1953: le 1% logement, aujourd'hui Action Logement Services, se généralise

Un décret du 9 août 1953 généralise la participation des entreprises à l'effort de construction. Inspiré d'initiatives volontaristes du patronat et des syndicats au Nord de la France. Le 1% Logement, devenu Action Logement en 2015, n'en demeure pas moins un organisme paritaire original.


NOTA

Législation de la IVe République - Sous la présidence de René Coty – Gouvernement de Joseph Laniel – 2e législature Assemblée nationale. Le texte s’inspire de l’expérience développée à partir de 1943 par les sydnciats d'employeurs et de salariés du Nord de la France, sous l’impulsion d’Albert Prouvost, patron de la Lainière de Roubaix, et consistant à faire participer les entreprises locales à la construction de logements populaires à l'usage prioritairement des salariés.

Ce principe de participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) sera généralisé et rendu obligatoire (art. 1) afin de permettre de faire face à la pénurie de logements, tout en ménageant «la plus grande liberté (pour les entreprises–NDLR) pour utiliser sous la forme de leur choix, si elles le désirent, sur le plan local, les sommes qu’elles doivent consacrer au logement» (énoncées dans l'art. 2) et en l'adossant à des contreparties fiscales. De même, le texte ne précise pas de qui relèvera sa gestion, paritaire de fait au sein des comités interprofessionnels du logement (CIL).

Le dispositif continue actuellement à s’appuyer sur le paritarisme, même si l'institution professionnelle a fait l'object de plusieurs réformes, dont notamment celle instituant, en 1997, l’Union économique et sociale pour le logement (UESL, société anonyme coopérative à capital variable). En 1998, une convention quinquennale est signée entre les ministères du Logement et du Budget et l’UESL, représentant les collecteurs, pour acter l'articulation à la politique de rénovation urbaine, l'extension des aides de la PEEC à des employés d’entreprises non assujetties. En 2015, les partenaires sociaux procèdent à une réforme du 1% logement, qui aboutit en 2017 à la création d’un organisme unique, Action Logement Services, qui regroupe l’ensemble des comités interprofessionnels pour le logement (CIL) sous une marque commune.



Décret du 9
août 1953 relatif à la participation des employeurs
à l’effort de construction (1)


Le Président du conseil des ministres,

Sur le rapport du ministre des Finances et des Affaires économiques et du ministre de la Reconstruction et du Logement.

Vu la loi n°53-611 du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, et notamment ses articles7 et9, ensemble la loi n°53-633 du 25juillet 1953 portant aménagements fiscaux et notamment son article24,

Le Conseil d’État entendu,

Le conseil des ministres entendu,

Décrète:

Article 1er

Les employeurs exerçant une activité industrielle ou commerciale, et occupant au minimum 10 salariés, doivent investir annuellement dans la construction de logements, des sommes représentant 1 pour 100 au moins du montant, entendu au sens de l’article 231 du Code des impôts, des salaires payés par eux au cours de l’exercice écoulé. Les employeurs qui, au moyen de leurs ressources propres, à l’exclusion d’indemnités de dommages de guerre, auront investi au cours d’un exercice, postérieurement à l’exercice 1948, une somme supérieure à celle prévue à l’alinéa précédent, pourront reporter l’excédent sur les exercices postérieurs à l’entrée en vigueur du présent décret.

Article 2

Les investissements prévus à l’article précédent peuvent consister:
- Soit en travaux de construction effectués directement par les employeurs, ces constructions ne devant pas excéder les normes prévues pour les logements économiques et familiaux ou les habitations à loyer modéré, et ne devant pas être utilisés comme résidences secondaires. Dans les travaux de construction, sont compris les achats de terrain, la construction devant intervenir dans un délai de trois ans;
- Soit en versements à fonds perdus de cotisations à des groupements poursuivant, sans but lucratif, la construction de logements;
- Soit en une participation sous formes de prêts, de subventions ou de souscriptions d’actions ou d’obligations, aux opérations de construction effectuées par les organismes d’habitation à loyer modéré, par des groupements à caractères désintéressé ou des sociétés civiles immobilières dont les statuts prévoient le réinvestissement des bénéfices dans la construction de logements, la rémunération des capitaux engagés étant limitée à 6 p. 100 et les titres étant incessibles durant dix ans ;
- Soit en versements aux chambres de commerce ou en participation aux opérations faites par celles-ci en vue de constructions ne devant pas excéder les normes prévues pour les logements économiques et familiaux ou les habitations à loyer modéré ;
- Soit en subventions ou prêts destinés à compléter ceux accordés à leurs salariés par des sociétés de crédit immobilier ou par le Crédit foncier de France, à condition que les prêts complémentaires ne soient pas remboursables dans un délai inférieur à dix ans ;
- Soit en versements au fonds de construction, d’équipement rural et d’expansion économique prévu à l’article 9 de la loi du 11 juillet 1953.
- Soit sous toute autre forme fixée par arrêté conjoint du ministre de la Reconstruction et du Logement et du ministre des Finances et des Affaires économiques.

Article3

Les employeurs qui, dans le délai d’un an à compter de la clôture de chaque exercice, n’auront pas procédé aux investissements prévus aux articles1 et2 du présent décret, seront, dans la mesure où ils n’auront pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 p.100 calculée sur les bases fixées à l’article 1er, et dont le produit sera affecté au fonds de reconstruction, d’équipement rural et d’expansion économique. Cette cotisation sera établie et recouvrée comme en matière de contributions directes.

Article4

Les réclamations seront présentées, instruites et jugées comme en matière d’impôts directs et de taxes assimilées, après avis du représentant local du ministre de la Reconstruction et du Logement.

Les agents des administrations financières ayant, au moins grade d’inspecteur adjoint ou de contrôleur, et les agents du ministère de la Reconstruction et du Logement de grade équivalent, peuvent exiger des employeurs, et le cas échéant, des organismes bénéficiaires des investissements, justification qu’il a été satisfait aux obligations imposées par le présent décret. Ces agents sont astreints au secret professionnel dans les conditions et sous les réserves fixées au Code des impôts.

Article5

Le présent décret prendra effet, en ce qui concerne les investissements visés à l’article 1er, à compter du 1erseptembre 1953, et pour la première fois, pour la période comprise entre cette date et la fin de l’exercice en cours à ladite date.

Article6

Un règlement d’administration publique pris sur le rapport du ministre des Finances et des Affaires économiques, du ministre de la Reconstruction et du Logement, et des ministres intéressés, fixera, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent décret, notamment en ce qui concerne les entreprises nationalisées.

Article7

Le ministre de la Reconstruction et du Logement et le ministre des Finances et des Affaires économiques sont chargés de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 9août 1953,

Joseph Laniel,

Par le Président du conseil des ministres:

Le ministre des Finances et des Affaires économiques, Edgar Faure.

Le ministre de la Reconstruction et du Logement, Maurice Lemaire.

Le secrétaire d’État au Budget, Henri Ulver.


Sources et références
1) Légifrance, fac-similé du Journal officiel du 10
août 1953, pp. 7041 : texte de loi et exposé des motifs Loi no 96-1237 du 30 décembre 1996 relative à l'Union d'économie sociale du logement, accessible sur le site de Légifrance; site d'Action Logement Groupe.
2) Le texte original ne comprend pas la mention «article». Le paragraphage, l’orthotypographie, ont été adaptés suivant des règles ultérieures à la publication originale.