Créées à l’initiative des acteurs économiques locaux, les chambres de commerce sont une institution professionnelle parmi les plus anciennes. L’arrêté du 24 décembre 1802, présenté ici dans sa version originale intégrale, entérine la vocation de ces organisations du commerce à contribuer à la prospérité économique. C’est de leur structuration qu’est issue la notion de «chambre consulaire», appliquée aussi à celles d’agriculture et de métiers et de l’artisanat.
Nota
Œuvre législative du Consulat: Bonaparte (Premier consul) Cambacérès et Lebrun (consuls). Le texte, sur la base d’un rapport du chimiste et passionné d’industrie et de commerce Jean-Antoine Chaptal, alors ministre de l’intérieur, établit définitivement les chambres, une institution collective d’origine locale, apparue au XVIe siècle, mais supprimée à la Révolution en septembre 1791 comme toute association d’intérêt professionnel (décret d’Allarde, loi Le Chapelier).
Conformément à l’esprit du régime, les pouvoirs publics privilégient l’objectif de contrôle des professions et une structure à moyens minimaux. C’est au préfet ou par défaut au maire qu’il revient de réunir «de quarante à soixante commerçants des plus distingués de la ville» (art. 6), pour constituer une chambre de 9 à 15 membres. Ses missions, définies par l’article 4 consistent à «présenter des vues sur les moyens d’accroître la prospérité du commerce (…) faire connaître au Gouvernement les causes qui en arrêtent les progrès (…) indiquer les ressources qu’on peut se procurer (…) surveiller l’exécution des travaux publics relatifs au commerce, tels, par exemple, que le curage des ports, la navigation des rivières, et l’exécution des lois et arrêtés concernant la contrebande». Elles peuvent recevoir un soutien public, à l’appréciation du ministre de l’intérieur. Le texte crée aussi un organe fédérateur, le Conseil général du commerce dont les membres sont proposés par les chambres mais désignés par le Premier consul (art. 11). L’article 1 liste les chambres instituées, au nombre de 22, dont certaines se trouvent hors de l’actuel territoire français (Bruxelles, Turin, Mayence, Genève…).
L’institutionnalisation à proprement parler des chambres de commerce intervient avec la loi du 9 avril 1898 qui en fait des «établissements publics» et établit les chambres départementales. En 1960, ces institutions professionnelles sont officiellement dénommés «Chambres de commerce et d’industrie». Par loi du 8 août 1994, elles deviennent «établissements publics économiques d’État». La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 (article L. 710-1 du Code de commerce) en faveur des petites et moyennes entreprises redéfinit leurs missions. En 2010, la loi n° 2010-853 du 23 juillet impose une réorganisation du réseau autour de France CCI (2012) qui se substitue à l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie créée en 1964. L’ordonnance n° 2015-1540 du 26 novembre 2015 introduit les dispositions nécessaires à une recomposition des chambres consulaires (CCI, CMA) à partir du 1er janvier 2016 en lien avec la réorganisation territoriale.
Arrêté portant établissement de chambres de commerce dans plusieurs villes, 24 décembre 1802 (1)
Les Consuls de la République, sur le rapport du ministre de l’intérieur, arrêtent:
Chapitre 1er — Formation des chambres de commerce
Article 1 (2)
Il sera établi des chambres de commerce dans les villes de Lyon, Rouen, Bordeaux, Marseille, Bruxelles, Anvers, Nantes, Dunkerque, Lille, Mayence, Nîmes, Avignon, Strasbourg, Turin, Montpellier, Genève, Bayonne, Toulouse, Tours, Carcassonne, Amiens, Le Havre.
Article 2
Les chambres de commerce seront composées de quinze commerçants dans les villes où la population excède cinquante mille et de neuf dans toutes celles où elle est en dessous, indépendamment du préfet, qui en est membre né et en a la présidence toutes les fois qu’il assiste aux séances. Le maire remplacera le préfet dans les villes qui ne sont pas chefs-lieux de préfecture.
Article 3
Nul ne pourra être reçu membre de la chambre s’il n’a fait le commerce en personne au moins pendant dix ans.
Article 4
Les fonctions attribuées aux chambres de commerce sont,
- de présenter des vues sur les moyens d’accroître la prospérité du commerce;
- de faire connaître au Gouvernement les causes qui en arrêtent les progrès;
- d’indiquer les ressources qu’on peut se procurer;
- de surveiller l’exécution des travaux publics relatifs au commerce, tels, par exemple, que le curage des ports, la navigation des rivières, et l’exécution des lois et arrêtés concernant la contrebande.
Article 5
Les chambres de commerce correspondront directement avec le ministre de l’intérieur.
Article 6
La première formation de chaque chambre de commerce sera faite comme il suit: les préfets, et à leur défaut les maires dans les villes qui ne sont pas chefs-lieux de préfecture, réuniront sous leur présidence, de quarante à soixante commerçants des plus distingués de la ville, qui procéderont, par scrutin secret et à la pluralité absolue des suffrages, à l’élection des membres qui doivent composer la chambre.
Article 7
Les membres de la chambre seront renouvelés par tiers tous les ans: les membres sortants pourront être réélus. Pendant les deux premières années qui suivront la formation de la chambre, le sort prononcera quels sont ceux qui doivent sortir. Les remplacements se feront par la chambre et à la pluralité absolue des suffrages.
Article 8
Toute nomination sera transmise au ministre de l’intérieur pour recevoir son approbation.
Article 9
Les chambres de commerce présenteront au ministre de l’intérieur l’état de leurs dépenses et proposeront les moyens de les acquitter. Le ministre soumettra leurs demandes au Gouvernement.
Chapitre II — Formation d’un Conseil général du commerce
Article 10
Il y aura à Paris un Conseil général de commerce. Ce conseil sera établi près du ministre de l’Intérieur.
Article 11
Les membres du conseil général seront désignés par les chambres de commerce. Chaque chambre présentera deux sujets, sur lesquels le Premier consul en nommera quinze. Ces quinze se réuniront à Paris une ou deux fois l’an; trois d’entre eux y seront toujours présents. Nul ne pourra être élu s’il n’est en activité de commerce dans la ville qui fait la députation, et si, au moment de sa nomination, il n’y est présent.
Article 12
Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois.
Le Premier consul, signé Bonaparte.
Par le Premier consul,
Le secrétaire d’État, signé Hugues. B. Maret
Le ministre de l’intérieur, signé Chaptal