Si les pouvoirs publics annoncent une accélération de la politique de protection de la population, les professionnels médicaux s’irritent du manque d’accès aux vaccins et aux tests, dénonçant une organisation chaotique, trop bureaucratique. Sur le plan économique, le Gouvernement envisage avec prudence un retour à la pleine activité dans certains secteurs et la demande de maintien des aides demeure.
Une politique sanitaire illisible et trop bureaucratique
Diverses organisations de professionnels de santé libéraux critiquent vivement la gestion de la vaccination par les autorités publiques, tout en appelant l’ensemble des soignants à montrer l’exemple.
Vaccins, tests: les professionnels se mobilisent, les pouvoirs publics freinent
Le Syndicat des médecins libéraux fustige une décision du 7 mars 2021 du directeur général de la Santé indiquant que «pour la semaine du 8 mars, la commande ne sera ouverte que pour les besoins propres des officines, il ne sera pas possible de prendre des commandes pour les médecins», ce d'autant que «à aucun moment, les syndicats médicaux n’ont été informés de cette décision, y compris lors de la réunion hebdomadaire qui s’est tenue encore ce vendredi avec les équipes du ministère de la Santé». Le SML, quelque jours auparavant, s'était inquiété du fait que «de nombreux adhérents (…), notamment en Rhône-Alpes, font remonter (…) que les doses de vaccins réservées chez leur pharmacien “référent” ne leur avaient pas été remises pour cause de non-livraison. Ces médecins, qui avaient planifié leurs rendez-vous de vaccination, ont été contraints de recontacter leurs patients pour leur dire de rester chez eux». Le syndicat exige même «la démission du directeur général de la Santé».
Pour l’Union française pour une médecine libre,l’inefficacité de la campagne vaccinale est imputable aux pouvoirs publics. S’il faut déplorer que les soignants ne donnent pas l’exemple, l’UFMLS ne manque pas de rappeler les manquements à la sécurité de ces personnels depuis le début de l'épidémie, en dépit de leurs demandes: carence d'équipements de protection, d'où de nombreuses contaminations, des décès, refus de tests… sans oublier que «de nombreux soignants n’ont pu accéder à la vaccination». S'il préconise de recourir éventuellement à «l'obligation» vaccinale pour les «soignants exerçant en établissements», le syndicat estime que «la prise de conscience doit se faire en interne, service par service» mais aussi et surtout que, les professionnels ne demandent qu'à avoir les vaccins à disposition pour pouvoir vacciner et se vacciner.
La Confédération des syndicats médicaux rappelle que malgré «de grandes incertitudes sur la date précise de l’arrivée du 1er flacon de dix doses, et un mécanisme bureaucratique et administratif complexe et lourd, 29000 médecins, majoritairement des médecins généralistes se sont inscrits pour vacciner dans leurs cabinets dès la première semaine», mais aussi que «le problème est celui d'un défaut d'approvisionnement en vaccins, d'une grande inégalité de répartition territoriale». Se félicitant que «le Gouvernement ouvre la vaccination par le vaccin AstraZeneca aux sujets à risque au-delà de 65 ans», l'organisation se dit favorable à ce que «la vaccination soit largement disponible pour tous les Français dans les plus brefs délais et ainsi qu’elle soit réalisée par plusieurs catégories de professionnels de santé (IDE, pharmaciens etc…) sans corporatisme étroit ni débat d’un autre temps» et appelle «tous les professionnels de santé à s’engager largement et à se faire vacciner eux-mêmes».
Du côté des biologistes médicaux, on s'interroge sur la stratégie réelle des pouvoirs publics en matière de dépistage et de vaccination. Le SDBio rappelle que récemment (4 mars), la Direction générale de la santé appelait l'ensemble de la biologie médicale à se mobiliser pour le «dépistage» de la population, tandis que les ARS devaient communiquer sur cette mobilisation. À ce jour, force est de constater, selon le syndicat, que la décision n'a pas été suivie d'effet. D'autre part, il déplore «le maintien à l'écart des biologistes médicaux dans la mobilisation pour la vaccination», alors même que «nous offrons toutes les garanties de compétences et de logistiques pour venir renforcer le dispositif».
L’Ordre national des infirmiers, reprenant la recommandation de la Haute Autorité de Santé (2 mars 2021) d'étendre l'habilitation à vacciner aux «pharmaciens, (…) sages-femmes et (…) infirmiers», insiste plus particulièrement sur la question de l'accès aux «populations les plus isolées», pour lequel la profession est à même d'être un acteur clé. D'où sa double requête auprès du Gouvernement «d’ouvrir la prescription du vaccin aux infirmiers» et de «faciliter le déploiement du vaccin à domicile pour les personnes isolées».
