Les confédérations syndicales de salariés majeures saluent la décision du Conseil d'État d’obliger le Gouvernement à suspendre la réforme de l’assurance-chômage. Ils continuent néanmoins à mobiliser pour son abandon.
La saisine du Conseil d'État par les syndicats était intervenue suite à l'actualisation du projet de réforme (décret du 30 mars 2021) visant à faire entrer plusieurs de ses dispositions en vigueur, après la suspension décidée durant la première année de la crise sanitaire. Mais dès l'origine, la quasi-totalité des syndicats de salariés s'était opposée au texte, demandant son abandon. Si plusieurs organisations patronales avaient manifesté leurs réserves, notamment sur la question de la pénalisation des contrats courts, elles n'avaient pas fait le choix d'en appeller à la Justice et n'ont pas réagi à la décision de la juridiction.
Le désaveu courageux d’une réforme «mal calibrée» et comportant des «ruptures d'égalité»
Quoiqu'il en soit, le Conseil d'État (22 juin 2021) s’est plus particulièrement prononcé, au vu des «incertitudes économique», sur les dispositions portant révision de l’indemnisation des demandeurs d’emplois (ARE, salaire journalier de référence…) au regard notamment de l’application du «bonus-malus sur les contrats courts». Elle répond donc favorablement à la saisine déposée par l’ensemble des confédérations interprofessionnelles.
Pour la CFDT «cette suspension sonne comme un désaveu pour une réforme mal calibrée». Elle rappelle donc que «l’accord conclu entre organisations syndicales et patronales en 2017 demeure donc d’actualité» et que «dans l’attente de la décision du Conseil d’État sur le fond qui interviendra dans plusieurs mois», elle «demeure mobilisée et continuera d’illustrer concrètement les conséquences néfastes de ces mesures».
La CGT se réjouit d’un «jugement courageux (qui-NDLR) fait apparaître au grand jour la supercherie: la réforme a pour but de faire de violentes économies sur le dos des travailleuses et travailleurs précaires, tout en rendant encore plus malléable et disponible une main-d’œuvre, très jeune, servant d’armée de réserve au patronat», considérant que «les éléments complémentaires fournis par le Gouvernement pour retarder l’échéance de quelques jours n’ont apporté aucun éclairage».
La juridiction, ajoute la CGT, «relève les profondes ruptures d’égalité que nous avions mises en lumière, notamment grâce aux travaux de Mathieu Grégoire et de l’Unédic». Espérant que «la censure du changement de calcul, (soit-NDLR) confirmée à l’audience jugeant sur le fond», la CGT continuera à mobiliser pour «pour empêcher définitivement l’application de la réforme de l’assurance chômage» et pour «construire une sécurité sociale professionnelle».
Pour un abandon de la réforme et le retour à une concertation avec les partenaires sociaux
Force ouvrière salue également la décision du Conseil d'État, conforme à son analyse selon laquelle «réduire les droits des demandeurs d’emploi, a fortiori ceux, souvent celles, subissant les emplois précaires, ne résoudra en rien cette situation mais se limite à rechercher des économies sur les demandeurs d’emplois en s’exonérant de lutter contre les contrats courts». Et d’indiquer qu’elle «porte un système de “bonus-malus” qui permettrait à la fois de combattre les abus de contrats courts et de réduire les dépenses qu’ils induisent pour l’assurance chômage». Pour FO, «l’abandon définitif de cette réforme, tant sur le calcul du SJR que sur l’entrée dans les droits et sur le rechargement des droits, ainsi que sur la dégressivité», s’impose.
Pour l’Unsa, «le Conseil d’État considère qu’il y a bien “erreur manifeste d’appréciation”, en raison du décalage entre l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul du SJR prévu le 1er juillet prochain et l’application effective du bonus-malus pour les entreprises le 1er septembre 2022». Dans l’attente du jugement sur le fond, l’union «demande au gouvernement une clause de revoyure avec les partenaires sociaux pour stopper cette réforme».
La CFE-CGC «prend acte de cette décision qui s’inscrit dans la lignée du premier délibéré du Conseil d’État (…), et ne peut que se féliciter de cette décision qui conforte nos analyses». Jugeant que «l’absence de concertation dans l’édiction de cette réforme ne pouvait que mener à un échec de son application», la confédération de l’encadrement insiste sur le fait qu'elle «préconise une cotisation de 20% pour tout contrat de moins d’une semaine. Car, à défaut de pouvoir réguler le volume, cela règlera le problème d’équilibre du régime pour ces types de contrats». Elle «appelle le Gouvernement à une vraie concertation afin de construire en coopération des solutions durables» et à «annuler la réforme dans son intégralité et de revenir aux règles prévues par la convention de 2017».
L'Union syndicale Solidaires considère que la position du Conseil n'est pas étonnante «au vu des incohérences et contradictions d’un Gouvernement incapable de justifier du bien fondé de sa politique se fondant sur une hypothétique amélioration du “marché du travail”, allant jusqu’à prétendre pendant l’audience que c’est aux salarié-es d’obliger le patronat à leur proposer des contrats non précaires». Jugeant que, de plus, «la gestion (de l'assurance-chômage–NDLR) doit être de la compétence des seuls représentant des travailleurs», Solidaires milite pour «une protection sociale (…) réellement protectrice des droits de la population (…) contre les aléas de la vie que ce soit en termes de santé, de vieillesse, de chômage».