Le domaine du sport a, depuis 2005, sa convention collective nationale. Un texte qui traduit la prise en compte, par les pouvoirs publics et les acteurs du monde sportif, d’un dialogue social qualifié. Il a donné lieu à l’émergence d’institutions professionnelles patronales et syndicales ad hoc: Conseil social du mouvement sportif et Conseil national des employeurs d'avenir côté employeurs; Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs côté salariés. Les principales confédérations syndicales interprofessionnelles et d’autres organisations d’employeurs existantes sont également parte prenantes.
La convention collective de la branche Sports (CCNS) a été actée par les partenaires sociaux en juillet 2005, à l’issue d’une décennie de négociation. Ont participé à son élaboration les principales confédérations syndicales nationales (CFTC, CFDT, CFE-CGC, CGT-FO, ainsi que la CGT et l’UNSA qui ne la signeront toutefois pas), ainsi que des organismes représentants les sportifs salariés (Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs; Confédération nationale des éducateurs sportifs). Côté employeurs, les négociateurs relevaient de plusieurs syndicats bientôt regroupés en Conseil national des employeurs associatifs et du Conseil social du mouvement sportif (CoSMos), mais aussi du Syndicat national des exploitants d’installations sportives et de services sportifs (SNEISS), qui se rattachera in fine à une autre branche conventionnelle.
La démarche et son aboutissement marquent une double nouveauté : l’entrée du sport dans le champ des conventions collectives; la constitution de représentations patronales et syndicales ad hoc.
La naissance d’une branche professionnelle Sport
Le texte (art. 1) a vocation à régler «sur l'ensemble du territoire y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises exerçant leur activité principale dans l'un des domaines suivants :
– organisation, gestion et encadrement d'activités sportives ;
– gestion d'installations et d'équipements sportifs ;
– enseignement, formation aux activités sportives et formation professionnelle aux métiers du sport ;
– promotion et organisation de manifestations sportives, incluant, à titre accessoire, la sécurité de ces manifestations dans le cadre de l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983,
à l'exception toutefois de celles qui relèvent du champ d'application de la convention collective nationale des centres équestres ».
Intégrant les spécificités de l’entreprise commerciale
Il consacre donc, comme le précise l’article 2, l’autonomie d’une branche Sport qui était jusque-là rattachée pour l’essentiel à celle de l’Animation socioculturelle. Dans le même temps, et autre nouveauté, il spécifie dans son chapitre XII, la prise en compte du sport professionnel en tant que «activité économique étroitement liée aux impératifs et aux aléas de la compétition sportive, dont la nature et les conditions d'exercice ont une incidence nécessaire sur les conditions d'emploi, de travail, de rémunération ainsi que sur les garanties sociales à définir pour les salariés visés au présent chapitre: les sportifs professionnels et leurs entraîneurs».Il reste toutefois entendu que «soit préservée, entre compétiteurs, une égalité de chances, dans le sens de la réglementation des compétitions définie par les fédérations sportives et les ligues professionnelles en vertu des prérogatives que leur reconnaît la loi».
Si l’impulsion donnée par les pouvoirs publics – en particulier du ministre des Sports Marie-Georges Buffet – est orientée sur le «principe d’unité du sport», le texte prend néanmoins acte de la montée en puissance, depuis les années 1980 – problématique, mais de plus en plus prégnante – de l’enjeu économique et financier, entrepreneurial, de ressources humaines de la filière et de son articulation à la délégation de service public qui régit les relations avec le Mouvement sportif. Il se situe dans la continuité de la loi de 1984 – permettant la création de ligues professionnelles, donnant naissance au sein des clubs à des entreprises commerciales identifiées (art.11) et découplées de l’association fondatrice – et en résonance avec la clarification du droit opérée par la création d’un Code du sport (2004). Parallèlement, dès le début des années 1990, la puissance publique avait manifesté son intérêt pour une convention en propre au champ sportif par rapport à celui de l’animation sportive, relevant de la convention pour l’Animation socioculturelle, dont les acteurs demandaient à contrario l’extension.
Du côté des futurs partenaires sociaux, la démarche consolide les esquisses d’accords engagées à partir des années 1970, autour en particulier de la sphère du sport collectif professionnel (football, cyclisme, rugby, basket-ball, handball, volley-ball), avec constitution de syndicats des clubs mais aussi syndicalisation croissante des sportifs et personnels – illustrée notamment par la grève des joueurs de football de 1971 et la charte du football professionnel qui lui répond en 1973. Cette syndicalisation opère peu à partir des confédérations syndicales existantes, même si la Confédération française et démocratique du travail rallie des syndicats d’entraîneurs, d’administratifs – de telle sorte qu’elle reste, en 2017, la confédération de salariés la plus représentative de la branche, devant la CGT, laquelle a aujourd’hui rallié la CCNS.
Ainsi, ont vu successivement le jour:
• 1957: l’Union nationale des cyclistes professionnels (UNCP), présidée alors par Louison Bobet et actuellement présidée par Pascal Chanteur.
• 1961: l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) présidée alors par Just Fontaine, actuellement par Sylvain Kastendeuch.
• 1973: l’Union nationale des joueurs professionnels de tennis (UNJPT), aujourd’hui présidée par Nicolas Escudé.
• 1988: le Syndicat national des basketteurs (SNB), présidé alors par Jacques Monclar, aujourd'hui par Johan Passave-Ducteil.
• 1998: le syndicat national des joueurs de rugby Provale, présidé alors par Jean-Marc Lhermet, aujourd’hui par Robins Tchale-Watchou.
• 2004: l’Association des joueurs professionnels de handball (AJPH), présidé actuellement par Vincent Girard.
• 2017: l’Association des joueurs professionnels de hockey-sur-glace (AJPHockey), présidée par Matthieu Le Blond.
• 2018: un syndicat national des joueurs de volley-ball, présidé actuellement par Hubert Henno.
3 organisations représentatives créées ad hoc : FNASS,CoSMoS, CNEA
Dans le contexte particulier d’une relation patronat/salariat subsumée par une philosophie spécifique qui concourt à faire primer l’accord sur le conflit et d’où découle une primauté des structures associatives (Comité national olympique et sportif français, fédérations), mais aussi une inexpérience de la représentation d’employeurs, la CCNS impliquera l’émergence de nouvelles structures, notamment côté employeurs – COsMoS, CNEA – tandis que s’affirmera, côté salariés, le rôle de la Fédération nationale des associations et syndicats sportifs (FNASS).
La Fédération nationale des associations et syndicats sportifs
La Fédération nationale des associations et syndicats sportifs voit le jour en 1992 sous l’impulsion de l’UNFP, de l’UNCP et de l’UNPJT (qui n’en est plus membre aujourd’hui), avec pour premier président Alain Giresse. Officialisée en 1999 sous forme d’association loi 1901, elle a pour objet «de défendre les intérêts des sportifs et sportives professionnels en France et à l’étranger, d’aider à la structuration d’autres syndicats de joueurs et joueuses, et enfin de faire entendre leur voix». Son projet «politique» met l’accent en premier lieu sur la sécurisation du dialogue social dans la branche et par discipline et la représentation du sportif pour toutes décisions du secteur le concernant, ainsi que l’accompagnement du professionnel dans sa carrière et après.
Présidée par le rugbymen Robins Tchale-Watchou, la FNASS est pilotée par une instance unique, un comité directeur de 12 membres issus des syndicats adhérents assistés d’un expert du droit. En 2017, la FNASS est la deuxième organisation syndicale représentative de branche pour le nombre d’accords signés (36,09%), après la CFDT et devant la CGT.
