1943: institution du Tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR)

C’est en lien avec le statut du fermage que les tribunaux paritaires des baux ruraux voient le jour dans les années 1940. Leur objet: traiter des litiges entre bailleurs et preneurs de bail en privilégiant la conciliation. Cette juridiction de 1er degré spécifique au secteur agricole intervient de manière temporaire, dans le ressort d’un tribunal d’instance, dont le président est aussi le président du TPBR.


C’est une loi du 4 septembre 1943 adoptée sous l’État français qui donne naissance à une institution judiciaire en charge des conflits entre bailleurs et preneurs de baux ruraux. Elle sera confirmée par le Gouvernement provisoire de la République, puis durablement codifiée par celle du 13 avril 1946 (IVe République) instituant le régime encore actuel des baux ruraux.

Desserrer l’étau de la rente foncière pour soutenir l’exploitation agricole

La création de ce qu’on appelle aussi «prud’homie agricole» était en germe depuis les années 1930: dès 1936, un projet de loi portant statut du fermage est envisagé, mais laissé sans suite. L’enjeu est de limiter la captation de la rente foncière par le propriétaire telle que permise par le Code civil napoléonien — celui-ci a toute latitude en matière de gestion foncière et culturale des biens loués, fixation des loyers, modalités de rupture du contrat — afin de soutenir l’exploitation agricole. Les organisations professionnelles agricoles trouveront ici l’appui de la puissance publique, qui légitime le caractère «d’ordre public» du statut du fermage, tout en ménageant la relation contractuelle au sein d’une juridiction composée de représentants des bailleurs et preneurs, assesseurs d’un magistrat professionnel, et qui prévoit une conciliation obligatoire des parties devant le juge.

Une instance mixte justice/parties prenantes du bail rural

Depuis la réforme judiciaire du 22 décembre 1958, le périmètre des TBPR recouvre celui des tribunaux d’instance. Leurs décisions peuvent faire l’objet d’un appel (auprès de la Cour d’appel territoriale, pour un litige d’un montant supérieur à 4000 euros). Ils ne siègent pas en permanence mais suivant un processus (modalités, délais) de saisine. Les assesseurs bénévoles, souvent issus souvent du militantisme professionnel, tant côté preneurs que bailleurs, ont longtemps été élus.

Cependant, la difficulté à mobiliser autant que le coût d’organisation des scrutins ont conduit à évoluer vers un modèle dit «d’échevinage», envisagé en 2014 (loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt), mais finalement concrétisé par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice (article L. 492-2, chapitre II du titre IX du livre IV du code rural) qui dispose qu’ils sont «désignés pour une durée de 6 ans par le premier président de la Cour d'appel, après avis du président du tribunal paritaire, sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal paritaire par l'autorité administrative sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées pour les preneurs non bailleurs ainsi que sur proposition, pour les bailleurs non preneurs, des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées et, le cas échéant, des organisations de propriétaires ruraux représentatives au plan départemental». Le président du tribunal n’intervient ici que pour départir.

Au concret le TBPR est compétent pour tous litiges portant sur le droit de préemption, la demande de révision du montant des fermages, la demande en résiliation d’un bail pour non paiement des fermages, mais pas pour un litige opposant preneur « sortant » et preneur « entrant ».

 

Principales sources et références
- Droits de propriété et d’usage sur la terre. Une étude statistique des recours contentieux en matière de fermage, Romain Melot, Agricultures, alimentations, territoires, n°342/juillet-août 2014; U ISSN: 0013-0559; accessible en ligne sur http://journals.openedition.org/economierurale/4402
- La constitution du tribunal paritaire des baux ruraux revue et corrigée par la loi « J21 »
M. Reverchon-Billot, Procédures 2017, n° 4, étude 21; accessible en ligne sur hal.archives-ouvertes.fr