Les chambres de métiers et de l’artisanat, l’une des trois institutions consulaires françaises, ont été créées par une loi datée du 26 juillet 1925. Ce texte consacre la spécificité de l’artisanat et l’autonomie vis-à-vis des CCI. Les CMA ont un rôle de premier plan pour le développement de l’apprentissage.
NOTA
Législation de la IIIe République, XIIIe législature, Cartel des gauches (1924-1928), Gaston Doumergue (Président de la République) et Paul Painlevé (Président du Conseil). Le texte doit beaucoup à Joseph-Marie Courtier, avocat au barreau de Chaumont, sénateur républicain, expert des questions concernant l’artisanat, et qui devait devenir président d'honneur de l’une des toutes premières chambres créées, suite à la loi, en Haute-Marne.
Les métiers artisanaux étaient « disponibles » pour l’établissement de groupements de type confrérie, jurande, corporation, qu’abolira la Révolution (décret d’Allarde, loi Le Chapelier). La conscience d’une spécificité artisanale n’intervient toutefois qu’au début du XXe siècle qui voit se créer diverses institutions professionnelles. Le texte est quasiment contemporain de la création de la Confédération générale de l'artisanat français (1922), de l'Union des artisans de France (1925). Elle s’inscrit aussi dans la continuité de la loi dite «Astier» sur l’apprentissage (25 juillet 1919) qui prévoit des chambres de métier, et de la loi créant les chambres d’agriculture (1924), mais elle a fait l’objet de longues discussions.
La loi du 26 juillet 1925 établit l’autonomie (jusque-là les artisans pouvaient quand même s’affilier aux chambres de commerce) et la légitimité des chambres en tant qu’elles sont «organes des intérêts professionnels et économiques des artisans, maîtres et compagnons» (art. 1), ayant plus précisément vocation à émettre des avis auprès des pouvoirs publics sur « toutes les questions de perfectionnement, de relèvement et de développement du métier» et à «participer à l’organisation de l’apprentissage» (art. 17). Elles sont organisées sous statut d’établissement public (art. 2), «composées de deux tiers d’artisans-maîtres et d’un tiers d’artisans-compagnons» (art. 4). Comme pour les CCI, mais pas comme pour les chambres d’agriculture, le périmètre est local (art. 2). Leur intérêt public est confirmé par le droit de se financer via «une imposition additionnelle au principal de la contribution des patentes, acquittée par les artisans-maîtres ressortissant» (art. 19). On note aussi qu’elles relèvent de plusieurs ministères — travail, instruction publique et beaux arts, commerce (art. 14).
Un décret d’application du 14 avril 1928 introduit la consultation des «organisations professionnelles intéressées» (article 1). Depuis leur création, l’évolution des chambres de métier a été balisée par plusieurs textes:
* décret du 7 mars 1966 créant l’Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat, établissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de l’artisanat, qui se substitue au bureau permanent établi par la loi de 1925.
* décret du 2 novembre 2004, qui officialise la nouvelle appellation de «chambres de métiers et de l’artisanat».
* décret du 11 novembre 2010 instituant notamment les chambres régionales de métiers et de l’artisanat (modification de l’article 23 du Code de l’artisanat).
* ordonnance n° 2015-1540 du 26 novembre 2015 et loi n° 2016-298 du 14 mars 2016 visant à accélérer la régionalisation du réseau des chambres de métier et de l’artisanat, désormais constitué de CMAR, CRMA (région), CMAI (interdépartemental).
* loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite loi PACTE) portant sur la régionalisation des chambres de métiers et de l’artisanat à compter du 1er janvier 2021; confirmée par un décret du 18 février 2021.
