C’est pour répondre aux caractéristiques spécifiques de la fonction cadre que les partenaires sociaux s’accordent en 1947 sur le régime de retraite complémentaire Agirc. Le succès de la formule conduira ensuite à la création d’un régime salariés, l’Arrco. Les deux institutions ont fusionné en 2019. Leur intégration à une caisse unique est envisagée dans le cadre du projet de service universel souhaité par l’État mais contesté par les organisations professionnelles.
C’est à l’initiative des organisations professionnelles d’employeurs (aujourd’hui représentées par le Medef, la CPME, l’U2P) et de salariés (aujourd’hui la CFE-CGC et les fédérations de cadres de la CFDT, FO, CFTC, CGT) par la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres, que voit le jour, le 14 mars 1947 (IVe République), l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres (Agirc). Dans le contexte de redéfinition de l’assurance-retraite initié par la création de la Sécurité sociale, en 1945, les cadres souhaitaient en effet disposer d’un régime privé spécifique, tel qu’il en existait depuis les années 1930, ce que permet un décret du 8 juin 1946. Le contexte est également celui de la création récente d’un syndicat spécifique aux cadres et ingénieurs, la CFE-CGC (1944) .
De l’institution de retraite complémentaire des cadres à la fédération des organismes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé
L’Agirc se constitue en tant que «fédération d’institutions de retraite complémentaire, régie par le code de la Sécurité sociale», sous statut de «personne morale de droit privé à but non lucratif et remplissant une mission d’intérêt général» gérant les retraites complémentaires des cadres du secteur privé de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture, selon un système par répartition. La gouvernance de l’institution, considérée comme une réussite en matière de paritarisme de gestion, associe à parité les organisations d’employeurs et de salariés.
Un nouvel accord, en 1971, duplique le modèle Agirc pour les salariés
Son succès conduit à une transposition au bénéfice des salariés, dans les entreprises et les branches, et à une première ébauche de régime spécifique aux salariés en 1957.
Cet élargissement se concrétise en 1971 (Ve République), lorsque les partenaires sociaux (mêmes organisations patronales, confédérations interprofessionnelles des salariés et CFE-CGC), par un accord interprofessionnel national du 5 décembre, créent l’Association des régimes de retraite complémentaire des salariés (Arrco) qui couvre l’ensemble des salariés du secteur privé de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture, cadres compris, suivant un même principe de gouvernance et de financement par répartition. Dans le sillage de la généralisation de la retraite complémentaire (loi du 29 décembre 1972), et afin de consolider le dispositif, un nouvel accord (1973) instaure une solidarité entre les deux régimes. Dans les années 1990 (accord du 25 avril 1996), les partenaires sociaux actent une harmonisation des conditions d’attribution de points entre les deux régimes, la création d’un véritable régime unique pour l’Arrco, en même temps que l’amélioration des finances de l’Agirc.
Le rapprochement entre les deux structures se poursuivra, dans les années suivantes, par la création d’un groupement d’intérêt économique au service des deux fédérations (2002). En 2013, elles rejoignent le GIP Info Retraite. À l’arrière-plan de la fusion qui opère en 2019 se joue aussi la question du financement des deux régimes, qu’un rapport de la Cour des comptes (2014) qualifie de préoccupant et à propos duquel elle préconise des économies de gestion (pour constater, en 2020, que les mesures de redressement ont été bénéfiques, mais que le système reste encore, de par sa complexité, améliorable…).
Un exemple du paritarisme de gestion patronat/syndicats
En 2018, 12 caisses de retraite complémentaire sont adhérentes de la fédération Agirc, tandis que l’Arrco en regroupe 20. La fédération est par ailleurs le pivot de 12 groupes de protection sociale. L’Accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 fixe pour missions à l’organisme le contrôle des régimes affiliés et de leur gestion, le pilotage des chantiers portant sur l’amélioration de la gestion et des services aux entreprises comme aux salariés, une prestation d’études pour les partenaires sociaux. La structure unique de 2019 est coprésidée par un représentant des organisations d’employeurs (Didier Weckner, vice-président, Medef) et un représentant des organisations de salariés (Jean-Claude Parboul, président, CFDT Cadres). Elle se structure autour d’une assemblée générale (10 membres élus par structure adhérente), d’un conseil d’administration de 40 membres (20 pour les salariés, 20 pour les employeurs), lequel élit un bureau de 10 membres. L’accord national interprofessionnel et les négociations associées sont par ailleurs soumises à une commission paritaire de 30 membres issus à parité des organisations d’employeurs et de salariés. En 2019, la fédération sert des prestations à 18 millions de cotisants.
Un régime complémentaire spécifique pour les agents du secteur public
L’organisation du système de retraite complémentaire, outre les régimes spéciaux (salariés) ou autonomes (professions libérales), inclut l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités locales (Ircantec). Issu de la fusion de deux entités – Ipacte (Institution de prévoyance des agents contractuels de l’État) et Igrante (Institution générale de retraite des agents non titulaires de l’État), il a été institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970. Ce régime par répartition et par points dont le gestionnaire opérationnel est la Caisse des dépôts et consignations sert près de 3 millions de cotisants en 2017.
Sa gouvernance est également de type paritaire. Son conseil d’administration de 34 membres (depuis 2008) regroupe les représentants des employeurs publics (ministères, fonction publique hospitalière, fonction publique territoriale) et des organisations syndicales de salariés, ainsi que des personnalités qualifiées. Depuis 2015, l’institution est présidée par Jean-Pierre Costes, représentant des salariés affilié à la CFDT.
Quelle évolution dans le cadre d’un régime universel de retraites ?
L’évolution aussi bien de la fédération que de l’Ircantec est suspendue, depuis 2019, à la réforme des retraites engagée par les pouvoirs publics. La Cour des comptes se prononce, comme fréquemment, pour une reprise en main par les pouvoirs publics, considérant notamment que «Un système universel de retraite tel que proposé par le Haut Commissaire à la réforme des retraites (HCRR) en juillet 2019 rendrait caduque la question de l’articulation entre retraites de base et complémentaire», mais aussi que cela permettrait, dans la continuité des accords Agirc et Arrco de 2015, d’assurer un retour à un équilibre durable, tandis que la bascule vers un système à points ne sera pas techniquement difficile. Parallèlement, le Haut Commissaire préconisait, en 2019, d’intégrer aussi bien les deux structures ainsi que la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) dans une nouvelle caisse unique et universelle.
Toutefois, de fortes incertitudes demeurent sur la possibilité de réalisation de ces hypothèses, compte tenu des oppositions rencontrées par la réforme auprès des représentants des salariés et, plus conjoncturellement, des effets de la crise Covid. En dépit de la relance du processus envisagée par le nouveau Gouvernement formé en juin 2020, la finalisation de la réforme, voire sa mise en œuvre, ne sont pas assurées à l’été 2020.