Le Conseil national du mouvement sportif
Créée en 1993, l’organisation d’employeurs COsMOs est une émanation du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), non habilité par le droit à constituer lui-même une organisation patronale, et qui assure une partie de son financement. Figurent aussi au nombre de ses membres fondateurs diversesfédérations disciplinaires (11) et généraliste (1), clubs (5).
Sous statut association loi 1901, il a vocation à «regrouper les entreprises, quelle que soit leur forme juridique, dont l’activité principale consiste notamment dans la gestion d’installations sportives et de loisirs sportifs, dans l’organisation, l’enseignement, l’animation d’activités sportives et de loisirs sportifs, dans l’enseignement, la formation professionnelle aux métiers du sport ainsi que dans la promotion et l’organisation de manifestations sportives» (statuts- art 1). Son Conseil national (CN,30 membres) intègre un collège Sport professionnel (7 membres) où figurent les représentants des grands syndicats de clubs professionnels (UCPB, UCPF, UCPH, UCPR, UCPVB). L’organe souverain du COsMOs est une assemblée générale regroupant des représentants de l’ensemble des adhérents, habilitée à élire le Conseil national. L’exécutif est constitué par un bureau (11 membres) dont la composition est proposée par le président et validée par le CN. Lors de sa constitution, COsMOs était présidé par François Alaphilippe (issu du CNOSF). Depuis 2013, c’est Philippe Diallo, par ailleurs président du regroupement des unions de clubs professionnels Unipros , qui assure cette fonction.
En 2017, COsMOs est la principale organisation d’employeurs de la branche conventionnelle (représentant 97,15% des salariés et 31,9% des entreprises sur la base de 45000 salariés pour 4000 entreprises en 2013). L’organisation intervient sur les territoires via des pilotes régionaux et des coordinateurs fédéraux. Il sera, avec le Medef, la CPME, et l'Union Sports et Cycles, au nombre des organisations d'employeurs siégeant dans la toute nouvelle Agence nationale du sport créée à l'initiative des pouvoirs publics en avril 2019. Présidée par Jean Castex,délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques, cette agence a pour mission d'accompagner les fédérations vers la haute performance dans la perspective des Jeux olympiques de 2024 et le développement des pratiques (soutient au projet sportif fédéral, constructions d'équipements) jusque-là confié au Centre national du sport.
Le Conseil national des employeurs associatifs (CNEA)
C’est également dans le cadre de la négociation de la convention que se constitue le Conseil national des employeurs associatifs (puis d’avenir), par regroupement de plusieurs organisations: Syndicat national des organisations gestionnaires d'activités éducatives et culturelles (SNOGAEC); Syndicat des associations de développement culturel et social (SADCS); Union nationale des organismes de développement social, sportif et culturel (UNODESC). Il couvre 4 branches professionnelles (animation, tourisme social et familial et foyers et services jeunes travailleurs, sport) et se donne pour objet: signature et suivi de la CCNS, conseil juridique, information, formation. Il est aujourd’hui présidé par Philippe Jacquemain. Reconnu comme deuxième organisation représentative de la branche conventionnelle, le CNEA est premier syndicat représentatif auprès des entreprises (63,55%, 200 entreprises) pour seulement 2,68% auprès des 8 000 salariés.
S’y ajouteront désormais (un accord de rapprochement stratégique a été signé entre les deux organisations en 2017), les audiences et effectifs de la Fédération nationale des entreprises des activités physiques et de loisirs (FNEAPL), rebaptisée FNEAPL-France Active en 2010 et par ailleurs affilée à la CPME. En 2013, elle représentait près de 2300 salariésde la branche, pour environ 570 entreprises, avec une audience de 4,5% auprès des secondes et 6% auprès des salariés. La FNEAPL est aujourd’hui présidée par Thierry Doll.
Depuis décembre 2020, dans le cadre de son projet stratégique initié en 2018, le CNEA s'est rebaptisé «Hexopée».