Un an après le premier confinement, la problématique sanitaire est toujours prégnante, entre progression toujours forte de la contamination et incertitudes sur la campagne vaccinale. Sur le plan économique et social, la Conférence sociale et les annonces d’aides sectorielles ne suffisent pas forcément à lever les inquiétudes des organisations patronales comme salariales, avec des effets de rebond sur les projets de lois (Climat, Réglementation environnementale) ou de réformes (assurance-chômage) jugés malvenus alors que la crise continue de sévir.
La vaccination toujours problématique
Si l’Agence européenne du médicament (EMA) a délivré une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle au vaccin Covid-19 de Janssen, la suspension temporaire du vaccin Astra-Zeneca, dont le fabricant annonce par ailleurs des difficultés à assurer la livraison, vient ajouter aux incertitudes concernant l’efficacité de la stratégie vaccinale. Une stratégie qui continue par ailleurs de susciter le mécontentement de certains professionnels de santé.
Ainsi, l’Ordre des infirmiers, faisant référence au «décret (5 mars-NDLR), traduisant dans la loi les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) au sujet de la vaccination anti-covid», estime qu’il «ne donne (pas-NDLR) les moyens de participer à l’accélération de la vaccination» aux infirmiers et ne peut satisfaire à l'intervention auprès des personnes isolées. Ce pourquoi, l’ONI demande des mesures complémentaires: «donner aux infirmiers – comme aux pharmaciens, en plus des médecins – le rôle de prescription du vaccin»; «des dotations hebdomadaires (de vaccins-NDLR) pour les infirmiers qui exercent à domicile».
Pour sa part, la Confédération des syndicats médicaux s'irrite du «dénigrement» dont les professionnels font l'objet de la part du Directeur général de la santé et du manque de «décision et d'explication claire» de la part du Premier ministre. Le syndicat «exige du Gouvernement que toutes les commandes (de vaccins-NDLR) des médecins libéraux soient honorées toutes les semaines et que cesse immédiatement ce médecin-bashing», non sans rappeler que lors du «Ségur de la santé (…), la médecine libérale a été totalement méprisée».
Sur un autre registre, l'Académie de pharmacie émet des réserves sur les examens sérologiques après vaccination anti-Covid pour identifier des anticorps. L'ANDP tient à rappeler que «la recherche des anticorps n’est officiellement préconisée que dans le cadre d’une surveillance épidémiologique ainsi que dans un but diagnostique (…) lorsque la PCR n’a pu être réalisée ou lorsque celle-ci s’est révélée négative» et qu'en tout état de cause «la recherche d’anticorps avant ou après-vaccination n’est pas prise en charge par l’Assurance maladie». De plus elle alerte sur «le risque lié à un mauvais usage et à une interprétation erronée des examens sérologiques».
Economique et social: les dispositifs d’aides doivent être maintenus ou complétés
Tandis que la pandémie continue de progresser, la situation de certains secteurs d’activité devient toujours plus problématique. Si le Gouvernement s’attache à y répondre par des dispositifs divers (aide financière, fiscalité, réglementation…), ils ne suffisent pas forcément à satisfaire des demandes urgentes, tandis que d’aucuns redoutent leur abandon alors que la sortie de crise s’annonce encore plus difficile.
Une crise de la culture qui remet en cause les projets de réforme
Les organisations patronales et syndicales du secteur culturel sont particulièrement en attente de mesures d’urgence, témoin l’occupation à Paris et en Province, de divers lieux culturels. La Profedim estime l'occupation par les professionnels salariés légitime et réclame des mesures publiques d'ampleur pour le secteur, concernant les entreprises («réouverture immédiate (…) associée à un protocole sanitaire responsable et adapté») comme les professionnels («année blanche pour les intermittents (…); solutions similaires pour les précaires, extra et saisonniers»; «abaissement du seuil d’accès à l’assurance-chômage pour les annexes 8 et 10»; «garantie des droits sociaux (…) en matière de formation, retraite, santé au travail, congés spectacles»; «mise en place d’un plan pour l’emploi (…) en concertation avec les organisations professionnelles et syndicales représentatives». Le syndicat réclame, en outre, «l’organisation prochaine d’un Conseil national des professions du spectacle, co-présidé par la ministre de la Culture et le Premier ministre», ainsi que l'abandon de la réforme de l'assurance chômage.