Loi portant création des chambres de métiers du 26 juillet 1925 (1)
Titre 1er – Organisation des chambres de métiers (2)
Article 1
Les chambres de métiers sont, auprès des pouvoirs publics, les organes des intérêts professionnels et économiques des artisans, maîtres et compagnons de leur circonscription. Par maîtres artisans, il y a lieu d’entendre les travailleurs de l’un ou de l’autre sexe qui exercent un métier manuel, à condition, d’une part, qu’ils accomplissent leur travail par eux-mêmes, seuls ou avec le concours de leur conjoint, des membres de leur famille ou de compagnons ou apprentis, et à condition, d’autre part, qu’ils l’exécutent sans se trouver sous la direction d’un patron.
Article 2
Les chambres de métiers sont instituées par décrets rendus sur la proposition du ministre du travail, du ministre du commerce et du ministre de l’instruction publique (sous-secrétaire d’État de l’enseignement technique). Elles sont des établissements publics. Il pourra être créé une ou plusieurs chambres de métiers par département. Une chambre de métiers pourra se diviser en autant de sections qu’elle jugera utile.
Article 3
Le décret d’institution détermine, après avis des organisations intéressées de la circonscription de chambre de métiers, les catégories dans lesquelles sont répartis les métiers de ladite circonscription et fixe, pour chaque catégorie, le nombre des représentants à élire. Toutefois, le nombre total des membres élus de la chambre de métiers ne peut être inférieur à 18, ni excéder 36, sauf à Paris où il pourra s’élever à 72.
Article 4
Les chambres de métiers sont composées de deux tiers d’artisans-maîtres et d’un tiers d’artisans-compagnons.
Article 5
Les membres des chambres de métiers sont élus pour six ans ; ils sont indéfiniment rééligibles; le renouvellement a lieu par moitié tous les trois ans, dans le courant de décembre. Lors de la constitution d’une chambre de métiers, l’ordre de renouvellement par catégorie est fixé par le sort.
Article 6
Les élections des chambres de métiers auront lieu conformément aux règles édictées pour les élections aux conseils de prud’hommes par la loi du 27 mars 1907, en tout ce qui n’est pas contraire aux dispositions de la présente loi. Les conditions à remplir pour être électeur à la chambre de métiers sont également les mêmes que celles exigées par la loi précitée pour être électeur ou éligible aux conseils de prud’hommes. Toutefois, pourront être électeurs maîtres les maîtres artisans travaillant sans compagnon et, pour être éligibles, les artisans devront, s’ils exercent actuellement le métier, l’avoir exercé effectivement pendant au moins cinq années, et s’ils ne l’exercent plus, l’avoir exercé pendant quinze ans au moins. Il est pourvu par les conseils généraux aux frais occasionnés par les élections.
Les maîtres artisans inscrits actuellement sur la liste des électeurs à la chambre de commerce sont obligatoirement inscrits sur la liste électorale de la chambre de métiers. Tout maître artisan inscrit sur cette dernière liste peut également réclamer son inscription sur la liste des électeurs de la chambre de commerce. La première liste électorale sera établie dans chaque commune par le maire, assisté d’un artisan-maître et d’un artisan-compagnon désigné par le conseil municipal ou, à défaut d’artisan-compagnon, de deux artisans-maîtres, semblablement désignés. Elle comprendra sur tableaux différents les électeurs artisans-maîtres et les électeurs artisans-compagnons.
Chaque année, dans les vingt jours qui suivent la révision des listes électorales politiques, une commission pareillement composée procède à la révision des tableaux d’inscription des électeurs maîtres et compagnons. Ces tableaux sont adressés au préfet qui dresse et arrête la liste de chaque catégorie d’électeurs. Les listes sont déposées au secrétariat de chaque mairie du département. Les électeurs sont avisés du dépôt par affiches apposées à la porte des mairies. Dans la quinzaine qui suit la publication, des réclamations peuvent être formées contre la confection des listes; elles sont portées devant le juge de paix du canton, instruites et jugées conformément aux articles 5 et 6 de la loi du 8 décembre 1883 sur les élections consulaires. Le vote a lieu par canton dans les mairies désignées par le préfet. L’assemblée électorale est présidée par le maire ou son délégué, assisté de quatre électeurs qui sont les deux plus âgés et les deux plus jeunes électeurs présents.
