L’évolution de l’épidémie a conduit, le 19 mars, à des mesures de restriction supplémentaires dans 16 départements, qui pourraient être amenées à être étendues à d’autres territoires. La situation sanitaire inquiète d’autant que la stratégie de gestion gouvernementale ne paraît pas très claire, ainsi que le soulignent les professions de santé. L’aggravation de l’impact économique et social suscite de nombreux appels à l’aide des organisations patronales et syndicales.
La gestion de crise sanitaire sous les critiques des professionnels de santé
Les organisations professionnelles du secteur libéral de la santé ne mâchent par leurs critiques et demandent aux pouvoirs publics de revoir leur approche de la gestion de crise.
Biologistes et pharmaciens alertent sur les risques liés aux autotests
Ainsi, les biologistes médicaux ne décolèrent pas d'être mis à l'écart de la stratégie publique de lutte contre la pandémie. 6 syndicats représentatifs de la profession en libéral ou en hospitalier (Biologistes médicaux, FNSIP-BM, FNSP-BHU, SNBH, SNMB) alertent sur le «risque des autotests» qui ont fait l'objet d'un «avis favorable, sous condition» de la Haute Autorité de Santé. Critiquant «une éventuelle mise à disposition de ces tests dans les supermarchés», les organisations rappellent à la population que «la sensibilité (décelée par test-NDLR) ne dépasse pas les 50% chez les patients asymptomatiques», mais aussi que «les tests antigéniques ne sont pas aussi fiables qu’un test RT-PCR, sensible à plus de 90%». Et elles rappellent aux pouvoirs publics que «la supervision par le biologiste médical de toutes les étapes du processus de dépistage (…) dans une démarche de qualité est indispensable pour assurer une stratégie tester-alerter-protéger optimale».
De leur côté, le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, le Collège de pharmacie et 7 organisations professionnelles (Anepf, APR,CGP, Federgy, FSPF, UDGPO, USPO), se félicitent certes de «l’utilisation d’autotests pour dépister la Covid-19», mais soulignent la nécessité d'appuyer la «stratégie de dépistage» sur «une approche rigoureuse – qui a fait ses preuves – dans l’identification et le suivi de la propagation du virus dans la population», à plus forte raison avec «l’apparition de multiples variants».
Les professionnels libéraux ne veulent plus être exclus de la stratégie de lutte contre la pandémie
Les Biologistes médicaux contestent plus généralement les décisions publiques concernant la vaccination (qui leur est refusée), les autotests, la baisse unilatérale des «tarifs de RT-PCR SARS-CoV-2 et des forfaits associés à la remontée épidémiologique». Le syndicat dénonce aussi «le cafouillage des masques non distribués aux laboratoires, (…) la stratégie ratée des tests antigéniques, (ou-NDLR) des tests salivaires en écoles, (le-NDLR) criblage mal organisé et (…) l'exclusion des laboratoires privés dans le séquençage».
Pour sa part, le Syndicat des médecins libéraux dresse le constat critique que «l’abandon des mesures de prévention des crises sanitaires, avec la dilution de l’EPRUS dans (…) Santé publique France, (…) a eu pour effet de bureaucratiser la gestion de la crise» et que «la maîtrise comptable des dépenses a montré ses limites». Le «Ségur de la Santé» est loin d'avoir été à la mesure de la crise, parce que trop centré sur l'hôpital, «alors qu’il aurait été indispensable d’investir aussi sur la médecine de ville». Le syndicat invite donc, dans l'immédiat, «le Gouvernement à se ressaisir sur l’organisation de la stratégie vaccinale». Pour le plus long terme, le SML demande le retour au modèle de «l’EPRUS, en organisant un travail commun entre les équipes de Santé publique France et les syndicats (…) représentant les médecins libéraux», ainsi qu'une «nouvelle convention médicale» adaptée à l'évolution de la façon d'exercer sous l'effet, notamment, de la pandémie. Il s'agit aussi de tirer parti des enseignements positifs de la période: «accélération de la télémédecine»; développement de «la coordination entre les professionnels libéraux de santé à travers les équipes de soins ouvertes et les CPTS»; «système d’indemnités journalières pour les médecins libéraux et l’ensemble des professions libérales», «indemnisation des médecins libéraux pour leur perte d’activité».
