A l’étude depuis plusieurs mois, la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs entrera en vigueur à compter de 2022. Les pouvoirs publics ont consenti des aménagements, suite aux protestations de multiples organisations professionnelles de la construction, des services énergétiques, de l’habitat, inquiètes de nouvelles exigences alors que la crise sanitaire a freiné l'activité de leurs affiliés. Les questions de méthode (analyse du cycle de vie), comme de contenu (estimation réelle des «surcoûts», pour les professionnels comme pour les particuliers) continuent néanmoins à faire débat.
Le report de l’entrée en vigueur satisfait partiellement les professionnels
Le Mouvement des entreprises de France prend note «des ajustements déjà opérés», tout en rappelant la nécessité d’une «clause de revoyure (…), permettant d’apprécier l’efficacité et les impacts de cette réglementation», mais aussi qu’elle se «se fonde sur des méthodes de calcul partagées par tous et cohérentes avec les normes européennes». Pour le Medef, il ne faut pas négliger «un retour rapide et durable à un niveau plus élevé de construction de logements», ni «une répartition équitable des coûts additionnels du logement».
L’ajustement du texte, présenté le 19 février 2021, par le Gouvernement, a été apprécié par la Confédération de l'artisanat, la Fédération nationale du bâtiment et son Pôle habitat, la Fédération des Scops BTP, la Fédération des promoteurs immobiliers, l'Union sociale pour l'habitat, l'Union des syndicats d'architectes, l'Union des économistes de la construction. Les syndicat professionnels «saluent les avancées, fruit des nombreux échanges de la filière avec l’Administration et les cabinets (des ministres-NDLR)», à savoir: «le décalage de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2022, la modification des échéances suivantes (…) et la consolidation d’une clause de revoyure récurrente»; «la mise en place d’un observatoire national qui permettra un véritable retour d’expérience»; la non-exclusion de la «filière gaz»; «l’annonce par la ministre d’une prochaine présentation des textes règlementaires ainsi modifiés au CSCEE (Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique-NDLR).
Pour autant, ces «avancées» ne lèvent pas toutes les inquiétudes. Les organisations professionnelles souhaitent qu'«une analyse soit menée pour évaluer les surcoûts de construction imposés par la nouvelle réglementation et que la méthode (de-NDLR) ACV (analyse du cycle de vie-NDLR)… dite simplifiée pour être intégrée dans la réglementation» s'appuie sur «une procédure de normalisation à l’échelle européenne». Pour l’USH «des garanties (…) sur la mise en adéquation des seuils de prise en compte de l’impact carbone tant des infrastructures et que des parkings en sous-sol», a fortiori «quand les élévations sont en matériaux bio-sourcés», doivent être apportées. L’Union demande aussi «une analyse (…) pour évaluer les surcoûts de construction», et de «prévoir à court terme une évolution nécessaire des financements existants».
Du côté de la Fédération française du bâtiment, on salue aussi le principe de «clause de revoyure “au fil de l’eau”, qui permettra, en fonction des retours terrain recensés dans un observatoire ad hoc, d’adapter les exigences». Mais on rappelle que «certaines exigences (…) restent inatteignables avec les technologies actuelles et nécessitent de fortes évolutions de tous les métiers du bâtiment et dans l’industrie». Pour la FFB, il faut, plus ponctuellement, «que les travaux pour la prise en compte du gaz vert se poursuivent».
Conjuguer l'enjeu environnemental et la relance de l'activité
Une réglementation dont les surcoûts pèsent sur la production de logement et la relance de l’activité
La question des surcoûts et de son impact sur la production de logements et la reprise de l’activité est évoquée par le Pôle habitat de la FFB, l'antenne régionale Pays-de-Loire de la fédération ainsi que celle de la Fédération des promoteurs immobiliers. Et de préciser que «la construction d’un logement induit la création ou le maintien près de 2 emplois dans la filière», d’où leur demande de «l’intégration de cette conjoncture très dégradée dans les réflexions en cours sur la réglementation environnementale des bâtiments neufs (RE 2020) et la lutte contre l’artificialisation (ZAN)». Les organisations plaident, en urgence, pour «un crédit d’impôt de 50% sur les annuités d’emprunt pendant 5 ans», et pour «majorer de moitié la réduction d’impôt en “Pinel”», afin de compenser les surcoûts de la réglementation. Pour la FFB Pôle habitat, il est également nécessaire de «simplifier et accélérer les procédures d’urbanisme», «un permis de construire déclaratif sur le périmètre d’opérations (…) sous permis d’aménager ou en zones d’aménagement concerté».
L’avantage donné aux matériaux bio-sourcés fragilise la décarbonation des autres filières matériaux
Une autre inquiétude concerne la primauté accordée aux matériaux biosourcés et énergies renouvelables. C’est ce que rappelle un collectif professionnel, qui réunit un spectre large de la filière matériaux de construction (A3M, Aluminium France, Fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées, Fédération des tuiles et briques, Filière Béton, Syndicat de la construction métallique, Syndicat national de la filière aluminium, Union Plasturgie Bâtiment). Les organisations auraient préféré une «méthodologie d’ACV (analyse du cycle de vie-NDLR) normée», à «l'approche dynamique simplifiée» défendue par les pouvoirs publics, dont ils soulignent les impacts négatifs: «frein aux engagements pris et aux nombreux projets d’investissements déjà en cours pour décarboner les secteurs industriels», «risque de délocalisation (…) de nombreuses entreprises (…) totale contradiction avec le plan de relance».
De plus, «l’avantage artificiellement donné pour favoriser les produits bio-sourcés (…) au détriment d’une réflexion de fond relative à la conception des bâtiments, aux modes constructifs ou au mix matériau» n'est pas compatible avec les règles européennes concernant les «distorsions de concurrence entre produits». Le syndicat professionnel de la maintenance et des services énergétiques (Synasav) avait, de son côté, plaidé la nécessité de ne pas sacrifier la filière gaz (chaudières THPE), ce que le nouveau texte prévu par le Gouvernement intègre quelque peu.
Communiqué Medef – 22 février 2021
Communiqué commun Capeb, FNB, FNB Pôle habitat, FPI, USH, Unsfa, Untec – 19 février 2021
Communiqué USH; Communiqué FFB; Communiqué commun A3M, Aluminium France, FILMM, FFTB, Filière Béton, SCFM, SNFA, UPB – 18 février 2021
Communiqué FFB Pôle Habitat – 17 février 2021
Communiqué commun Pôle habitat FFB, FFB PDL, FPI PDL – 16 février 2021
Communiqué Synasav – 12 février 2021