Créée en 1946, la FNSEA s’est rapidement imposée comme l’unificateur du monde paysan, comme un acteur clé du puissant système d’organisation du secteur agricole et comme un interlocuteur majeur des pouvoirs publics. Elle compte au nombre des grandes organisations patronales nationales représentatives.
Au lendemain même de la loi 12 mars 1946 rétablissant la liberté syndicale (IVe République), se constitue une Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, dont le premier président sera Eugène Forget (1901-1994), à l’origine du «serment de l’unité paysanne». La naissance de la première organisation professionnelle agricole fédérant l’ensemble des exploitants et donnant toute sa puissance au système d’organisation du secteur se situe dans la continuité d’un mouvement amorcé à la fin du XIXe siècle, à la faveur notamment de la création du ministère de l’Agriculture (1881), de la loi de 1884 sur les syndicats, de celle de 1806 sur les coopératives.
Une dynamique puissante mais non exempte de conflits d’intérêt
Cette dynamique, de laquelle participent également l’institutionnalisation du Crédit agricole (1894), des mutuelles telles les caisses Groupama (1908), n’est toutefois pas exemple de conflits d’idéologie ou de compétences. Ainsi de la rivalité entre la Société des agriculteurs de France (1867) plutôt conservatrice et représentant la grande propriété et prolongée dans la Corporation paysanne créée sous le régime de Vichy, et la Société nationale d’encouragement (1880) d’obédience républicaine. Dans les années 1930, plusieurs syndicats politisés apparaissent, sous influence droitière (Parti agraire), communiste (Confédération générale des paysans-travailleurs) ou socialiste (Confédération nationale paysanne), sans toutefois parvenir à une primauté. Les dissensions au sein de la représentation des exploitants se réactiveront d’ailleurs, après la création de la FNSEA, via le Mouvement de coordination et de défense des exploitants familiaux (CSAEF-MODEF), créée en 1959 et proche du Parti communiste, et plus tard la Confédération paysanne (1987) et la Coordination rurale (1991).
Sur le second plan, la création des chambres d’agriculture (1924) sera la source d’un conflit de compétence qui ne sera réglé qu’en 1951, par un accord entre FNSEA et APCMA, les secondes s’orientant plus vers une mission technique.
Une organisation unifiée et axée sur la défense et la promotion des professions agricoles
À l’instar de l’ensemble des institutions professionnelles de défense du patronat ou du salariat, les syndicats agricoles seront dissous pour laisser la place à une Corporation paysanne strictement encadrée par le pouvoir. Dès 1943, un contre-pouvoir s’établit, avec la création dans la clandestinité, sous l’égide de François Tanguy-Prigent, ancien dirigeant de la Confédération nationale paysanne, de la Confédération générale de l’agriculture (CGA) qui survivra jusque dans les années 1960.
La perspective est clairement de faire émerger une représentation syndicale unifiée. La FNSEA y prendra progressivement l’ascendant, via l’influence de la jeune génération issue de la Jeunesse agricole chrétienne (JAC) et du Centre national des jeunes agriculteurs (1947), d’où émergeront les figures majeures telles que Michel Debatisse (1929-1997, président de la FNSEA de 1971 à 1978), Raymond Lacombe (1929-2002, président de la FNSEA de 1986 à 1992), François Guillaume (président de la FNSEA de 1979 à 1986, puis ministre de l’Agriculture du gouvernement Chirac, de 1986 à 1988). En phase avec l’entrée dans le marché européen et la Politique agricole commune, mobilisée en priorité sur la modernisation de l’agriculture, la FNSEA trouvera aussi l’appui fort des pouvoirs publics des IVe et surtout Ve République. Elle sera l’un des piliers du Conseil de l’agriculture française (CAF, 1966), association loi 1901 visant à coordonner les acteurs syndicaux, mutualistes et consulaire, où siègent également le CNJA, la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA), la Fédération nationale du Crédit agricole (FNCA), la Fédération nationale de la mutualité agricole (FNMA) ainsi que l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (membre associé).
Une organisation patronale représentative au-delà du seul secteur agricole
La FNSEA est l’un des rares grands syndicats français à avoir été dirigé par une femme. Christiane Lambert, 11e président de l’organisation depuis sa création a succédé en 2017 à Xavier Beulin (1958-2017, président de la FNSEA de 2010 à 2017). Son successeur, élu en avril 2023, est le président de la FOP (oléoprotéagineux) Arnaud Rousseau.
En 2018, la fédération nationale se structure autour de 20 000 syndicats locaux, 94 fédérations départementales et 22 fédérations régionales. Son instance souveraine est l’assemblée générale (428 membres dont 16 appartiennent au CNJA), dont émanent un conseil d’administration (69 membres, dont 4 du CNJA) et le bureau national (26 membres).
La confédération est reconnue comme organisation patronale représentative de branche et siège au HCDS. Lors des élections professionnelles 2019 au sein des chambres d'agriculture, la FNSEA restait le syndicat d'exploitants prépondérant, avec près de 55 % des suffrages dans le collège producteurs (dont 52 % en liste propre) et presqu'autant dans celui des anciens exploitants (dont 17 % en liste propre).