Dans un courrier au ministre de la Santé, les Chirurgiens-dentistes de France (CDF) rappellent n'avoir toujours pas eu de retour sur leur proposition de «participer à la campagne de vaccination», situation incompréhensible vu qu'entre autres «sapeurs et marins pompiers sont, depuis le 12 mars» habilités à le faire.
Sur un autre registre, la Confédération des syndicats médicaux s'alarme d'une campagne anti-médicaments à visée politique, à laquelle les patients «affichent leur soutien (…) par des stickers sur leur carte vitale. Cela génère des conflits avec leurs médecins, voire des menaces de la part de ces patients y compris dans les réseaux sociaux». La CSMF insiste sur le fait que «la consultation médicale (…) ne peut pas faire l’objet d’une pression quelle qu’elle soit, sous quelque forme que ce soit, y compris sur la prescription médicamenteuse, lors du colloque singulier entre le médecin et le patient».
Pour la Fédération hospitalière de France, il s’agit aussi de tirer les leçons de la pandémie. Le syndicat professionnel des hôpitaux, en partenariat avec l'Institut Covid ad Memoriam, crée ainsi une journée de célébration pour les soignants. Un événement qui «aura pour but de commémorer leur mobilisation historique et de construire des propositions pour l’avenir de notre service public de santé au moyen d’un débat annuel, réunissant la communauté hospitalière comme la communauté universitaire, chaque 17 mars».
Les « assureurs » de la santé se mobilisent pour faciliter l’accès aux consultations de psychologie
L’aspect psychologique de la crise sanitaire mobilise les organisations professionnelles des mutuelles, de l'assurance, de la prévoyance. La Mutualité française, la Fédération française de l'assurance et le Centre technique des institutions de prévoyance annoncent la prise en charge au premier euro d'un «minimum de 4 séances par année (de consultation-NDLR)) dans une limite de 60 euros par séance» dès lors qu'elles relèvent d'une «orientation médicale».
Les nouvelles restrictions sanitaires alarment les syndicats d’employeurs et de salariés
Le Gouvernement a opté pour des restrictions sanitaires modulées selon les territoires et les secteurs d’activité, et de même pour les dispositifs d’aide. Ainsi, certains secteurs bénéficient d’un soutien spécifique. Cette approche n’est pas forcément considérée comme lisible par tous les acteurs économiques et sociaux.
Des mesures publiques qui permettent à certains secteurs de souffler
L'interprofession des fleurs et plantes, Val'hor, se félicite que les pouvoirs publics aient acté le maintien de l'ouverture des enseignes de jardinerie et vente de fleurs. Saluant le décret du 19 mars 2021, son président Mickaël Mercier apprécie la «reconnaissance pour l’ensemble des métiers du végétal», non sans indiquer que c’est «la victoire d’un collectif, celui des dix fédérations unies (…) pleinement mobilisées depuis un an (…) pour mener une action collective et en concertation, dans une stratégie arrêtée depuis décembre». Et d’inviter chaque professionnel à «se montrer à la hauteur de cette confiance qui lui est faite, pour garantir la santé de tous».
Pour l'Assemblée permanente des chambres de métiers, le maintien des aides à l’apprentissage, annoncé par le Premier ministre (17 mars 2021), constitue «un signal fort» et permettra de «maintenir la dynamique que nous connaissons». L'institution consulaire réaffirme néanmoins ses «propositions, soutenues et relayées par les partenaires sociaux»: «pérenniser la “prépa-apprentissage”»; prévoir un «système de transition» pour la baisse des aides après la crise; «renforcer l’agilité pédagogique des CFA».
