La déclaration de politique générale du Premier ministre à l’assemblée nationale, suscite des réactions «réservées», du côté des organisations syndicales de salariés au premier chef, mais aussi du côté des organisations professionnelles d’employeurs.
Le point de vue des syndicats de salariés
Ainsi, pour la Confédération générale du travail, il n’y a «aucune prise en compte réelle des aspirations à plus de justice sociale, plus de justice fiscale, plus de démocratie et d’actes forts sur les enjeux environnementaux et de la biodiversité». L’institution professionnelle dénonce l’absence de mesures sur les «salaires», «la lutte contre le chômage», «le besoin d’embauches massives dans les services publics». Elle s’oppose en particulier à la «mise en place de maisons de service au public (…) projet où le statut des fonctionnaires serait absent et où les missions de service public confiées à des opérateurs privés». Elle appelle en conséquence «l’ensemble des travailleurs, des retraités, des privés d’emploi et de la jeunesse à envisager la construction de mobilisations sociales pour imposer d’autres choix. La fédération des cadres de la CGT (UGIC-CGT) et la Confédération française de l’encadrement-Confédération française des cadres ont par ailleurs décidé de lancer en commun une pétition de protestation contre l’annonce d’une «dégressivité et le plafonnement des allocations chômage des cadres» (site de la CFE-CGC, 11 juin 2019).
Côté Force ouvrière, on estime que le Gouvernement ne s’adresse pas «au dialogue social et à ce que portent les syndicats», dont la place devrait en outre encore plus réduite à l’issue de la «réforme du CESE». Pour l’institution professionnelle, la réponse à la demande de pouvoir d’achat par la réduction d’impôt est inappropriée et il faudrait une «augmentation du Smic ainsi que de la valeur du point d’indice des fonctionnaires, ainsi que la relance des négociations de branches sur les salaires». Rappelant que, sur l’assurance chômage, «l’échec de la négociation vient à la fois du cadrage imposé par le Gouvernement et de son ingérence», FO se dit à la fois opposée au «durcissement de l’entrée dans les droits», à la «dégressivité que veut imposer aux cadres le Gouvernement», et en attente de «précisions concernant le bonus-malus sur les contrats courts». Hostile «à un régime universel par points qui à l’évidence conduira à un recul des droits» à la retraite, la confédération réaffirme «sa détermination à mobiliser les salariés».
L’Union syndicale Solidaires se montre également très critique, estimant notamment qu’ «il garde le cap sur (…) promesses de campagnes et annonces déjà faites qui détricotent ce qui reste de notre modèle social». L’institution professionnelle relativise les baisses d’impôt et le «coup de pouce au pouvoir d’achat», du fait qu’ils affectent «l’impôt le plus juste car progressif», s’accompagnent d’un «véritable laminage des services publics, de leurs missions ou leurs implantations», ne se traduisent pas en augmentation Smic ni des salaires. Solidaires n’apprécie pas la «notion d’âge d’équilibre» pour les retraites, ni des «heures supplémentaires défiscalisées: incitation à travailler plus avec un mécanisme qui freine la création d’emplois et réduit les recettes fiscales». Les mesures relatives à la transition écologique lui apparaissent «très loin de de la rupture nécessaire pour répondre à l’urgence climatique».
Si la Confédération française et démocratique du travail se montre plutôt favorable à la «feuille de route (…) sur les questions environnementales», elle n’en précise pas moins qu’elle «jugera aux actes». Favorable aux annonces sur la création à terme d’une maison France services par canton», l’institution professionnelle rappelle toutefois que «les services publics nécessitent aussi des moyens humains et organisationnels». Son opposition est plus affirmée en ce qui concerne «une réforme de l’assurance chômage qui demande des efforts considérables à tous les chômeurs, notamment les plus précaires, et n’impose un bonus-malus qu’à cinq à dix branches professionnelles» et concernant celle des retraites à «un âge d’équilibre identique pour tous qui n’est ni nécessaire financièrement ni juste pour celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt». La CFDT attend que le «changement de méthode» se traduise par une écoute de «toutes les organisations engagées dans les propositions du pacte social et écologique pour donner à chacun le pouvoir de vivre».
Le point de vue des organisations patronales
La Confédération des petites et moyennes entreprises se montre réservée, nonobstant son avis favorable à l’idée de «rendre plus propre l’économie», dont elle estime toutefois qu’il doit être corrélé avec la possibilité pour les «entreprises de s'adapter et de ne pas ouvrir de périodes d'incertitude préjudiciables». La CPME s’oppose clairement aux dispositions relatives au bonus-malus, aux allocations dégressives pour les cadres, et dans une moindre mesure à «l'obligation de mettre en place un accord d’intéressement» en préalable à la «prime exceptionnelle désocialisée et défiscalisée».
Pour l'Union des entreprises de proximité le «tournant (…) d'une meilleure association des citoyens et des corps intermédiaires aux décisions gouvernementales» est appréciable et les « réformes annoncées (…) visent à répondre à une grande urgence et à une forte ambition». L'institution professionnelle salue par ailleurs la «volonté (…) de combattre le millefeuilles territorial». Elle souligne cependant la nécessité de traiter les «handicaps» que constituent les «situations de concurrence déloyale», le «poids des prélèvements obligatoires» et la «complexité administrative». Opposée à la «sanction des entreprises qui ont recours à des contrats de courte durée», l'U2P plaide pour que l'accompagnement du retour à l'emploi soit renforcé. Elle se réjouit, enfin, de la reconduction de la «prime défiscalisée et désocialisée» dont elle souhaite qu'elle soit «pérénnisée».
Le président de CMA France, Bernard Stalter, apprécie le fait «d’associer les membres de la société civile et les acteurs socio-économiques aux décisions gouvernementales». Il estime aussi que les «nombreuses annonces de ce jour ont (…) confirmé le diagnostic partagé depuis plusieurs mois par les artisans, auditionnés dans le cadre du Grand débat mené par CMA France et le réseau sur l’ensemble des territoires», à savoir la nécessité de : «exonération des charges sociales patronales pour l’embauche du premier salarié ou d’un salarié supplémentaire», «TVA de compétitivité ciblée sur les biens et services produits hors Europe», augmentation significative du nombre des jeunes formés dans les CFA, «aides spécifiques pour l’achat ou la location des véhicules professionnels moins polluants»… Mais il insiste sur le fait que «l’atteinte des objectifs du Gouvernement ne passe pas uniquement par les grands groupes».
Communiqué CGT; Communiqué Force ouvrière; Communiqué CFDT; Communiqué CPME; Communiqué U2P; Communiqué APCMA – 12 juin 2019; Communiqué Solidaires – 13 juin 2019