Vaccination: les ordres professionnels en appellent aux soignants
Les ordres professionnels de santé insistent sur la nécessité que les soignants, en ehpad comme à l'hôpital, montrent l'exemple en matière de vaccination. C'est d'une «seule voix» que les présidents des institutions ordinales de médecins (CNOM), pharmaciens (CNOP), dentistes (CNOCD), sages-femmes (CNOSF), infirmiers (ONI), kinésithérapeutes (CNOMK) et pédicures (CNOPP) rappellent aux professionnels que «cela relève de leur devoir déontologique (…) et parce qu’il est impératif qu’ils puissent eux-mêmes se protéger contre le virus, ainsi que leurs proches, et freiner la propagation de l’épidémie». Les ordres soulignent aussi que «tous les professionnels de santé peuvent aujourd’hui avoir accès au vaccin, quel que soit leur âge et leur état de santé» et que «le vaccin Astra Zeneca, qui est proposé aux soignants les plus jeunes et en bonne santé, est sûr et son efficacité est amplement démontrée».
Une politique pénalisée par le manque de moyens selon les syndicats de salariés
Ainsi, la Fédération syndicale unitaire (FSU) constate que: «le ministère ne prévoit aucune autre mesure qu’une campagne de tests, sans préciser son organisation»; «les mesures prises en cas de découverte de cas de covid ne sont pas renforcées»; «rien n’est fait pour renforcer la protection sanitaire des personnels en améliorant notamment leur accès aux tests»; «aucune clarification n’a été apportée sur la campagne de vaccination».
S'il est vrai que, conformément à sa demande, les pouvoirs publics ont précisé que «les tests doivent être organisés et gérés par des professionnel-les et partenaires venant en renfort des personnels », le syndicat n'en attend pas moins «un cadre ministériel précis et concerté qui sécurise durablement l’ensemble de la communauté scolaire». Il réitère aussi sa demande d'un «recrutement de personnels supplémentaires» qui est loin d'avoir été satisfait par les «possibilités ouvertes en novembre dernier». Plus généralement il exige une «stratégie globale de lutte contre le covid».
La fédération FO-SPS réclame, pour sa part, une extension de la prime Ségur aux personnels du secteur médico-social et du handicap. Elle souligne qu'à ce jour «15000 agents du secteur public et plus de 200000 du secteur privé non lucratif» demeurent exclus de la prime». Si elle a signé le «protocole Ségur», la fédération n'en souscrit pas moins à «l'appel de l'intersyndicale CFTC, CGT, FO et SUD» à mobilisation le jeudi 8 avril à Paris.
Concernant, toujours, le volet sanitaire, les organisations Fehap, FHF, Fnadepa, Fnaqpa, Uniopss, Cndepah, Ad-Pa proposent au Gouvernement un «pacte de responsabilité partagée». Constat fait que «les EHPAD et USLD sont les premiers lieux collectifs en France où la grande majorité des personnes se trouve être vaccinée», le collectif estime nécessaire de «faciliter (…) le retour aux contacts sociaux qui sont essentiels à la qualité de vie des résidents» (visites en chambre, prise de repas, sorties…), sans négliger la «stricte application des gestes barrières», ni les «éventuelles mesures nationales prises face à une évolution défavorable de l’épidémie». Souhaitant que la même approche puisse être envisagée «pour les résidences services et (…) autonomie, ainsi que pour les établissements médico-sociaux du champ du handicap», les organisations souhaitent que les pouvoirs publics accélèrent «la vaccination de tous les professionnels» et organisent la distribution des vaccins de telle sorte que les établissements concernés puissent en disposer au fil de l'eau».
Économique et social: des perspectives de reprise, mais toujours des besoins d’aide
L’horizon s’éclaircit pour l’hôtellerie restauration
Pour le secteur de l’hôtellerie-restauration, l’horizon commence à s’éclaircie. Ainsi, une rencontre de travail entre le GNC, le GNI, le SNRTC, l'Umih, et les autorités gouvernementales (5 mars 2021), a permis «de donner des perspectives en termes de dates et de modalités, en particulier sur le protocole sanitaire et l’accompagnement financier des entreprises»: modalités de réouverture (pas d'échéancier, mais allègement du protocole sanitaire), maintien des aides (activité partielle), assouplissement des conditions bancaires (échéances de prêt, frais). Le sujet avait déjà été évoqué lors d’une rencontre avec le ministre du Travail (3 mars 2021), au cours de laquelle les organisations ont également été assurées que les pouvoirs publics veulent «travailler à un dispositif permettant désormais de préserver l’emploi à l’occasion de la réouverture des établissements à l’instar de l’activité partielle», mais aussi «que le secteur serait exclu du dispositif de bonus-malus lors de la mise en oeuvre de la réforme au 1er juillet 2021».
À la requête de la ministre sur sa nécessité, les professionnels se sont dit «disposées à reprendre la négociation de l’accord APLD signé le 5 novembre 2020 par l’Umih, le GNC, le SNRTC, le GNI, la CFDT et la CGC», mais elles rappellent que «cette nouvelle négociation ne pourra pas être conditionnée à l’encadrement de la rémunération des dirigeants, ce n’est ni l’objectif d’un accord APLD, ni le rôle de la branche de négocier sur ce point».
