Tout porte à envisager un renforcement des mesures de restrictions au vu d’une courbe de progression de l’épidémie qui ne s’atténue pas, et avec lui, un approfondissement des difficultés pour les entreprises et les salariés. Certaines mesures provoquent l’incompréhension des organisations patronales et syndicales.
Situation sanitaire: la stratégie des pouvoirs publics difficilement lisible
Les professionnels libéraux réclament toujours des vaccins
La stratégie de vaccination, malgré la hausse du nombre de personnes traitées et l’arrivée prochaine d’un vaccin supplémentaire (Johnson&Johnson), est toujours sous le feu des critiques des professionnels de santé libéraux.
Ainsi, le Syndicat des médecins libéraux exige la mise à dispositions du vaccin Pfizer. Il plaide en effet que les doutes instillés sur le vaccin Astra Zeneca, les difficultés d’approvisionnement, l’utilisation du vaccin Pfizer dans les centres de vaccination mobiles, justifierait l’accès à ce vaccin pour les professionnels libéraux. De son côté, le SDBio se réjouit que la Haute Autorité de Santé ait habilité les «pharmaciens exerçant dans un laboratoire d'analyse de biologie médicale», mais note que l’habilitation est donc restreinte aux «pharmaciens» et uniquement en «centre de vaccination».
L’ordre professionnel des infirmiers (ONI) salue l’annonce du ministre de la Santé (25 mars) habilitant la profession à prescrire le vaccin, non sans rappeler qu'«il est désormais prioritaire d’allouer une dotation spécifique significative aux infirmiers. C’est une condition indispensable au démarrage de la vaccination, notamment à domicile, dans les meilleurs délais».
Donner la priorité aux salariés de certains secteurs d’activité
Plusieurs syndicats professionnels du secteur médico-social, de la formation, du sport, demandent que ces salariés soient prioritaires en matière de vaccination. Les organisations Elisfa, Familles rurales, FNAAFP/CSF, Hexopée, Nexem, Soliha, Synesi, Synofdes et Unaforis se félicitent certes de l'annonce présidentielle de «prioriser la vaccination des professionnels – dont les enseignants – qui sont au contact des publics les plus divers». Mais c'est aussi pour demander que la mesure s'applique aux salariés des services d'utilité sociale.
Dans le même ordre d'idées, les fédérations Transports de Force ouvrière (FEETS-FO, FO-UNCP) demandent, en rappelant la position des «cinq agences de l'ONU: OMS, OIT, OACI, OMI et OIM» (26 mars 2021), que «tous travailleurs exposés qui œuvrent dans ces secteurs d'activité (transport, logistique-NDLR) et qui le souhaitent, puissent bénéficier d'une priorité de vaccination avec le vaccin garantissant la protection optimale».
La protection des écoles mal assurée, selon les syndicats de salariés
À l’issue d’une rencontre du ministre et des syndicats, la Fédération syndicale unitaire estime nécessaire «de prendre de manière beaucoup plus systématique des décisions de fermetures de classes et écoles» si besoin, et de généraliser les «demi-jauges» à «l’ensemble du second degré, à minima dans les zones dites confinées». Elle rappelle aussi ses exigences: «aération des salles, purificateurs d’air, véritable politique de tests, création de (…) postes», mais aussi «politique de vaccination de l’ensemble des personnels».
Pour la fédération de l’enseignement de Force ouvrière (FNEC FP-FO), la fermeture des établissements et des classes traduit en réalité le «refus du ministre de répondre aux revendications, en matière de postes et de mesures de protection» telles que par exemple «tester tout le monde et isoler seulement les cas positifs», «faire suivre les personnels en contact avec le virus par la médecine de prévention». Même chose pour les «demi-jauges», principe appliqué «depuis novembre dans la plupart des lycées», mais qui accélère le décrochage de nombreux élèves, faute de «recrutements exceptionnels (…) pour que tous les élèves aient un enseignant dans chaque discipline». En peu de mots, conclut la FNEC-FP-FO: «Si (le ministre) se préoccupait réellement de l'école, (il-NDLR) commencerait par suspendre les nombreuses suppressions de postes et fermetures de classe qui sont programmées pour la rentrée prochaine, et ouvrirait tous les moyens nécessaires».
Situation économique: la crise se durcit pour les entreprises comme pour les salariés
Solidarité patronat-salariés dans le secteur de la Culture
Le Syndeac interpelle les pouvoirs publics sur la situation du secteur culturel et la nécessité de mesures d'aide volontaristes dans le cadre d'une mobilisation devant les théâtres, organisée sous son égide les 21 et 22 mars 2021. Rappelant que «Nos compatriotes ne comprennent plus les mesures de fermeture qui s’imposent, sans critère sanitaire démontré et vision de moyen terme», l'organisation d'employeurs réitère sa demande «en faveur de la réouverture de tous les lieux culturels, sans distinction de nature, d’objet, de champ artistique»…
Au delà, lui paraît nécessaire «la poursuite des aides publiques à notre secteur, tant que le retour à une activité normale sans contrainte de jauge ne sera pas garanti, en concentrant les moyens sur l’emploi artistique». Une demande qui inclut «la revendication des intermittents du spectacle, en faveur de la garantie de leurs revenus et de leur accès au régime des annexes 8 et 10 de l’assurance chômage».
