Précisée par deux règlements d’administration publique du 16 août, la loi du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association reste le socle sur lesquels repose le fonctionnement actuel des associations. Elle favorise le développement des institutions professionnelles tout en limitant leur capacité juridique. Elle est présentée ici dans la version originale du texte et dans son intégralité.
NOTA
Législation de la IIIe République, VIIe législature, présidence de la République d’Émile Loubet; présidence du conseil : Pierre Waldeck-Rousseau. Le 1er juillet 1901, Pierre Waldeck-Rousseau fait adopter, au terme d’une longue bataille parlementaire, la loi «relative au contrat d’association». La Constitution de 1848 avait autorisé la création d’associations, mais l’avait de nouveau interdite un an après. Les lois Ollivier (1864), sur les sociétés ouvrières de production (1867), les sociétés de secours mutuel (1898), sans oublier la loi de 1884 sur les syndicats portée également par Pierre Waldeck-Rousseau avaient amorcé l’évolution vers la liberté et le droit d’association. La loi de 1901 a été précisée par un règlement d’administration publique en date du 16 août 1901, précisant les dispositions des articles 18 et 20, ainsi que deux arrêtés ministériels des 1er juillet et 24 septembre 1901.
S’il s’agit bien d’accompagner l’évolution de la société, le texte est clairement politique et témoin de l’affrontement entre la République et le clergé: la loi permet l’association mais limite strictement la congrégation (Titre III, art. 15 à 18). D’autre part, conformément à l’esprit jacobin, la capacité morale qui leur est reconnue (art. 6) est contrebalancée par la limitation de leur capacité juridique. Étant reconnue la liberté d’association dans le cadre d’un contrat de droit privé et posé le principe de la non-lucrativité (art. 2), le texte institue trois types d’association, disposant d’une capacité plus étendue en contrepartie d’un contrôle plus étendu de la puissance publique : l’association courante par simple accord des parties (art. 2), l’association déclarée (art. 6), l’association reconnue d’utilité publique (art. 10). C’est sur des modalités plus précises relatives à ces deux derniers type que porte le décret du 16 août.
Des abrogations, ajouts (article 9 bis, article 21 bis, articles 22 à 35 actuels), modifications ont été successivement apportées au texte initial par diverses lois (10 septembre 1989, 22 mars 2012, 31 juillet 2014), ordonnances ou décrets. En 1983 (décret du 25 février) est créé un Conseil national de la vie associative, remplacé au titre du décret du 28 juin 2011 par le Haut conseil de la vie associative, instance de consultation placée auprès du Premier ministre en vue «d’enrichir le dialogue entre les pouvoirs publics et les associations et d’améliorer la pertinence des mesures prises par les pouvoirs publics» et qui inclut 25 représentants du monde associatif. Le modèle de l'association est fréquemment utilisé par des institutions professionnelles, notamment paritaires.
Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association (1)
Titre 1er
Article 1 (2)
L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.
Article 2
Les associations de personnes se forment librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l’article 5.
Article 3
Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national, et à la forme républicaine du Gouvernement, est nulle et de nul effet.
Article 4
Tout membre d’une association peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.
Article 5
Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs. La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l’arrondissement où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de cinq jours. Deux exemplaires des statuts seront joints à la déclaration.
Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts. Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils auront été déclarés. Les modifications et changements seront en outre consignés sur un registre spécial qui devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires chaque fois qu’elles en feront la demande.
Article 6
Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’État, des départements et des communes :
1° Les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été rédimées, ces sommes ne pouvant être supérieures à 500 francs ;
2° Le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres ;
3° Les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elle se propose.
Article 7
En cas de nullité prévue par l’article 3, la dissolution de l’association sera prononcée par le tribunal civil, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public. En cas d’infraction aux dispositions de l’article 5, la dissolution pourra être prononcée à la requête de tout intéressé ou du ministère public.
Article 8
Seront punis d’une amende de 16 à 200 francs et en cas de récidive, d’une amende double, ceux qui auront contrevenu aux dispositions de l’article 5. Seront punis d’une amende de 16 à 5000 francs et d’un emprisonnement de six jours à un an, les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution. Seront punies de la même peine, toutes les personnes qui auront favorisé la réunion des membres de l’association dissoute en consentant l’usage d’un local dont elles disposent.
Article 9
En cas de dissolution volontaire, statutaire ou prononcée par justice, les biens de l’association seront dévolus conformément aux statuts ou, à défaut de disposition statutaire, suivant les règles déterminées en assemblée générale.