Les règles établies par la loi du 5 avril 1884 pour les élections municipales s’appliquent aux opérations électorales pour les chambres de métiers; toutefois, est admis le vote par correspondance et les nominations sont acquises au premier tour de scrutin à la majorité relative. Les protestations contre les élections sont portées devant le conseil de préfecture qui statue, sauf recours au Conseil d’État, conformément aux dispositions de la loi du 5 avril 1884.
Article 7
Sont membres de droit de la chambre de métiers, mais avec voix consultative seulement:
1° L’inspecteur départemental de l’enseignement technique;
2° Un inspecteur départemental du travail désigné par le ministre du travail;
3° Un représentant du comité départemental de l’enseignement technique, désigné par ce comité.
Article 8
Les chambres de métiers peuvent désigner, dans toute l’étendue de leur circonscription, des membres correspondants pris parmi les inscrits de leurs listes électorales et dont le nombre ne doit pas dépasser celui de la moitié de la chambre elle-même. Les membres correspondants assistent aux séances de la chambre avec voix consultative.
Titre II – Fonctionnement des chambres de métiers
Article 9
Les chambres de métiers nomment parmi leurs membres, un bureau composé d’un président, d’un vice-président, d’un trésorier et d’un ou plusieurs secrétaires. Les nominations sont faites à la majorité absolue des membres en exercice. Le bureau est renouvelé après les élections triennales ; les membres sortants sont rééligibles. En cas de décès ou de démission d’un membre du bureau, il est immédiatement pourvu à la vacance.
Article 10
Les membres qui, pendant six mois, se sont abstenus de se rendre aux convocations sans motif reconnu légitime sont déclarés démissionnaires par le préfet, après avis de la chambre. Ils sont remplacés au renouvellement partiel le plus prochain. Il en est de même pour les autres vacances.
Article 11
Lorsqu’une chambre de métiers se trouve par l’effet des vacances survenues pour une cause quelconque réduite aux trois-quarts de ses membres, il est, dans le délai de deux mois à dater de la dernière vacance, procédé à des élections complémentaires. Toutefois, dans l’année qui précède le renouvellement partiel, les élections complémentaires sont reportées à l’époque de ce renouvellement, à moins que la chambre n’ait perdu plus de la moitié de ses membres. Les membres nommés dans une élection complémentaire ne demeurent en fonction que pendant la durée du mandat qui avait été confié à leurs prédécesseurs.
Article 12
Les chambres de métiers ne peuvent délibérer que si le nombre des membres présents dépasse la moitié de ceux en exercice. Les décisions sont prises à la majorité absolue des votants. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.
Article 13
Les fonctions des membres des chambres de métiers sont gratuites. Cependant, pourront être prévus l’attribution de jetons de présence et le remboursement des frais de déplacement.
Article 14
Les chambres de métiers correspondent directement, avec le ministre du travail, le ministre de l’instruction publique (sous-secrétaire d’État de l’enseignement technique) et le ministre du commerce. Elles leur transmettent chaque année le compte rendu de leurs travaux. Elles sont autorisées à publier le compte rendu de leurs séances.
Article 15
Les chambres de métiers correspondent directement entre elles et avec les administrations publiques de leurs circonscriptions pour les questions relatives aux intérêts des métiers. Elles peuvent se concerter entre elles en vue de poursuivre l’étude de la réalisation, dans la limite de leurs attributions, de projets à frais communs.
Article 16
Elles ont la faculté de provoquer, par l’entremise de leurs présidents, une entente sur les objets rentrant dans leurs attributions. À cet effet, les présidents des chambres de métiers ou leurs délégués se réunissent au moins une fois par an à Paris, en une assemblée générale qui élit son bureau. Le bureau permanent de l’assemblée des présidents de chambres de métiers a son siège à Paris. Son président convoque l’assemblée générale.
