L’évolution défavorable de la situation sanitaire a conduit les pouvoirs publics à réinstaurer un quasi-confinement qui suscite les critiques des organisations professionnelles d’employeurs comme les syndicats de salariés. Sur le plan sanitaire, les difficultés multiples (effets nocifs de vaccins, mise en œuvre de la stratégie de vaccination, publics prioritaires, mobilisation des professionnels libéraux) inquiètent d’autant plus que le système de santé est sous pression.
La crise de confiance des employeurs envers les restrictions sanitaires
La généralisation des restrictions sanitaires n’est pas forcément bien perçue par les organisations professionnelles d'employeurs, pour lesquelles les pouvoirs publics devront consentir des contreparties économiques et sociales.
Une généralisation des restrictions qui appelle à compensation
Ainsi, la CPME estime que «la généralisation à l’ensemble du territoire métropolitain des mesures de restriction sanitaire» et la «fermeture des écoles» ne sont pas forcément pertinentes, même s’il faut se féliciter de l’annonce sur la réouverture des lieux culturels. Dès lors il importe «des mesures de compensation financière et le rétablissement de l’activité partielle sans reste à charge pour les entreprises concernées» et, parallèlement, que soit précisé le calendrier vaccinal. Dans sa contribution au projet du ministre délégué aux PME sur les indépendants, l’organisation préconise des mesures spécifiques anti-crise et, notamment de «considérer la Covid comme un cas de force majeure», justifiant «une protection sociale en 2021», un report des «échéances 2021 des prêts liés à l’achat de leur résidence principale», une annulation des «reliquats de cotisations sociales», une suspension de «l’inscription (…) au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) lorsqu’ils n’ont jamais connu d’incidents de paiement avant mars 2020», sans oublier un soutien psychologique.
Pour l’Union des entreprises de proximité, qui «regrette une nouvelle fois l’absence de concertation préalable avec les représentants des entreprises et des salariés», la généralisation ne se justifie pas non plus. Dans la mesure où, en outre, nombre d’entreprises ne bénéficient pas des dispositifs d’aide, il convient que le Gouvernement prépare «plus en amont la reprise des activités aujourd’hui soumises à fermeture administrative». En outre, l’organisation patronale exige «que les objectifs fixés par le Président de la République en matière de vaccination soient réellement atteints».
De même, l’institution ordinale des experts comptables demande que le nouveau confinement soit compensé par des aides spécifiques pour les petites entreprises. Le CSOEC préconise plus précisément: «une indemnité partielle pour les dirigeants de TPE/PME», un étalement sur «10 ans» des «dettes Covid», «de libérer l’épargne accumulée ces derniers mois par les Français et ainsi créer l’étincelle qui allumera le feu de la relance».
Pour un calendrier de réouverture de tous les commerces
De l’avis de Joël Fourny, président de CMA France, «Il est maintenant impératif de redonner de l’espoir et des perspectives claires à ces artisans qui font vivre nos territoires et seront les piliers de la relance». L'institution consulaire souhaite en particulier des «ajustements (…) sur la liste des professions pouvant exercer», le maintien des «aides financières mises en place» ainsi que des «mesures de soutien adaptées à certaines filières qui (…) ne pourront redémarrer immédiatement». Considérant qu'il faut maintenant «des perspectives concrètes», elle conclut qu'un «calendrier de réouverture de tous les commerces doit être mis en place rapidement».
Le Conseil national des centres commerciaux prend acte de la nouvelle période de fermeture, mais tient néanmoins à rappeler que «aucun “cluster” n’a été constaté dans un centre commercial depuis le début de la crise», et maintient sa «proposition de protocole renforcé pour que tous les centres commerciaux puissent rouvrir à l’issue de cette nouvelle période de fermeture». Dans l’attente, il demande au Gouvernement d’autoriser «les magasins dans les centres commerciaux à pratiquer le “click&collect”, en y laissant ouverts tous les commerces de première nécessité en plus des magasins alimentaires et des pharmacies».
Des exigences d’aide complémentaire
L'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) salue le décret du 24 mars dernier sur la compensation des coûts fixes mais juge que «le compte n'y est pas». L'organisation professionnelle déplore notamment le seuil de chiffre d'affaires mensuel qui conduit à exclure «quasiment toutes les TPE, PME et ETI du secteur» du tourisme par autocar. Elle réclame la suppression de ce seuil, «le maintien de la mesure renforcée d'activité partielle (…) a minima jusqu'au 30 juin», «la possibilité de décaler le remboursement des crédits pour au moins 6 mois supplémentaires» et «le versement d'une aide au véhicule de tourisme calculée sur le montant des échéances de prêts».
La Fédération des entreprises de crèches s’engage à ce «que chaque enfant dont le parent doit être soutenu à compter de ce lundi 5 avril puisse bénéficier du service minimum d’accueil, dans son établissement habituel ou dans un établissement à proximité». Mais elle exige en premier lieu que «les professionnels de la petite enfance (soient-NDLR) vaccinés sans délais comme les personnels de l’Éducation nationale». Sur le plan économique et social, elle préconise «la réactivation (…) de l’activité partielle à 100% et la possibilité de (…) suspension des loyers», «le rétablissement des aides de la CAF pour les établissements fermés», un «soutien supplémentaire spécifique pour les établissements qui seront partiellement ouverts».
Le recours à la solidarité
L’Ordre des notaires mobilise la profession au bénéfice des étudiants en droit. Une opération de parrainage, d’une durée de 3 mois et baptisée «un notaire/un étudiant», «permettra aux étudiants (…)d’échanger et d’être conseillés par des notaires à propos de leur orientation, des thèmes étudiés, de la méthodologie de travail et l’organisation du monde judiciaire et juridique, du travail du notaire» ainsi que sur leur «situation psychologique». L’échange se fera a priori par visio-conférence mais pourra ensuite avoir lieu dans une étude.
Réagissant aux mesures annoncées par le Président de la République (31 mars), l’UIMM juge favorablement «la volonté affichée de maintenir l’activité économique autant que possible» et «les perspectives données sur la reprise de l’activité dans les secteurs aujourd’hui à l’arrêt». L’organisation professionnelle va «adapter le protocole sanitaire de la branche (…), le communiquer à l’ensemble de nos adhérents et l’appliquer avec rigueur, en particulier s’agissant du télétravail qui sera mis en œuvre partout où cela est possible». Elle demande néanmoins aux «pouvoirs publics (de-NDLR) proposer des solutions de proximité aux parents d’élèves dont l’activité ne peut s’effectuer en télétravail».
Les syndicats tirent la leçon très « négative » des restrictions sanitaires
Du côté des syndicats de salariés, on incrimine la politique du Gouvernement, son refus de changer de cap.
Un plan d’urgence pour l’école
Ainsi, la Fédération syndicale unitaire se dit «inquiète des conséquences dramatiques de cette gestion incohérente et de ce reconfinement», traduites notamment par le refus du ministre de l’Éducation de prendre en compte les suggestions des personnels de terrain «pour améliorer (…) les possibilités d’aération», diminuer le nombre d’élèves par classe «grâce à des recrutements supplémentaires et la réquisition de locaux», préciser un «calendrier de vaccination des personnels au contact des usager-es et des élèves».
Pour la FSU, une «clarification très rapide des objectifs et des modalités (permettant-BDLR) de maintenir le lien scolaire s’impose, incluant «le temps laissé aux équipes pour s’organiser, les moyens donnés aux équipes pluri-professionnelles pour assurer un suivi des élèves et (la-ndlr) recherche de solutions pour les familles ne disposant ni de matériel informatique ni de la connexion nécessaires», ainsi que «des décisions rapides sur l’aménagement des programmes et les examens». Plus généralement, le syndicat demande «un réel plan d’urgence pour l’école, afin de la doter de moyens exceptionnels dès la rentrée de septembre» de même qu’un «plan d’urgence pour les plus démunis: hébergement (…), distribution alimentaire, accès aux soins, augmentation des minima sociaux».
Libérer les brevets des vaccins
La Confédération générale du travail dénonce le fait que, malgré ses alertes, le Gouvernement ait privilégié des «suppressions de moyens», dans la santé, l’éducation. Pour la CGT, il faudrait «un plan d’urgence massif pour l’emploi dans l’éducation et les universités» et, il y a tout lieu de craindre un «risque de dérives en matière de droit du travail rendu possible dans le cadre de la prolongation de la loi d’urgence (jours de congé imposés, remise en cause de la prise en charge en chômage partiel, etc.)». En outre, les dispositions concernant les vacances scolaires, le télétravail, la vaccination, les réouvertures prochaines sont inadaptées. Concernant plus spécifiquement le manque de vaccins, le syndicat juge nécessaire de «faire des vaccins un bien humain mondial, libérer les brevets».
Pour Solidaires, «il faut revoir immédiatement notre système de santé publique: ouvrir des lits, embaucher du personnel» et, plus généralement, rompre avec «le libéralisme économique et dans une vision pyramidale de la société qui ne prend pas en compte les capacités d’organisations et de constructions de protocoles sanitaires».Solidaires réclame donc «de rendre public les brevets sur les vaccins COVID», un «renforcement massif en moyens et personnels dans les services publics et particulièrement la santé et l’éducation», «l’interdiction des licenciements» ainsi que «le conditionnement social et écologique des aides aux entreprises». Des mesures sociales doivent aussi être prises: hausse du Smic et des retraites, accès élargi au RSA, partage du temps de travail, et «abrogation de la réforme de l’assurance chômage».
Pour sa part, la Fédération des associations générales étudiantes, si elle se félicite du «maintien de l’ouverture des universités», appelle à des «solutions structurelles pour permettre à la jeunesse de sortir de la crise»: «réforme structurelle ainsi qu’une revalorisation des montants des bourses sur critères sociaux», «ouverture de la garantie jeune universelle» et, dès à présent, un «investissement d’urgence pour les jeunes», au delà des seuls étudiants.
Garantir certains droits sociaux
Le syndicatForce ouvrière, au vu des avis contradictoires du tribunal de Nanterre (10 mars 2021) et du tribunal judiciaire de Paris (30 mars 2021), demande aux pouvoirs publics que «soit garanti aux télétravailleurs le droit aux titres-restaurants dès lors que les salariés sur site en bénéficient».
De son côté, la fédération Interco CFDT demande que les travailleurs des services funéraires soient considérés comme personnels prioritaires pour la garde de leurs enfants. Le syndicat constate en effet que «la reconnaissance des risques professionnels et de leur exposition à la Covid n’est pas entendue» et rappelle que «il s’agit d’une mesure de solidarité, nécessaire à la qualité du service public rendu aux familles des défunts». Il «mettra tout en œuvre pour que (ces-NDLR) personnels (…) bénéficient de la reconnaissance promise par le Président de la République aux travailleurs de la 2e ligne».
Les incertitudes planent toujours sur la stratégie sanitaire
Le syndicat professionnel pour une médecine libre se dit favorable à l’accès le plus large aux auto-tests Covid. Pour l’UFML, en effet, «la vaccination seule ne permettra pas d’en finir avec la crise. Il faut différentes mesures et actions (vaccinations, autotests, tests salivaires répétitifs avec pooling en lieux stables, retro-tracing, politique de l’air intérieur…) qui s’ajoutent les unes aux autres». Considérant que «l’auto-test n’est en rien un dispositif médical (les tests d’alcoolémies sont largement disponibles), mais bien un test qui doit être reproductible à tout moment et en toux lieux», l’Union se prononce pour une «multiplication des lieux d’accès» (et non au seul périmètre des pharmacies-NDLR), doublée d’une «diminution du prix, pour des autotests à un euro».
Le syndicat des médecins remplaçants obtient de l’assurance maladie la garantie qu’ils seront rémunérés à l’égal des autres médecins pour leur participation à la vaccination. Reagjir précise que «un changement sera appliqué au téléservice “Vaccin Covid” pour que les remplaçants puissent indiquer le numéro d’assurance-maladie du médecin remplacé (via un contrat d’adjoint ou d’assistant). Ce forfait pourra alors être rétrocédé par le médecin installé». Cette «victoire» se double de la «bonne nouvelle que (…) les médecins remplaçants interviendront à titre “autonome” dans les centres de vaccination (e-NDLR) seront payés directement par l’Assurance-maladie selon la grille de forfait de vacation de vaccination», même s’il ne bénéficieront pas du «forfait de saisie», comme souhaité par Réagjir.