Les aides publiques restent plus que jamais nécessaires
L'assemblée permanente des CCI, réagissant à l'intervention du Premier ministre (4 mars 2021), salue «la gestion équilibrée du Premier ministre (…), qui fait confiance aux territoires et s'adapte régulièrement et pragmatiquement aux évolutions de l'incidence du virus sans pour autant sacrifier toute l'économie». La tête de réseau des CCI se félicite, en particulier que «le confinement n'ait pas été retenu pour la quasi-totalité des départements sous surveillance renforcée». Pour autant, CCI France juge nécessaire «un calendrier de réouverture des commerces dans les centres commerciaux ainsi que dans les grands magasins qui sont concernés par les nouvelles mesures de fermeture», ainsi que des «aides (…) immédiates et faciles d'accès» pour les salariés impactés. Appel est aussi lancé à une «mobilisation citoyenne de tous» en faveur des commerces.
Dans le secteur de la culture, les organisations d’employeurs comme de salariés continuent d’exiger un soutien fort. Ainsi, la CGT appuie la mobilisation en province ainsi que l'occupation du théâtre de l'Odéon (jeudi 4 mars). Le syndicat revendique une «“année blanche” afin de garantir les droits sociaux» ainsi que la garantie des «congés maternité et maladie» des intermittents; «le calendrier et le dispositif d’accompagnement à la reprise de l’activité». En outre, le Gouvernement doit «retirer son projet de réforme d’assurance chômage, et ouvrir la protection sociale à toutes et tous».
La situation très difficile des étudiants est confirmée par une enquête réalisée par la Fédération des associations étudiantes (Fage), l'Association nationale des étudiantes sage-femme et l'Association fédérative des étudiants de Poitiers. D’où leur demande d’une éventuelle prise en charge par la sécurité sociale, sur la base d'une «aide financière calculée sur les frais réels engendrés par les menstruations», ainsi que de mesures telles que «la sensibilisation et (…) la prévention sur les règles et les maladies qui y sont associées, dans un cadre scolaire, (…) périscolaire et universitaire; l’obligation pour les entreprises de rendre publique la composition des protections et la révision des normes sanitaires et l’interdiction des produits nocifs au niveau français et européen». Les organisations soulignent qu’elles se mobilisent pour aider, mais constatent que si «un budget de 5 millions d’euros est dès à présent alloué par l’Etat pour lutter contre ce phénomène», «les fonds ne sont malheureusement pas fléchés vers les étudiants».
De nouvelles mesures et initiatives de soutien à saluer
Afin d’aider les entreprises à relancer leur activité, la Fédération bancaire française et le ministère de l'Économie s’engagent en commun pour un dispositif de «prêt participatif relance», exceptionnel et temporaire, dédié aux «entreprises n’ayant pas accès aux instruments de marché et ne souhaitant pas de modification dans leur gouvernance», précise la FBF. Son accessibilité est facilitée par «la garantie d'État». Les banques mobiliseront «une partie de l’épargne longue disponible via les investisseurs» pour permettre aux entreprises de «consolider leur bilan afin de trouver des capacités d’investissement».
Ce projet est salué par la CPME, ce d'autant qu'elle «a participé à l’élaboration» et qu'il concernera largement les PME. Elle attire toutefois l'attention sur la nécessaire reconnaissance de leur «qualité de quasi-fonds propres», notamment par le secteur bancaire. Pour la confédération patronale, il faut en outre que les prêts garantis par l'Etat évoluent en «prêts de consolidation».
De leur côté, plusieurs syndicats de la branche de l'aide à domicile (Adedom, ADMR, FNAAP, Una), apprécient la décision de la caisse d'allocations familiales de «simplification de la circulaire de 2016» sur l'aide à domicile pour les familles, qui revient sur les conditions très difficiles d'accès. Si les services d'accompagnement et de l'aide à domicile (SAAD) y voient aussi une marque de confiance de la part de la CNAF, ils n'en subissent pas moins une «baisse d'activité (…) en grande partie liée à la crise sanitaire», ce pourquoi les organisations demandent «une modification des règles de construction du budget prévisionnel (des SAAD-NDLR) pour les trois prochaines années», ainsi que le «maintien des dotations jusqu'au 30 juin 2021.
La Caisse nationale de sécurité sociale prendra toute sa part au plan «1 jeune, 1 solution». Ce sera l'objet de la «convention» que la CNAM Ameli et l'Ucanss signeront le 10 mars 2021, et quoi doit conforter l'appel aux «300 organismes locaux (de l'assurance-maladie) à poster des offres sur www.1jeune1solution.gouv.fr». L'éventail du recrutement couvre les «CDI, CDD, alternance, service civique».