Dans l’hôtellerie, les représentants des fédérations professionnelles majeures (GNI, GNC, SNRTC, Umih) saluent un dialogue avec les pouvoirs publics «permettant de faire un pas de plus vers la réouverture de nos établissements dans les meilleures conditions possibles». Le Gouvernement propose un «plan de réouverture en 3 phases» assorti du «maintien des aides (activité partielle, adaptation du fonds de solidarité et exonération des charges patronales)», un «“plan discothèques” pour la fin du mois de mars» et un «travail spécifique» pour les activités de «traiteurs, organisateurs de réceptions». Les organisations apprécient aussi «la demande du ministre délégué aux PME d’être tenu informé des refus des banques d’accorder un nouveau report des remboursements de prêts bancaires hors PGE aux fins d’une intervention de sa part si nécessaire».
En revanche, l'Union nationale des établissements d'aide à domicile (UNA) ne se satisfait pas de la prime annoncée lors de la Conférence sociale. L'Una rappelle en effet que le premier «dispositif de la prime COVID (…) a généré de grandes inégalités dans les territoires, faute d’un accord entre l’État et les conseils départementaux quant à son financement». Surtout, pour l'organisation professionnelle d'employeurs, « il y a urgence à ce que le Gouvernement (…) engage de vrais moyens, pérennes et structurants, pour le domicile», via en particulier la loi Grand âge.
La réouverture des commerces et de lieux de culture toujours au cœur des débats
Pour la Confédération des PME, «un nouveau confinement même partiel dans les régions Ile-de-France et Hauts de France» aurait un effet désastreux sur le PIB français et serait contraire à l'«impératif de redonner espoir et perspectives aux entrepreneurs». Elle plaide donc pour que les plannings de la réouverture des «secteurs fermés administrativement» comme de la «vaccination» soient précisés, pour que soit revue «la définition et l’application du principe de précaution» et pour une «réforme profonde de l’Administration». Réagissant à l’annonce d’un nouveau confinement (19 mars 2021), l’organisation patronale réitère sa demande de «dates précises de réouverture» et souhaite que le Gouvernement s'engage à «respecter le rythme annoncé de la campagne de vaccination». En outre, elle exige «des mesures de soutien notamment pour les TPE-PME (dépréciation des stocks, prise en charge réelle des loyers…)».
Pour le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles, «Nos compatriotes ne comprennent plus les mesures de fermeture qui s’imposent, sans critère sanitaire démontré et vision de moyen terme». C’est ce qu’a démontré la mobilisation devant les théâtres, sous le mot d’ordre «Le printemps est inexorable», organisée sous son égide les 21 et 22 mars 2021. Le Syndeac continue à demander «la réouverture de tous les lieux culturels, sans distinction de nature, d’objet, de champ artistique» et fait valoir, plus largement, «l’impérieux besoin de la poursuite des aides publiques (…), tant que le retour à une activité normale sans contrainte de jauge ne sera pas garanti, en concentrant les moyens sur l’emploi artistique». Cette demande inclut «la revendication des intermittents du spectacle, en faveur de la garantie de leurs revenus et de leur accès au régime des annexes 8 et 10 de l’assurance chômage».
Pour une actualisation du plan de relance dans les secteurs et territoires les plus touchés
Pour le réseau des CCI et le Conseil du commerce de France, la réouverture de l'ensemble des commerces s'impose, ainsi qu'un nouveau plan de soutien d'ampleur. Les deux organisations rappellent que «les professionnels ont fait preuve d’une grande responsabilité ces derniers mois pour accueillir leurs clients en toute sécurité et accélérer leur transformation numérique», mais aussi que «le retour de la distinction entre ceux qui vendent des produits considérés comme de première nécessité et les autres, n’est pas compris». Au-delà de «la mise en œuvre rapide des aides promises pour la prise en charge des coûts fixes, des loyers et des stocks», elles souhaitent un «nouveau “plan de relance du commerce” massif».
La CCI Ile-de-France se désole du nouveau «coup dur» que constitue le re-confinement, dans une région qui «cumule les difficultés: impact des mouvements sociaux ces dernières années, absence de la clientèle internationale, désertion des quartiers d’affaires, report des soldes». Pour son président Didier Kling, il faut que «les mesures d’aides soient rapidement complétées d’un plan spécifique à l’Ile-de-France», articulé au «plan de relance État-Région et (aux-NDLR) mesures complémentaires annoncées par la Région et les autres collectivités».