La fédération Culture de la CGT réaffirme la légitimité des occupations de lieux culturels et l’exigence de mesures adaptées à la situation de crise actuelle. Pour la CGT Culture, sont nécessaires «une prolongation de l’année blanche, son élargissement à tous les travailleurs et travailleuses précaires», «le retrait du projet de réforme d’assurance chômage et l’ouverture de la protection sociale à toutes et tous», «l’accès (des-NDLR) autrices et auteurs aux congés maternité et de maladie indemnisés» et «une politique de soutien exceptionnel à la création artistique». Le syndicat juge, plus largement, qu’il faut revenir sur les «les politiques austéritaires, aussi bien au niveau national que dans de nombreuses collectivités locales» et que le «financement public d’un secteur aussi fondamental (…) ne peut pas se résumer à une série de dispositifs fiscaux (niches) principalement captés par des multinationales expertes dans la défiscalisation» (mécénat-NDLR).
La prime Covid doit être compensée pour les entreprises de l’économie solidaire
L’UDES «se félicite qu’une attention soit portée aux bas salaires et salariés de la deuxième ligne notamment dans l’aide et soins à domicile», mais elle pointe «l’absence de lien (avec-NDLR) la revalorisation salariale qui n’est toujours pas versée de manière homogène dans le cadre du Ségur de la santé» ainsi que son périmètre restreint d’attribution. Qui plus est elle estime que «les employeurs de l’ESS, particulièrement des petites structures» doivent bénéficier de dispositifs d’aide spécifiques: «apports en fonds propres ou quasi fonds propres (via les prêts participatifs de long terme par exemple)», «relance de la demande», revalorisation des métiers dans les «filières, telles que l’action sociale et médico-sociale ou l’aide et les soins à domicile».
L'aide publique pour aider la filière bâtiment à tenir
Dans une conférence de presse, le président de la Fédération du bâtiment Olivier Salleron souligne que «Grâce aux puissantes mesures de soutien public rapidement décidées et à un déconfinement réussi, l’emploi a été préservé et les entreprises ont survécu au choc». Mais, il rappelle aussi que les perspectives ne permettent pas d’y surseoir: chute de la construction neuve que ne compensera pas la rénovation thermique, hausse du coût des matériaux due à «la désorganisation des filières productives et des transports internationaux», et inversement «marchés (…) signés à prix ferme, non actualisables ni révisables, et (qui-NDLR) prévoient des pénalités de retard».
Pour Ollivier Salleron, il faudrait que «la délivrance des permis s’accélère» dans les collectivités locales, que le volet «artificialisation» de la loi Climat soit mis en œuvre sans «prise en compte des besoins socioéconomiques», qu’opère une «relance par la demande» («primo-accession», «crédit d’impôt sur les cinq premières annuités d’emprunt», «majorer transitoirement la réduction “Pinel”») et, enfin, que «soient réactivées pour quelques mois les ordonnances qui (…) avaient transitoirement gelé les pénalités de retard et que le Gouvernement communique fortement en faveur de l’indexation des marchés».
La situation de l’Ile de France appelle un «plan d’urgence»
Alors que s’impose un nouveau confinement (26 mars 2021), la chambre de commerce d’Ile de France déploie un plan d’urgence en faveur des entreprises. Ce plan articule plusieurs interventions. En premier lieu, «une campagne d’appels massifs» de soutien et d’information (à laquelle s’associe CMA Ile-de-France). En deuxième lieu, enquête pour «analyser la situation économique mais aussi psychologique des dirigeants». La création d’un «groupe de travail régional (avec divers partenaires publics et professionnels) “Mur de la dette”, afin de construire ensemble et de manière très rapide, une feuille de route pour libérer les entreprises » constitue le 3e volet. Enfin à partir d’avril, la plateforme numérique «les aides.fr» permettra d’avoir accès à «l’ensemble des dispositifs de soutien et de relance» dans «un parcours client complètement revu».
Le télétravail: une généralisation pas facile
L’institution consulaire (CRCI IDF) est également mobilisée dans le groupe de travail constitué par le préfet de Région concernant le télétravail. Lors de sa dernière réunion, le groupe a été incité à mobiliser les entreprises pour mettre en œuvre le «protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés» adapté, obligeant à «l’établissement d’un plan d’action (…), à de de nouvelles mesures de distanciation dans les lieux de restauration collective», ainsi qu’à «la nécessité de lissage des horaires des salariés contraints de venir sur site». Une exigence dont les professionnels ont rappelé qu’elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre auprès de certains salariés.
La Confédération des PME dénonce, pour sa part, la surenchère réglementaire du Gouvernement concernant le télétravail pour enrayer la pandémie. L'organisation patronale fait référence au «projet de nouveau “Protocole pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise” (qui-NDLR) prévoit d’imposer à toutes les entreprises (…) un plan d’action pour réduire au maximum le temps de présence sur site, tenant compte des activités télétravaillables (…), à présenter à l’inspection du Travail en cas de contrôle». Considérant l'accord passé entre les partenaires sociaux et, en pratique, la difficulté pour les employeurs comme pour les salariés de gérer la situation, la CPME estime que plutôt que de «menacer et imposer de nouvelles obligations administratives», le Gouvernement devrait s'attacher à «proposer une date de vaccination» et à privilégier «l'incitation».
Le réseau Anact-Aract (agences pour l'amélioration des conditions de travail) accompagne les TPE-PME dans le déploiement du travail à distance 4 jours sur 5. L'offre gratuite «Objectif télétravail» sert à repérer les activités éligibles, organiser ou améliorer les pratiques, maintenir le lien avec les équipes, faciliter l'élaboration d'une charte ou d'un accord… Les TPE-PME confrontées aux nouvelles mesures sanitaires peuvent bénéficier de ce service du ministère du Travail mis en œuvre par le réseau en renseignant un formulaire de contact sur le site anact.fr/objectifteletravail.