à toute «remise en cause des fondements du régime de sécurité sociale agricole qui reposent sur la gestion par la MSA de l’ensemble des risques, à la fois pour les salariés et les non-salariés, notamment en matière de risque vieillesse pour lequel la MSA est compétente tant pour les retraites de base (salariés et non-salariés agricoles) que pour les retraites complémentaires obligatoires (des non-salariés agricoles et, par délégation du GIE Agirc-Arrco, pour le recouvrement des cotisations des salariés agricoles ».
Concernant le projet de loi sur l’autonomie des personnes âgées, elle rappelle la nécessité que «soient préservés ses fonds d’action sanitaire et sociale qui lui permettent de développer des actions qui répondent très précisément aux besoins des populations retraités». L’institution de sécurité sociale se dit par ailleurs favorable aux dispositions prévues dans le cadre de la réforme de la santé relatives notamment à la «coordination des soins entre secteur hospitalier, ambulatoire et médico-social», à la «coordination prévu entre hôpitaux de proximité et CPTS».