Dans le secteur de la formation, une enquête (début 2021) visant à évaluer la situation et l'impact des aides publiques existantes, menée par le Synodfes, révèle que «les perspectives à moyen terme sont (…) préoccupantes». Précisant que le secteur doit en outre s'adapter à une profonde mutation, le syndicat professionnel se dit «prêt à évoquer les contours de ce plan de développement avec les pouvoirs publics».
Sur un autre plan, la CPME dénonce le «projet de nouveau “Protocole pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise” (qui-NDLR) prévoit d’imposer à toutes les entreprises (…) un plan d’action pour réduire au maximum le temps de présence sur site, tenant compte des activités télétravaillables (…), à présenter à l’inspection du Travail en cas de contrôle». Considérant l'accord passé entre les partenaires sociaux sur le télétravail et, en pratique, la difficulté pour les employeurs comme pour les salariés de gérer la situation, le syndicat patronal juge que plutôt que de «menacer et imposer de nouvelles obligations administratives», le Gouvernement devrait s'attacher à «proposer une date de vaccination» et à privilégier «l'incitation».
Les salariés ne doivent pas être la variable d’ajustement de la crise
La fédération FO-UNCP appelle à la mobilisation en faveur des travailleurs saisonniers, faute d'avoir été entendue par les ministères du Travail, du Budget et de la Santé, qu'elle interpellait en février. Jugeant que ces travailleurs ne bénéficient pas des mesures d'aides accordées aux entreprises, que l'autorisation récente du droit de sortir en plein air est contradictoire avec les restrictions imposées au secteur, notamment, du tourisme, elle dénonce aussi la relance de la réforme de l'assurance chômage.
Plusieurs organisations syndicales (CGT, Solidaires, FSU) appellent à mobilisation, le 27 mars, pour demander des mesures pérennes en matière de logement pour tous. Elles estiment en effet que «le report de la trêve hivernale (…) au 1er juin 2021» ne suffit pas pour faire face à la crise, ni pour corriger les effets de certaines mesures, notamment «la réforme des aides au logement mise en œuvre au 1er janvier 2021», et plus largement «le désengagement de l’État en matière d’accès et de droit au logement confirmé dans le plan de relance puisque seuls 650 millions d’euros sont affectés à la construction et 500 millions d’euros à l’aide aux bailleurs». Les pouvoirs publics devraient plutôt s'engager pour «la construction d’au moins 500 000 logements sociaux par an», «le retrait de la réforme des aides au logement et leur revalorisation», mais aussi «l’arrêt des licenciements, des suppressions de postes dans tous les secteurs d’activité», «la revalorisation des salaires», ainsi que «l’abandon de la réforme de l’assurance chômage et l’ouverture de réelles négociations pour améliorer le système d’indemnisation».
Le syndicat Unsa rappelle, pour sa part, que la dette publique ne doit pas être supportée par les seuls salariés. Après avoir pris connaissance des conclusions de la commission Arthuis sur l'avenir des finances publiques, il dit partager celles portant sur «la pluriannualité (…) et la (…) séparation entre loi de Finances (…) et celle de la Sécurité sociale». En revanche, il préconise des mesures complémentaires: «création d'une Commission des finances publiques (…) qui permettrait aux partenaires sociaux de (…) s'exprimer»; acter que «la dette Covid (…) soit isolée de la dette publique et que son remboursement soit étalé sur du très long terme». En outre, «une relance par la consommation», que la commission n'envisage pas, lui paraît nécessaire.
Pour sa part, l’Union nationale des footballeurs professionnels souhaite que les pouvoirs publics revoient leur position sur le droit de sortie des joueurs internationaux devant jouer hors Union européenne. L'UNFP rappelle que, du fait des restrictions sanitaires, certains joueurs (de l'Olympique lyonnais–NDLR) se sont «vus signifier l’interdiction de rejoindre leur sélection nationale» par leur club. Elle demande donc que s'applique à ces joueurs la dérogation à l'obligation «de se soumettre à une période de “septaine” à leur retour sur le territoire national», conformément au respect de l'égalité… sportive comme républicaine.