L’établissement public France Agrimer se substitue, en 2008, à un ensemble de structures (offices, fonds de soutien) dont la première, l’Office interprofessionnel du blé, a été créée dans les années 1930, afin de réguler le marché du blé et de garantir un revenu aux producteurs. Son modèle a été ensuite démultiplié pour l’ensemble des filières agricoles et adapté, à partir de 1960, aux évolutions de la politique agricole commune.
L’ordonnance no 2009-325 du 25 mars 2009 (Ve République), retranscrite dans le chapitre Ier du titre II du livre VI du code rural, entérine la création de France Agrimer, en tant qu’établissement public administratif (EPA) sous tutelle du ministère de l’Agriculture. France Agrimer a notamment pour missions, d’œuvrer sur les marchés (connaissance, bon fonctionnement, mise en marché) afin d’assurer une rémunération correcte aux producteurs, de favoriser l’organisation des professions et les liens entre filières, d’accompagner le développement des filières en prenant en compte le développement durable, mais aussi de « mettre en œuvre les mesures communautaires afférentes à ses missions» et de conseiller les pouvoirs publics en cas de crise. Le texte, porte aussi création d’une Agence de services et de paiement, autre EPA, ayant «pour objet d’assurer la gestion administrative et financière d’aides publiques» (en particulier européennes), d’assister techniquement les politiques publiques (mise en œuvre, évaluation) nationales voire territoriales.
Cette création concrétise une politique de longue date, spécifique à la France, en matière de soutien aux filières agricoles, en même temps que sa rationalisation, sous le triple effet de la RGPD, du renforcement de l’intégration européenne, mais aussi de l’unification d’un écheveau de structures à géométrie variable sous deux aspects majeurs — le paiement des aides, le soutien aux filières pour l’accès au marché – et à statut différencié — le plus souvent un EPIC, mais aussi des organismes privés autorisés par le décret n° 53-933 du 30 septembre 1953.
De la réponse aux crises de la production agricole, à l'adaptation à la dynamique de la PAC
Cette politique a commencé à être mise en mise en œuvre dans les années 1930, avec la loi du 15 août 1936 (IIIe République) actant la création d’un Office national interprofessionnel du blé habilité (article 16) à exercer le «monopole de l'importation et de l'exportation des blés, des farines et des céréales panifiables, des semoules et des sous-produits de trituration» et réunissant des représentants des producteurs (en majorité), des transformateurs et industriels, ainsi que des consommateurs. La représentation professionnelle y est donc assurée, mais les membres sont «nommés» à son Conseil central.
Il s’agit alors de répondre à une crise du revenu des professionnels assortie d’un risque de rupture de l’approvisionnement alimentaire du pays, qu’illustre par ailleurs la création des appellations d’origine contrôlée et du CNAO, via un principe de fixation de prix plancher et plafond. La création du premier office d’intervention agricole (à ne pas confondre avec les offices agricoles, dont sont issus les chambres d’agriculture, ni avec les interprofessions instituées à partir de 1975) traduit une ambition très volontariste du Front populaire, illustrée par la fixation d’un prix du blé dès 1933, un temps contrecarrée par les conflits internes au monde agricole et, au-delà, par une certaine réticence à l’étatisation. L’Onib sera confirmé dans le contexte particulier de l’État français – contraintes sur la production liées à l’Occupation, corporatisme étatique…– sous l’appellation élargie d’Office interprofessionnel des céréales (ONIC), puis sous la République retrouvée. Rebaptisé Office national des grandes cultures, dans le cadre de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, il voit ses missions redéfinies (amélioration de la connaissance et du fonctionnement des marchés; renforcement de la filière «grandes cultures» ; application des mesures communautaires et nationales (intervention, stockage, certificats d'exportation, etc.). L’ONICG fonctionnera en tant qu’organisme autonome jusqu’en 2008.
Un modèle dupliqué à l’ensemble des filières
Les années 1950 voient le modèle se dupliquer via le décret n°53-933 du 30 septembre 1953 (IVe République) qui fixe le statut, l’organisation et le fonctionnement des organismes d’intervention économique de caractère privé «obligatoirement» conventionnés par les pouvoirs publics pour réguler les marchés. C’est le cas pour :
- le lait et ses dérivés: avec successivement Interlait (1954-1999), Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (Onilet, 1983-2006);
- la viticulture: avec successivement Institut des vins de consommation courante (IVCC, 1954), puis Office national des vins de table (Onivit, 1976), puis Office national interprofessionnel des vins (Onivins, 1983), puis Viniflhor (2006-2009);
- le bétail et les viandes: avec successivement Société interprofessionnelle du bétail et des viandes (Sibel, 1954), puis Office national interprofessionnel du bétail et des viandes (Onibev, 1972), puis Office national interprofessionnel de la viande, de l'élevage et de l’aviculture (Ofival, 1983-2006);
- la pomme de terre: avec successivement Société nationale interprofessionnelle de la pomme de terre (Snipot, 1954), puis Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture (Oniflor, 1982-2004), puis Viniflhor (2006-2009);
- les oléagineux: avec successivement, Société interprofessionnelle des oléagineux fluides alimentaires (SIOFA, 1955), puis Société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (Sido, 1970), puis Office national interprofessionnel des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (Oniol, 1998), puis Office national interprofessionnel des grandes cultures (2006).