Pour les fédérations Culture, Spectacle, Services publics, Syndicats de l'Etat, de la CGT, les occupations de salles de spectacles sont justifiées afin d'obtenir des pouvoirs publics: une «“année blanche” afin de garantir les droits sociaux» ainsi que la garantie des «congés maternité et maladie» des intermittents; «le calendrier et le dispositif d’accompagnement à la reprise de l’activité»; «une politique de soutien exceptionnel à la création artistique, notamment sous forme de commande publique»; des «mesures d’urgence face à la précarité financière et psychologique des étudiants». En outre, le Gouvernement doit «retirer son projet de réforme d’assurance chômage, et ouvrir la protection sociale à toutes et tous».
Pour la Société des auteurs et compositeurs, «les lieux de culture, qui ont été les premiers à être fermés, doivent être les premiers à rouvrir». A l’issue d’une rencontre avec le Premier ministre et le ministre de la Culture, la SACD se félicite néanmoins de plusieurs engagements publics: «transposition de la directive SMA» (services de médias-NDLR) avec «obligations de transparence et de contractualisation des plateformes à l’égard des auteurs comme des producteurs»; maintien de la «rémunération pour copie privée» pour les vendeurs d'appareils reconditionnés; «nouveau plan de 22 millions d’euros» en faveur des auteurs les plus impactés par la crise de l'activité culturelle doublé d'un «fonds en cours de création avec le CNM» pour des aides spécifiques; dispositions pour résoudre «les graves dysfonctionnements du recouvrement des cotisations sociales par l’URSSAF».
Dans le secteur du tourisme, c’est sur le fait que «le projet de loi Climat et résilience (…) pourrait mettre en question le nécessaire rebond» que la Confédération des acteurs du tourisme, l'Union nationale des associations de tourisme et la Fédération nationale des organismes institutionnels de tourisme alertent, dans une lettre ouverte au Gouvernement et au Parlement. Les organisations jugent que ce rebond ne sera pas possible «si les charges et contraintes législatives ou réglementaires devaient être aggravées» et si, d'autre part, «notre pays» ne tire pas «le meilleur parti possible des plans de relance français européen».
Le Conseil du commerce de France, prenant appui sur un rapport de l’Institut Pasteur (11 mars 2021) qui indique que «la fréquentation des lieux publics où les gestes barrières peuvent être respectés notamment dans les commerces, n’a pas été associée à un sur-risque d’infection», souhaite que «soit précisée rapidement une date de réouverture des grands magasins et des centres commerciaux au niveau national et des commerces fermés dans les zones sous confinement le week-end».
La prolongation des aides publiques anti-crise est nécessaire
A l'occasion de la conférence sociale du Gouvernement (15 mars 2021), l'U2P préconise que «les aides exceptionnelles à l’apprentissage et à la professionnalisation soient reconduites tout au long de l’année 2021», que «les professions qui font encore l’objet d’une fermeture administrative (…) puissent être informées plusieurs semaines avant la date de réouverture», et se dit favorable à «la possibilité donnée aux entreprises, dans le cadre d’orientations fixées par les branches professionnelles, d’accorder une prime aux salariés, non soumise à l’impôt et aux prélèvements sociaux».
C'est aussi l'occasion pour l'organisation patronale de faire part de ses réserves sur le rapport Mettling consacré aux travailleurs des plateformes, estimant qu'il tend à «créer un troisième statut entre celui de salarié et celui de travailleur indépendant, à contrecourant des mesures prises dans la plupart des autres pays qui requalifient ces travailleurs en salariés» et risque de rendre plus difficile le dialogue social.
Faisant référence au fait que le ministère du Travail aurait à cet égard envisagé une «hypothèse basse», synonyme de réduction marquée des aides aux entreprises et de la population concernée, l’Assemblée permanente des chambres de métiers préconise au contraire: «le prolongement des mesures incitatives auprès des chefs d’entreprises artisanales (…) pour donner de la visibilité»; «la pérennisation de la “prépa-apprentissage”»; «un système de (…) progressivité de la baisse»; le soutien aux CFA pour «développer des modalités de formation qui permettent de faire face aux aléas de la crise sanitaire et économique».