Titre II
Article 10
Les associations peuvent être reconnues d’utilité publique par décrets rendus en la forme des règlements d’administration publique.
Article 11
Ces associations peuvent faire tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par leurs statuts, mais elles ne peuvent posséder ou acquérir d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elles se proposent. Toutes les valeurs mobilières d’une association doivent être placées en titres nominatifs. Elles peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions prévues par l’article 910 du Code civil et l’article 54 de la loi du 4 février 1901. Les immeubles compris dans un acte de donation ou dans une disposition testamentaire qui ne seraient pas nécessaires au fonctionnement de l’association sont aliénés dans les délais et dans la forme prescrits parle décret ou l’arrêté qui autorise l’acceptation de la libéralité ; le prix en est versé à la caisse de l’association. Elles ne peuvent accepter une donation mobilière ou immobilière avec réserve d’usufruit au profit du donateur.
Article 12
Les associations composées en majeure partie d’étrangers, celles ayant des administrateurs étrangers ou leur siège à l’étranger, et dont les agissements seraient de nature soit à fausser les conditions normales du marché des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, dans les conditions prévues par les articles 75 à 101 du Code pénal, pourront être dissoutes par décret du Président de la République rendu en conseil des ministres. Les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le décret de dissolution seront punis des peines portées par l’article 8, paragraphe 2.
Titre III
Article 13
Aucune congrégation religieuse ne peut se former sans une autorisation donnée par une loi qui déterminera les conditions de son fonctionnement. Elle ne pourra fonder aucun nouvel établissement qu’en vertu d’un décret rendu en Conseil d’État. La dissolution de la congrégation ou la fermeture de tout établissement pourront être prononcées par décret rendu en conseil des ministres.
Article 14
Nul n’est admis à diriger, soit directement, soit par personne interposée, un établissement d’enseignement, de quelque ordre qu’il soit, ni à y donner l’enseignement, s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée. Les contrevenants seront punis des peines prévues par l’article 8, paragraphe 2. La fermeture de l’établissement pourra en outre être prononcée par le jugement de condamnation.
Article 15
Toute congrégation religieuse tient un état de ses recettes et dépenses ; elle dresse chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de ses biens meubles et immeubles. La liste complète de ses membres, mentionnant leur nom de famille, ainsi que le nom sous lequel ils sont désignés dans la congrégation, leur nationalité, âge et lieu de naissance, la date de leur entrée, doit se trouver au siège de la congrégation. Celle-ci est tenue de représenter sans déplacement, sur toute réquisition du préfet à lui-même ou à son délégué, les comptes, états et listes ci-dessus indiqués. Seront punis des peines portées au paragraphe 2 de l’article 8 les représentants ou directeurs d’une congrégation qui auront fait des communications mensongères ou refusé d’obtempérer aux réquisitions du préfet dans les cas prévus par le présent article.
Article 16
Toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite. Ceux qui en auront fait partie seront punis des peines édictées à l’article 8, paragraphe 2. La peine applicable aux fondateurs ou administrateurs sera portée au double.
Article 17
Sont nuls tous actes entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accomplis soit directement soit par personne interposée, ou toute autre voie indirecte, ayant pour objet de permettre aux associations légalement ou illégalement formées de se soustraire aux dispositions des articles 2, 6, 9, 11, 13, 14 et 16. Sont légalement présumées personnes interposées au profit des congrégations religieuses, mais sous réserve de la preuve contraire :
1° Les associés à qui ont été consenties des ventes ou fait des dons ou legs, à moins, s’il s’agit de dons ou legs, que le bénéficiaire ne soit l’héritier en ligne directe du disposant ;
2° L’associé ou la société civile ou commerciale composée en tout ou partie de membres de la congrégation, propriétaire de tout immeuble occupé par l’association ;
3° Le propriétaire de tout immeuble occupé par l’association, après qu’elle aura été déclarée illicite.
La nullité pourra être prononcée, soit à la diligence du ministère public, soit à la requête de tout intéressé.
Article 18
Les congrégations existantes au moment de la promulgation de la présente loi qui n’auraient pas été antérieurement autorisées ou reconnues, devront, dans le délai de trois mois, justifier qu’elles ont fait les diligences nécessaires pour se conformer à ses prescriptions. À défaut de cette justification, elles sont réputées dissoutes de plein droit. Il en sera de même des congrégations auxquelles l’autorisation aura été refusée. La liquidation des biens détenus par elles aura lieu en justice. Le tribunal, à la requête du ministère public, nommera pour y procéder un liquidateur qui aura, pendant toute la durée de la liquidation, tous les pouvoirs d’un administrateur séquestre. Le jugement ordonnant la liquidation sera rendu public dans les formes prescrites par les annonces légales.
