La situation générale est dominée par le manque de lisibilité de la politique publique sur la vaccination (accès aux vaccins, question des variants, publics cibles), dont l’efficacité relative empêche ou freine la reprise d’activité économique. Les dispositifs d’aide publique continuent de se déployer, mais certains secteurs se sentent toujours «oubliés». L’aménagement du dialogue social, s’il peut apporter une réponse partielle à la crise, est plus ou moins facile selon les secteurs, à l’exemple de la négociation sur le télétravail que le Gouvernement souhaite voir être la règle commune.
Aspects sanitaires: la vaccination toujours en question
Le Conseil national des professions de santé appelle à la mobilisation générale pour repérer et prévenir les effets des variants au virus Covid. Le CNPS préconise un «renforcement de la stratégie “dépister, tracer, isoler”». Concrètement, il appartient aux professionnels de «convaincre les patients» que: les «opérations de tracing et d’isolement doivent être déclenchées dès la réception du résultat du test de première intention, antigénique ou PCR»; «la mise en œuvre de l’isolement précoce des personnes porteuses d’un variant est stratégique»; «chaque patient contaminé a la possibilité d’accepter une visite domiciliaire sanitaire infirmière proposée par l’assurance maladie».
Pour sa part, le Collège de la médecine générale a élaboré une fiche pratique détaillée pour préparer les médecins généralistes au lancement de la vaccination avec le vaccin AstraZeneca®. Il précise néanmoins qu'en dehors «de la logistique particulière, cette vaccination rentre dans les habitudes des médecins généralistes qui pratiquent quotidiennement la vaccination».
Pour le syndicat professionnel Armateurs de France, la vaccination des marins doit être prioritaire. Cette requête s'inscrit dans le cadre d'une mobilisation internationale des professionnels du secteur (Global Maritime Forum), concrétisée par la «Déclaration Neptune», par laquelle les armateurs s'engagent notamment à faire «reconnaître les marins comme des travailleurs clés et leur donner un accès prioritaire aux vaccins», «mettre en œuvre des protocoles sanitaires de référence», «faciliter les relèves d'équipage»… Il s'agit aussi d'apporter une réponse aux «difficultés opérationnelles» du transport maritime, en particulier au fait que «les relèves d’équipages sont (…) très contraintes par les mesures de prévention sanitaires, par les fermetures de frontières et par le manque de transport aérien» précise Armateurs de France.
De leur côté, les organisations professionnelles du voyage et du tour operating (EDV, Seto) suggèrent la création d'un «certificat sanitaire digital», qui aurait l'avantage de fournir des informations à jour, d'être facilement consultable, digne de reconnaissance à l'image du «“coronapass” danois», et qui ne «revient pas à se substituer à une politique publique» vu que chaque gouvernement est «libre de fixer les conditions (sanitaires-NDLR) d'accès à son territoire». Les deux syndicats professionnels considèrent en effet qu'à ce jour «rien ne prouve l'efficacité de la fermeture des frontières imposées par la France: (qui-NDLR) ne ralentit pas depuis deux semaines la propagation des “variants”», et que de plus elle n'est pas appliquée rigoureusement (exemption de test pour les transfrontaliers, tests PCR non contrôlables pour les usagers des voitures…). Parallèlement, «il est nécessaire de faciliter les déplacements indispensables à l'économie», ce tandis qu'il n'est pas «concevable d'espérer une harmonisation des politiques» étatiques.
Aspects économiques: les aides publiques nécessaires mais pas toujours suffisantes
L’annonce d'un maintien du crédit d'impôt pour les services non exclusivement dispensés à domicile réjouit le syndicat professionnel des entreprises de services à la personne. La Fedesap, qui s'était fait le défenseur, auprès des pouvoirs publics, du maintien de ce crédit au titre de la déclaration de revenus 2020, salue «une décision extrêmement positive en pleine crise sanitaire, car le portage de repas à domicile, le transport de personnes âgées vers les lieux de vaccination ou encore l’accompagnement des enfants à l’école sont plus que jamais essentiels». L'organisation professionnelle souligne aussi que le crédit d'impôt constitue un «véritable bouclier contre le travail dissimulé».
L'Acoss annonce s'agissant des charges sociales que «Les employeurs qui avaient demandé des reports de cotisations entre mars et juin 2020 recevront entre février et mai 2021 une proposition d’échéancier personnalisé». Ceux-ci disposeront d'un mois pour l'accepter, la renégocier ou solliciter un accompagnement. Cette «première vague d'envoi de propositions» des Urssaf sera suivie d'autres opérations du même ordre à l'attention des employeurs qui sont dans des situations différentes.
Consécutif au mécontentement des acteurs du secteur sanitaire, le processus de négociation post «Ségur» se poursuit, sous l’égide notamment de la mission Laforcade, dont le travail, pour être apprécié, est jugé timoré par rapport aux attentes, notamment dans le secteur médicosocial (organisations patronales comme salariales).
Pour la Fédération hospitalière française, «l’extension du complément de traitement indiciaire (CTI) de 183€ à l’ensemble des professionnels exerçant dans des structures rattachées à un établissement public de santé ou un EHPAD public (notamment les SSIAD, les structures d’addictologie, les CAMPS, les FAM, les MAS, etc)», constitue une «mesure positive» qui apporte une «cohérence d'éligibilité (…) pour l’ensemble des professionnels d’un même établissement». Pour autant, l'organisation professionnelle hospitalière estime nécessaire qu'en bénéficient également «20000 professionnels des établissements médicosociaux autonomes, en particulier du secteur handicap». Elle sera attentive à la poursuite de la mission Laforcade, dont les «membres ont conduit avec beaucoup de disponibilité et de rigueur la négociation et les travaux qui ont permis d’aboutir à l’accord» sur le CTI, mais aussi à «la qualité des travaux de mise en œuvre du pilier ressources humaines du Ségur de la Santé».
De son côté, la fédération des services publics de Force ouvrière engage une mobilisation visant à obtenir la reconnaissance du rôle des agents du service public local. FO-FPSPSS constate en effet que si «les agents territoriaux, qu’ils soient fonctionnaires, contractuels ou salariés de droit privé, ont répondu présent depuis le début de la crise sanitaire», ils «ont vu leurs droits réduits, leur temps de travail allongé, leurs conditions de travail se détériorer». Le syndicat activera ses fédérations départementales pour un «maximum d’informations sur les conséquences de cette crise sanitaire», afin d'élaborer des «analyses et revendications» qui seront ensuite adressées aux autorités gouvernementales et aux employeurs.
L’Union des métiers de l'hôtellerie constate une détérioration dramatique de l'activité et déplore, surtout, le manque de soutien public et des banques et assurances. Selon l'UMIH, «les derniers chiffres de l’activité hôtelière pour janvier 2021 sont alarmants et sans précédent dans l’histoire de la profession», et de préciser «voilà le drame des presque 18000 hôteliers français: leurs établissements sont juridiquement ouverts mais économiquement fermés». Le syndicat professionnel estime que «cette réalité est niée par le Gouvernement. La situation devient intolérable quand nous voyons à l’inverse d'impétueux groupes nationaux et/ou mondiaux sans vergogne, s'enrichir de notre misère». Un état de fait imputable notamment à: un prêt garanti par l'État, mais qui «reste de la dette, qui plombe les bilans des entreprises et (…) met en péril la capacité future d’investissement et d’innovation», ce tandis que «les banques refusent de repousser leurs échéances de prêts bancaires», et que «les assureurs renâclent toujours à indemniser (et) vont jusqu’à imposer la signature d’avenants pour supprimer ces clauses “pandémie” ou “fermeture administrative”». En outre l'accès au fonds de solidarité et aux aides n'est pas simple.
Exemple, en revanche, d’une mobilisation conjuguée des organisations professionnelles et des pouvoirs publics, le syndicat professionnel des prothésistes dentaires prend sa part de la mise en œuvre du plan «1 jeune, 1 solution», destiné à soutenir les jeunes générations dans le contexte de la crise sanitaire, économique et sociale. L'UNPPD s'engage, à ce titre «à ce qu’au moins 350 laboratoires de prothèse dentaire rejoignent le mouvement “les entreprises s’engagent” pour les jeunes dans les prochains mois, en partageant leurs intentions de recrutement», en contrepartie de l'accessibilité au plan de relance de la profession.
Le dialogue social à la mesure complexe de la crise
La principale organisation patronale et les syndicats de salariés de la branche Assurances soulignent la contribution du dialogue social à la continuité du service depuis le début de la crise sanitaire. La Fédération française de l'assurance et ses partenaires sociaux (CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa) «réaffirment leur total investissement dans leurs missions et valeurs afin que le secteur de l’assurance remplisse son rôle de protection face aux risques et de financement de l’économie».Dans le cadre d'un «dialogue social exigeant et de qualité, lequel est la marque de la branche et des entreprises qui la composent», ont été actées des dispositions spécifiques à la sécurité sanitaire des personnels comme des clients («recommandations des autorités sanitaires» appliquées à la lettre, «protection collectives et individuelles» en agences et réseaux; recours massif au «télétravail»). Les partenaires sociaux s'attachent à conclure dans le courant du premier trimestre de cette année, «une négociation de branche sur le télétravail».
Autre conséquence de la crise, le souhait du Gouvernement d’une généralisation du télétravail doit faire l’objet de mesures négociées. Pour l'organisation multi-professionnelle Croissance Plus, les pouvoirs publics doivent mieux accompagner les entreprises pour une généralisation réussie du télétravail. Si les entreprises adhérentes de l'organisation «s'emploient à accélérer la mise en œuvre du télétravail», ils n'en rappellent pas moins qu'ils «ne peuvent pas prendre en compte de manière exclusive la variable de risque d’infection» et «sont comptables de la santé psychologique de leurs salariés». C'est pourquoi Croissance Plus suggère au Gouvernement de préférer «confiance et accompagnement» des entrepreneurs à une «injonction verticale intransigeante».
Côté syndicats de salariés, la fédération des cadres de Force ouvrière interpelle les employeurs de la branche des bureaux d'études pour que s'ouvre une négociation. Si la FEC-FO partage l'objectif de privilégier le télétravail pour faire face à la crise sanitaire, elle n'en exige pas moins qu'il fasse l'objet d'un «encadrement précis».Constat fait que des négociations s'engagent dans les secteurs de l'Assurance, la fédération souhaite qu'elle puissent aussi s'ouvrir au niveau des bureaux d'études, avec l'intention de défendre les principes de «volontariat» et du «droit de retour», «ouverture à tous les champs professionnels», «prise en charge des frais» du salarié, «maintien des prérogatives des IRP (instances représentatives du personnel–DLR) et des organisations syndicales».
Communiqué UMIH – 12 février 2021
Communiqué Fedesap; Communiqué FHF; Communiqué commun EDV, Seto; Communiqué FO-FSPSS; Communiqué UNPPD, ministère du Travail, ministère de l'Économie – 11 février 2021
Communiqué ACOSS - 11 février 2021
Communiqué Collège de la médecine générale - 11 février 2021
Communiqué CNPS; Communiqué Armateurs de France; Communiqué FEC-FO – 10 février 2021
Communiqué commun FFA, CFDT, CFE-CGC, CFTC, UNSA; Communiqué Croissance Plus – 9 février 2021