1936: les Accords de Matignon instaurent le dialogue social

Les accords de Matignon signés le 7 juin 1936 et complétés par plusieurs lois du gouvernement de Front populaire constituent un épisode de référence dans la législation du travail en France. Ils marquent aussi le premier tour de table de négociation nationale collective interprofessionnelle entre patronat et syndicats. Le texte est présenté ici dans sa version originale intégrale.

 

NOTA


IIIe République, XVIe législature, sous la présidence de la République d’Albert Lebrun. Léon Blum, président du Conseil. Ces accords sont conclus sous l’arbitrage du gouvernement Blum (Front populaire) le 7 juin 1936, entre la Confédération générale de la production française (CGPF), créée en mars 1919 à l’initiative du ministre du Commerce et de l’Artisanat Étienne Clémentel et dirigée alors par René-Paul Duchemin, et la Confédération générale du travail (CGT) réunifiée, alors dirigée par Léon Jouhaux et Benoît Frachon. Ils marquent la première grande négociation nationale entre institutions professionnelles de défense du patronat et du salariat.  Inscrits dans la suite d’un mouvement de grève générale consécutif à l’accession au pouvoir des forces de gauche, ils prévoient la généralisation des conventions collectives, la création des délégués du personnel et une augmentation de 12% des salaires, ainsi que la non-sanction des grévistes. Plusieurs lois viennent les compléter : sur les conventions collectives (11 juin 1936), sur l'octroi de quinze jours de congés payés (loi du 20 juin 1936) par l'entreprise sans diminution de salaire, sur la semaine de 40 heures (loi du 21 juin 1936).

Les accords de Matignon - 7 juin 1936 (1)

«Les délégués de la Confédération générale de la production française et de la CGT se sont réunis sous la présidence de Monsieur le Président du conseil, et ont conclu l’accord ci-après, après arbitrage de Monsieur le Président du conseil:

Article 1 (2)

La délégation patronale admet l’établissement immédiat de contrats collectifs de travail.

Article 2

Ces contrats devront comprendre notamment les articles 3 à 5 ci-après.

Article 3

L’observation des lois s’imposant à tous les citoyens, les employeurs reconnaissent la liberté d’opinion, ainsi que le droit pour les travailleurs d’adhérer librement et d’appartenir à un syndicat professionnel constitué en vertu du Livre III du Code du travail. Les employeurs s’engagent à ne pas prendre en considération le fait d’appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat pour arrêter leurs décisions en ce qui concerne l’embauchage, la conduite ou la répartition du travail, les mesures de discipline ou de congédiement (…).

Article 4

Les salaires réels pratiqués pour tous les ouvriers à la date du 25 mai 1936 seront, du jour de la reprise du travail, rajustés suivant une échelle décroissante commençant à 15 % pour les salaires les moins élevés pour arriver à 7% pour les salaires les plus élevés, le total des salaires de chaque établissement ne devant, en aucun cas, être augmenté de plus de 12% (…).

Article 5

En dehors des cas particuliers déjà réglés par la loi, dans chaque établissement comprenant plus de dix ouvriers, après accord entre organisations syndicales, ou, à défaut, entre les intéressés, il sera institué deux ou plusieurs délégués ouvriers selon l’importance de l’établissement. Ces délégués ont qualité pour présenter à la direction les réclamations individuelles qui n’auraient pas été directement satisfaites, visant l’application des lois, décrets, règlements du code du travail, des tarifs de salaires, et des mesures d’hygiène et de sécurité (…)

Article 6

La délégation patronale s’engage à ce qu’il ne soit pris aucune sanction pour faits de grève.

Article 7

La délégation confédérale ouvrière demande aux travailleurs en grève de décider la reprise du travail dès que les directions des établissements auront accepté l’accord général intervenu et dès que les pourparlers relatifs à son application auront été engagés entre les directions et le personnel des établissements.»

 

Sources et références
1) Texte au format pdf disponible sur le site http://travail-emploi.gouv.fr ; encyclopédies en ligne Larousse, Universalis
2) Le texte original ne comprend pas la mention «article». L’orthotypographie a été adaptée.