La Conférence sociale ne satisfait pas les syndicats de salariés
Pour l'Union syndicale Solidaires, la Conférence sociale du Gouvernement est un «cache misère, qui veut lever les dispositifs d’aides, et renvoie au bon vouloir des patrons d’octroyer une nouvelle “prime” non pérenne». Le syndicat revendique un véritable changement de cap axé sur des mesures fortes: «hausse du smic, des minimas sociaux et des retraites», «création massive d'emplois dans les services publics», «conditionnement social et écologique des aides (…) aux entreprises», «extension du RSA aux 18-25 ans», «baisse du temps de travail à 32h hebdomadaires». Il syndicat demande également l'abrogation de la réforme de l'assurance-chômage, ainsi que celle des «projets de loi et (…) textes liberticides», et plus généralement, préconise la mise en œuvre du «plan de 34 mesures écologiques et sociales de sortie de crise» porté par le collectif Plus jamais ça.
Pour la FEETS-FO, il faut plus qu'une prime pour les salariés de «deuxième ligne», des secteurs de la propreté, du nettoyage, de la prévention-sécurité et des transports. Le syndicat se dit d'autant moins favorable au dispositif, préconisé par le Gouvernement, d'une «prime» Covid, que l'année dernière «une fameuse prime a été instaurée, pouvant atteindre les 1000€ et très peu versée par les employeurs» ou «proratisée en fonction du temps de travail des salariés souvent en temps partiel subi». La fédération plaide que «le Gouvernement a la capacité de prendre des mesures structurelles par voie réglementaire» afin d'aboutir à «une véritable reconsidération de ces salariés, concrète et pérenne».
Même attention pour les salariés de «2e ligne» des TPE du côté de l’Unsa, qui a mené une enquête dont il résulte notamment que les salariés sont inquiets vis-à-vis de l'avenir des entreprises, des emplois, de l'accès aux droits sociaux, mais portent aussi une exigence de syndicalisme de service. Le syndicat préconise en conséquence de coupler hausse des bas salaires, aide financière aux salariés les plus touchés par la crise, ainsi que de «revenir à la convention d'assurance chômage de 2017», engager des chantiers sur «la prévention de la pénibilité» et «la formation professionnelle effective».
La précarisation de la jeunesse alarme les syndicats
Les organisations CGT, FO, Solidaires et FSU font ainsi le constat que la situation des étudiants et lycéens est très problématique, sous l'effet conjugué de la crise sanitaire et de «politiques régressives en matière de protection sociale, d’éducation et de formation. Les dernières réformes, sur le droit du travail, sur l’assurance chômage, sur les retraites ou sur l’orientation des élèves accentuent la précarité et les inégalités». Elles jugent aussi que «le plan gouvernemental “1 jeune, 1 solution” ne changera pas radicalement la donne ni ne suffira pas à assurer un avenir professionnel sécurisé et de qualité».
Celui-ci, selon l'intersyndicale exigerait «une formation initiale de haut niveau, un service public d’éducation et d’orientation accessible pour toutes et tous (…), la continuité et la progressivité des droits au salaire, à la formation et à la protection sociale», ainsi que des «moyens humains et matériels». Elle apporte son soutient aux mobilisations étudiantes et lycéennes du 16 mars 2021, ainsi qu'à celles des étudiants en art dramatique qui demandent la réouverture des lieux culturels.
Une «enquête réalisée auprès de 6 500 étudiants de 18 à 25 ans» par la Fédération des associations étudiantes (Fage), l'Association nationale des étudiantes sage-femme et l'Association fédérative des étudiants de Poitiers, a mis à jour que la crise actuelle se traduit par un renoncement croissant des étudiantes à se fournir en protections hygiéniques adaptés. Les associations se mobilisent, certes, pour aider, mais constatent que si «un budget de 5 millions d’euros est dès à présent alloué par l’Etat pour lutter contre ce phénomène», «les fonds ne sont malheureusement pas fléchés vers les étudiants». Elles demandent donc une éventuelle prise en charge par la Sécurité sociale, sur la base d'une «aide financière calculée sur les frais réels engendrés par les menstruations», ainsi que des mesures telles que «la sensibilisation et (…) la prévention sur les règles et les maladies qui y sont associées, dans un cadre scolaire, (…) périscolaire et universitaire ; l’obligation pour les entreprises de rendre publique la composition des protections et la révision des normes sanitaires et l’interdiction des produits nocifs au niveau français et européen».