Les biens et valeurs appartenant aux membres de la congrégation antérieurement à leur entrée dans la congrégation ou qui leur seraient échus depuis, soit par succession ab intestat en ligne directe ou collatérale, soit par donation ou legs en ligne directe, leur seront restitués. Les dons et legs qui leur auraient été faits autrement qu’en ligne directe pourront être également revendiqués, mais à charge par les bénéficiaires de faire la preuve qu’ils n’ont pas été les personnes interposées prévues par l’article 17. Les biens et valeurs acquis à titre gratuit et qui n’auraient pas été spécialement affectés par l’acte de libéralité à une œuvre d’assistance pourront être revendiqués par le donateur, ses héritiers ou ayants droit, ou par les héritiers ou ayants droit du testateur, sans qu’il puisse leur être opposé aucune prescription pour le temps écoulé avant le jugement prononçant la liquidation. Si les biens et valeurs ont été donnés ou légués en vue de gratifier non les congréganistes, mais de pourvoir à une œuvre d’assistance, ils ne pourront être revendiqués qu’à charge de pourvoir à l’accomplissement du but assigné à la libéralité.
Toute action en reprise ou revendication devra, à peine de forclusion, être formée contre le liquidateur dans le délai de six mois à partir de la publication du jugement. Les jugements rendus contradictoirement avec le liquidateur, et ayant acquis l’autorité de la chose jugée, sont opposables à tous les intéressés. Passé le délai de six mois, le liquidateur procédera à la vente en justice de tous les immeubles qui n’auraient pas été revendiqués ou qui ne seraient pas affectés à une œuvre d’assistance. Le produit de la vente, ainsi que toutes les valeurs mobilières, sera déposé à la Caisse des dépôts et consignations. L’entretien des pauvres hospitalisés sera, jusqu’à l’achèvement de la liquidation, considéré comme frais privilégiés de liquidation. S’il n’y a pas de contestation ou lorsque toutes les actions formées dans le délai prescrit auront été jugées, l’actif net est réparti entre les ayants droit. Le règlement d’administration publique, visé par l’article 20 de la présente loi déterminera, sur l’actif resté libre après le prélèvement ci-dessus prévu, l’allocation, en capital ou sous forme de rente viagère, qui sera attribuée aux membres de la congrégation dissoute qui n’auraient pas de moyens d’existence assurés ou qui justifieraient avoir contribué à l’acquisition des valeurs mises en distribution par le produit de leur travail personnel.
Article 19
Les dispositions de l’article 463 du Code pénal sont applicables aux délits prévus par la présente loi.
Article 20
Un règlement d’administration publique déterminera les mesures propres à assurer l’exécution de la présente loi.
Article 21
Sont abrogés les articles 291, 292, 293 du Code pénal, ainsi que les dispositions de l’article 294 du même code relatives aux associations ; l’article 20 de l’ordonnance du 5-8 juillet 1820 ; la loi du 10 avril 1834 ; l’article 13 du décret du 28 juillet 1848 ; l’article 7 de la loi du 30 juin 1881 ; la loi du 14 mars 1872 ; le paragraphe 2, article 2, de la loi du 24 mai 1825 ; le décret du 31 janvier 1852 et, généralement, toutes les dispositions contraires à la présente loi. Il n’est en rien dérogé pour l’avenir aux lois spéciales relatives aux syndicats professionnels, aux sociétés de commerce et aux sociétés de secours mutuels.
Émile Loubet,
Par le Président de la République,
Le Président du conseil, ministre de l’intérieur et des cultes, Waldeck-Rousseau.
Sources et références
1) «Loi relative au contrat d’association. Texte de la loi du 1er juillet 1901, arrêté ministériel du 1er juillet 1901, règlement d’administration publique du 16 août 1901, circulaire de M. Le Garde des Sceaux du 24 septembre», imprimerie Lebon, 1901. Accessible sur BNF Gallica ; «Rapport public 2000 : jurisprudence et avis de 1999 : Les associations et la loi de 1901, cent ans après», Conseil d’État accessible sur la bibliothèque des rapports publics, La documentation française.
2) Le texte original ne comprend pas la mention «article». L’orthotypographie a été actualisée suivant des règles ultérieures à la publication originale. Et le paragraphage a été adapté.