1810: la profession d'avocat est dotée d'une institution ordinale

Les avocats sont l’une des plus anciennes professions à avoir bénéficié de la légitimité d’une institution ordinale. Elle s’incarne aujourd’hui dans un modèle spécifique dans le Conseil national des barreaux, l’Ordre des avocats au barreau de Paris et l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.


Un décret du 14 décembre 1810 (Premier Empire) complétant la loi du 13 mars 1804 (Consulat) rétablissant le tableau professionnel reconnaît l’ordre des avocats (art.33) et organise les conditions d’exercice de la profession.

Un corps professionnel légitimé sous contrôle étroit des pouvoirs publics

Historiquement, la corporation des avocats existe depuis le Moyen Âge, avec la création du Tableau (sous le règne de Philippe III le Hardi), se voit consolidée sous François Premier puis sous Louis XIV où elle évolue vers une institution ordinale incarnée par le « bâtonnier » et jouissant d’une réelle indépendance. Dans le moment même où elle réforme les institutions judiciaires et légitime la profession, l’Assemblée constituante (loi du 16 août-2 septembre 1790) supprime l’ordre, suivant la logique d’abolition des institutions professionnelles matérialisée par le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier d’une part, et du principe d’élection de la magistrature d’autre part. Elle substitue, parallèlement, le métier «d’avoué» à celui de procureur, ce qui en fait un officier ministériel exerçant en partie un rôle d’avocat sur le seul ressort des cours d’appels.

Les trois ordres des avocats

La légitimité d’une institution professionnelle des avocats est à nouveau reconnue sous le Consulat, avant un rétablissement de l’ordre que le régime impérial entend toutefois contrôler étroitement. À cette époque, l’Ordre est essentiellement adossé au barreau de Paris, même si le texte de 1810 prévoit un maillage correspondant aux cours impériales. La création de structures en province sera entérinée sous la monarchie (règne de Louis XVIII). C’est de la même période (1817) que date l’émergence d’un barreau spécifique aux professionnels exerçant au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui demeure indépendant de l’actuel Conseil national des barreaux

La tutelle des pouvoirs publics se desserre sous le règne de Louis Philippe, autorisant une gouvernance assurée par les professionnels eux-mêmes. Cette autonomie sera à nouveau restreinte sous le régime de Vichy, favorable aux institutions ordinales mais sous contrôle étroit des pouvoirs publics aggravé de mesures raciales. L’ordre républicain issu de la Résistance confirme sa légitimité et renforce un modèle spécifique d’autonomie: il existe en fait autant d’ordres que de barreaux, mais c’est le barreau qui jouit d’un plein statut juridique (personnalité civile); d’autre part, le second représente les avocats en exercice, tandis que le premier inclut l’ensemble de la profession. Depuis 1902, l’unification des pratiques des barreaux s’est concrétisée par la création d’une Conférence des bâtonniers, instance d’échange, de débat.

Le Conseil national des barreaux, instance de représentation nationale

C’est par la loi du 31 décembre 1971 (Ve République) qu’est institué à proprement parler un Conseil national des barreaux, auxquels seront désormais aussi rattachés les avoués. Le CNB est en charge de représenter la profession d'avocat auprès des pouvoirs publics, d’unifier les règles et usages, d’organiser la formation.La loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, principalement en lien avec l’adaptation de la réglementation européenne libérale Bolkestein (via l’accès à l’exercice professionnel pour les ressortissants d’autres pays, de nouvelles modèles de société d’exercice…)  élargit à nouveau le champ de la profession par l’intégration des conseils juridiques. Le CNB se voit attribuer un statut d’établissement d’utilité publique doté de la personnalité morale et l’organisation de sa gouvernance est actualisée.

Plus de 100000 professionnels inscrits dans 164 barreaux

Représentant près de 100000 professionnels, le Conseil national des barreaux est l’institution ordinale majeure du secteur des professions du droit. De même que pour les autres professions réglementées, le CNB est le garant d’une déontologie (Règlement intérieur national) soumise à approbation des pouvoirs publics. Il intègre à la fois l’Ordre des avocats au barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers dont les représentants sont membres de droit de son conseil d’administration. Le ressort territorial du CNB s’ordonne ainsi sur, d’une part l’ordre de Paris, et d’autre part sur 164 ordres locaux et leur juridiction disciplinaire, correspondant aux barreaux constitués en lien avec les tribunaux d’instance et assurant une mission de service public.

Le CNB est actuellement présidé par Julie Couturier, l’Ordre ses avocats au barreau de Paris par Marie-Aimée Peyron et la Conférence des bâtonniers par Bruno Blanquer. L’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, qui rassemble environ 120 professionnels, est présidé par Louis Boré. Depuis 1954, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) gère le régime de retraite autonome des avocats et des professionnels du conseil juridique.

 

Principales sources et références
«Décret impérial du 14 décembre 1810 contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat, et la discipline du barreau» publié au Bulletin des lois, 4e S., B. 332, n° 6177; Au Mémorial A n° 332 du 14 12 1810 ; site du Conseil national des barreaux
- « Bicentenaire du établissement de l’Ordre des avocats, 14 décembre 1810, son histoire», Jean-Gaston Moore, La Gazette du Palais, 1961, republié dans la revueAvocats et Droits, n°34
- « La profession libérale: un cas, le barreau»,  Lucien Karpik, in “Lieux de mémoire”, Quarto 3, 1997, 
ISBN 10: 2-07-074904-5
- Sites : CNB, Ordre des avocats au barreau de Paris, Conférence des bâtonniers, Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation