Les interprofessions sont des institutions professionnelles réunissant l’ensemble des maillons d’une filière, de la production à la distribution agricole et agro-alimentaire. Elles contribuent notamment à la valorisation des productions sous label et à la certification des produits ou process. Leur création est libre, mais une validation par les pouvoirs publics est obligatoire. Elle a permis de faire valoir leur spécificité auprès de la communauté européenne.
La loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole (Ve République) institue la possibilité pour les ministères de l’Agriculture et de l’Économie et des Finances de reconnaître comme interprofession des «organismes constitués par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et, selon les cas, de la transformation, du négoce et de la distribution, représentant les divers intérêts en présence» dans la limite «d’une seule organisation par produit ou groupe de produits déterminés».
Une montée en puissance des coopérations entre producteurs, transformateurs, distributeurs depuis les années 1960
Si elle entérine nombre de structures déjà existantes, la loi de 1975 va donner un coup d’accélérateur à ces institutions professionnelles de filière. Faute de statut unique, il n’est pas facile, à vrai dire, d’identifier précisément l’origine et l’évolution du mouvement. Dans le secteur sucrier, une structuration se fait jour sous le Premier Empire pour contrebalancer le blocus maritime anglais. Une organisation professionnelle de la conchyliculture apparaît dans les années 1850. Dans le sillage d’un décret-loi du 30 janvier 1935 (IIIe République) relatif à la défense du marché des vins et au régime économique de l’alcool qui institue «une catégorie d’appellations d’origine dite “contrôlées”» (art. 21), le secteur de la viticulture voit se démultiplier les organismes de défense et promotion des productions: Conseil interprofessionnel des vins de Champagne (1941), Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (1948), Comité national interprofessionnel du Pineau des Charentes (1949), ou encore Conseil Interprofessionnel des vins de la Région de Bergerac (1953). Toutefois, la constitution d’interprofessions à proprement parler dans ce secteur n’intervient qu’à partir de 1999.
Les années 1960, sous l’effet notamment des lois accompagnant le développement et la modernisation de l‘agriculture (création des groupements agricoles, 1962), marquent une diversification sur de multiples filières : légumes (Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre, 1961); semences (Groupement national interprofessionnel des semences et des plants, 1962, devenu SEMAE en 2021); fromages et lait (Comité interprofessionnel de gestion du Comté, 1963; Comité interprofessionnel des fromages Cantal/Salers, 1965; Centre national interprofessionnel de l’économie laitière, 1973). Le paysage actuel des interprofessions est néanmoins constitué en grande partie de structures nées après 1975, dont la légitimité se conforte par la loi du 4 juillet 1980 étendant le champ d’application des accords interprofessionnels et affirme leur caractère obligatoire. La structuration et la diversification se traduisent par la création d’organisations telles que Interbev (1976, viande), Interfel (1976, fruits et légumes), Onidol (1978) puis Terres Univia (2015, semences), Inaporc (1982, viande), Anivit (1983) puis Anivin (2009, vins), Val’hor (horticulture, paysage, 1998), Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture (1998, aquaculture), France Bois Forêt (2004, bois et forêts).
La loin°91-411 du 2 mai 1991, très largement modifiée suite à l’ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010 créant un livre IX du code rural relatif à la pêche maritime et à l’aquaculture marine, établit par ailleurs un Comité national de la conchyliculture, en tant que «organisation interprofessionnelle des pêches maritimes et des élevages marins, à laquelle adhèrent obligatoirement les membres des professions qui, quel que soit leur statut, se livrent aux activités de production, de premier achat et de transformation des produits des pêches maritimes et des élevages marins» (art. 1).
Regroupant les acteurs de la filière volaille, l’Association nationale de la volaille de chair (ANVOL) a été reconnue par arrêté du 3 septembre 2018, qui stipule le retrait de la reconnaissance au Comité interprofessionnel de la dinde (Cidef) ainsi qu’au Comité interprofessionnel de la pintade française (CIPF). Depuis 2019 (arrêté du 15 avril), la filière des «produits de la ruche» dispose aussi, officiellement d'une structure interprofessionnelle, Interapi. Les années récentes ont vu en outre apparaître des structures de « marque » telles que l’Association pour la promotion de la volaille française (APVF, 2004), Sud de France (2006), l’Association des produits agricoles de France (APAF, 2017).
Dans le cadre des États généraux de l’alimentation, les pouvoirs publics ont incité les interprofessions à se mobiliser pour l’élaboration de contrats de filière assortis d’objectifs de restructuration interne en vue d’une montée en gamme des productions, d’une plus grande crise en compte de l’environnement, d’une meilleure répartition de la chaîne de valeurs, notamment en revalorisant les producteurs. Ces contrats sont signés avec le ministère de l’Agriculture.
Plus d’une soixantaine d’étendards de la « qualité » des productions agricoles
Il existe actuellement en France plus d’une soixantaine d’interprofessions agricoles, dont une majorité relève du secteur des vins, spiritueux et autres boissons. Elles se distribuent ensuite, par ordre d’importance entre secteurs: viandes et volailles, fruits et légumes, laits et fromages, semences et cultures diverses (lin, chanvre, huiles essentielles, horticulture…), bois et forêts, aquaculture, conchyliculture. Dans leur grande majorité, elles couvrent un périmètre national, mais une part importante correspond à des filières localisées: productions ultramarines (banane, rhum traditionnel, canne à sucre) et productions de terroir(AOC vins, fromages). La validation par les pouvoirs publics de l’organisation professionnelle implique une représentation des acteurs de l’amont à l’aval de la filière. Dans les interprofessions spécifiques, il n’est pas rare qu’elle fédère directement des entreprises.
Dans les générales, la fédération regroupe des syndicats voire des interprofessions. Jusqu’en 2012, seule parmi les grandes confédérations, la FNSEA y était représentée; désormais, les producteurs peuvent y être aussi représentés par la Confédération paysanne, la Coordination rurale, le Modef.
Un outil commun aux producteurs, transformateurs, fabricants, distributeurs, commerçants
Statutairement, l’interprofession est une personne morale de droit privé, généralement une association loi 1901. Le texte de 1975 a été actualisé par la loi d’orientation agricole de 1999 (n° 99-574 du 9 juillet 1979, chapitre III, art. 66 à 71) retranscrite dans les articles L. 632-1 et L. 632-2 du Code rural. Depuis 1993, le cadre juridique européen relatif à ce type de groupement est stabilisé (Règlement CE n°1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007, OCM unique). L’article L632-3 du Code rural autorise l’extension «des accords conclus dans le cadre d’une organisation interprofessionnelle reconnue» à «l’ensemble des membres des professions couvertes par le champ de l’interprofession». 14 critères d’extension sont reconnus par les pouvoirs publics, relatifs notamment à la compatibilité environnementale, l’amélioration de la qualité des produits ou process, des engagements supérieurs aux normes européennes. Un mode légal spécifique de financement leur est accordé par les pouvoirs publics par extension de l’accord interprofessionnel: la contribution volontaire obligatoire (CVO).
La gouvernance des associations est assurée par les représentants des organisations professionnelles ou entreprises adhérentes, avec une assemblée générale pour organe souverain et un exécutif assuré par un bureau et son président. S’il existe une certaine diversité dans leur modes d’intervention, l’interprofession se donne généralement pour objet de coordonner le dialogue interne formel (accords) ou plus informel, contribuer à l’amélioration de la production, notamment sur le plan de la qualité, en assurer la promotion au plan national voire international, assurer la représentation des acteurs auprès des pouvoirs publics. Obligation leur est néanmoins faite, contrepartie de l’obtention de l’OCM, de prendre en compte le consommateur, la protection de l’environnement.