Le secteur de la pêche maritime disposera à partir de 1975, d’un Fonds d’intervention et d’organisation des produits de la pêche maritime (FIOM), devenu ensuite Office national interprofessionnel de la pêche maritime et de l’aquaculture (1998). Celui des plantes à plantes à parfum, aromatiques et médicinales est doté du sien dans les années 1980 (Onippam). Enfin, il existe des offices spécifiques aux territoires de la Corse (Office du développement agricole et rural, Odarc, 1982) et de l’Outre-Mer (Office de développement de l’agriculture des départements d’Outre-Mer, puis Office de développement de l’économie agricole d’Outre-Mer, ODDEADOM, 1982), lesquels continuent à exercer leur mission.
Une rationalisation progressive des offices et des outils et structures de financement des aides agricoles
Le mouvement, dans le nouveau contexte de la politique agricole commune mise en œuvre à partir des années 1960, s’est accompagné de la création de fonds d’intervention, ayant tutelle sur ou en concurrence avec les offices, dont notamment le Fonds d’orientation et de régularisation des marchés agricoles créé en 1961 (décret 61-827 du 29 juillet 1961) pour orienter et régulariser la production de la plupart des produits agricoles (FORMA), ou encore le Fonds d'orientation et de régularisation du marché du sucre (FIRS, 1968). Parallèlement, le Fonds d'action sociale pour l'aménagement des structures agricoles (FASASA, 1962), transformé en Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA, 1966) finance la modernisation des exploitations, puis l’emploi (sous la tutelle du ministère dédié).
Les deux fonds seront supprimés, dans le cadre d’une première rationalisation menée dans les années 1980, motivée entre autres par l’évolution des marchés mais aussi par l’émergence des interprofessions (leur périmètre respectif étant clarifié par une loi de 1986), soit par intégration au sein des offices, soit par transfert d’attribution à la toute nouvelle Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA, 1983-2006).
France Agrimer
Une nouvelle phase de rationalisation intervient dans les années 2000, en lien avec l’évolution du système des aides de la politique agricole commune (découplage des aides tant pour le secteur végétal qu’animal, versées indépendamment des volumes de production), dont la Cour des comptes (2002) avait par ailleurs stigmatisé un manque de transparence au niveau de la gestion. Une mission de pilotage stratégique du Comité permanent de coordination des inspections relevant du ministère de l’Agriculture (2004) et inscrit dans la loi d’orientation agricole de 2006, aboutira à substituer France Agrimer à l’ensemble des offices existants, sauf ceux propres à la Corse et à l’Outre-Mer. L’architecture originelle du nouvel établissement a été considérablement remaniée en 2019.
France Agrimer assure aujourd’hui ses missions via 3 délégations nationales, respectivement dédiées au marché vinicole (Libourne), à l’analyse des céréales (La Rochelle), aux plantes aromatiques et à parfum (Vox), ainsi que via les services territoriaux des directions régionales de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF). En 2019, la gouvernance établie en 2009 a été remaniée dans le sillage des États généraux de l’alimentation. Son conseil d’administration de 24 membres, placé sous la présidence d’un professionnel (Henri Brichart, agriculteur et 1er vice-président de la FNSEA, reconduit), réunit 4 représentants de l’État, le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, 2 parlementaires, 1 représentant des régions, 14 personnalités représentant la production (7), l’industrie, la distribution, les consommateurs, ainsi que les salariés des filières et de la structure.
Une nouvelle instance, le Conseil d’orientation (40 membres, dont 5 représentant de l’État, 6 d’organismes publics divers, 17 personnalités des secteurs de la production, de l’industrie, de la distribution) a vocation à débattre sur des sujets stratégiques, de proposer des orientations au CA, et de piloter le travail des conseils spécialisés par filières (7, co-présidés par des professionnels et des personnels de l’agence) qui doivent resserrer les liens avec les interprofessions, des commissions inter-filières (1 en 2019) et des comités de pilotage (4).
L’Agence de services et de paiements
Parallèlement, l’ACOFA cède sa place l’Agence unique de paiement (AUP, 2006), puis à l’Agence de service et de paiements (ASP, 2009). Le nouvel EPA a pour mission d’assurer le versement des aides directes découplées des productions toutes filières, la centralisation des données et la répartition des fonds entre les offices (missions issues de l’ACOFA/AUP), les aides aux aménagements des structures agricoles et à l’emploi.
Placée sous tutelle des ministères de l’Agriculture et de l’Emploi, l’ASP intervient notablement dans le domaine agricole (en lien avec la PAC), mais elle a aussi vocation à œuvrer au service d’autres ministères, établissements publics, collectivités territoriales, via notamment 17 directions régionales. Elle a pour mission clé «la gestion administrative et financière d'aides publiques» dont l’exécution des paiements, mais aussi l’assistance technique et administrative à la mise en œuvre de politiques publiques et leur évaluation.
Actuellement dirigée par Stéphane Le Moing, son Conseil d’administration comprend 21 membres dont 9 issus des établissements publics et organisations professionnels nommés par les ministres de tutelle.