Titre III – Attributions des chambres de métiers
Article 17
Les chambres de métiers ont pour attributions:
1° De sauvegarder les intérêts professionnels et économiques des métiers. À cet effet, l’avis des chambres de métiers devra être demandé dans toutes les questions de perfectionnement, de relèvement et de développement du métier, généralement dans toutes celles qui intéressent l’artisanat. Les chambres de métiers peuvent émettre des avis de leur propre initiative, sur toutes les questions énumérées ci-dessus et, en général, sur toutes les questions intéressant une ou plusieurs catégories de métiers;
2° De participer à l’organisation de l’apprentissage des métiers dans les conditions qui seront fixées par une loi spéciale.
Article 18
Le comité départemental de l’enseignement technique prévu à l’article 8 de la loi du 25 juillet 1919 comprendra obligatoirement quatre artisans désignés par la chambre des métiers intéressée, qui aura également deux représentants dans les commissions locales instituées par la loi du 20 juillet 1919.
Titre IV – Ressources budgétaires
Article 19
Il est pourvu aux dépenses ordinaires des chambres de métiers au moyen d’une imposition additionnelle au principal de la contribution des patentes, acquittée par les artisans-maîtres ressortissant à la chambre de métiers. Le nombre de ces centimes additionnels est fixé à dix au maximum. Les chambres de métiers ne peuvent délibérer au sujet de cette taxe que si le nombre des membres présents dépasse les trois quarts de celui des membres en exercice. Les membres maîtres-artisans ont seuls voix délibérative. L’état matriciel des assujettis à ces taxes est établi par chaque chambre de métiers dans sa circonscription et il est fourni par elle, en temps utile, aux directions départementales des contributions directes. Les réclamations des assujettis à ces taxes sont instruites par les chambres de métiers qui les ont établies et transmises par elles à la juridiction compétente, en matière d’impôts.
Article 20
Les chambres de métiers peuvent recevoir:
1° Des subventions de l’État, des départements, des communes, des chambres de commerce et autres établissements publics et des associations professionnelles.
2° Des dons et legs.
Article 21
Les chambres de métiers peuvent être autorisées, par décret rendu sur la proposition des ministres du travail et de l’instruction publique et des beaux-arts (sous-secrétariat de l’enseignement technique), à contracter des emprunts en vue de subvenir ou de concourir aux dépenses de construction des bâtiments destinés à l’installation, soit de leurs services, soit d’écoles de métiers. Il est fait face au service de ces emprunts au moyen de recettes prévues par l’article 21.
Article 22
Indépendamment du budget ordinaire, les chambres de métiers établissent des budgets spéciaux pour les services qu’elles administrent. Dans les six premiers mois de chaque année, elles adressent le compte rendu des recettes et des dépenses de l’année précédente au préfet de leur département qui les transmet, avec les pièces de comptabilité, aux ministères du travail et de l’instruction publique et des beaux-arts (sous-secrétariat d’État de l’enseignement technique) auxquels il appartient d’approuver les budgets et les comptes. En dehors des justifications à joindre à l’appui de leurs comptes, les chambres de métiers adressent chaque année aux ministères indiqués plus haut un tableau d’amortissement des emprunts qu’elles ont été autorisées à contracter.
Les chambres de métiers peuvent affecter tout ou partie des excédents de recettes provenant de la gestion de leur service ordinaire à la constitution d’un fonds de réserve qui doit être mentionné dans les comptes du budget de ce service à un chapitre spécial et ne peut, en aucun cas, être supérieur à la moitié de la totalité des ressources annuelles dudit budget.
Article 23
Un règlement d’administration publique, rendu sur la proposition du ministre du travail et du ministre de l’instruction publique et des beaux-arts (sous-secrétariat d’État de l’enseignement technique), déterminera les conditions d’application de la présente loi.