La réforme de l’assurance chômage, présentée par le Premier ministre et la ministre du Travail, le 18 juin 2019, est loin de satisfaire les partenaires sociaux, plus particulièrement les syndicats de salariés.
La position des confédérations nationales interprofessionnelles de salariés
La Confédération générale du travail juge qu’il s’agit de «mesures très dures : des travailleurs déjà très précaires vont perdre toute indemnité, d’autres vont voir baisser leurs droits, y compris des cadres» et note que le Gouvernement «n’a retenu aucune mesure proposée par les syndicats en particulier de la CGT, qui a proposé d’augmenter le nombre d’indemnisés en abaissant le seuil ou de mettre à contribution les gros employeurs qui abusent des contrats précaires et les imposent à leurs sous-traitants».
La Confédération française des travailleurs chrétiens note «sans surprise » que «le Gouvernement s’en est tenu à sa lettre de cadrage dont les marges de manoeuvre, jugées trop faibles par les partenaires sociaux», tout en s’interrogeant sur le fait que «si les économies annoncées (…) sont au rendez-vous (…), l’emploi sera-t-il aussi au rendez-vous ?». L’institution professionnelle considère être «confiscatoire» la «dégressivité des indemnisations des demandeurs d’emploi qui bénéficiaient d’un revenu supérieur à 4500 € brut par mois», auxquelles elle aurait préféré «des allocations et des cotisations déplafonnées». Même réserve sur l’efficacité du bonus-malus, auquel elle aurait préféré une principe de «surcoût pour les recours abusifs». La CFTC accueille favorablement les mesures concernant l’accompagnement, mais elle rappelle aux pouvoirs publics que faute de résultat en matière d’emploi et de pérennisation du système, «il faudra changer de politique».
La Confédération française et démocratique du travail dit ne pas partager une vision qui «a pour principal objectif de faire des économies en baissant les droits des demandeurs d’emploi». L’institution professionnelle rappelle que « le chômage n’est pas un choix (…) et que le système d’indemnisation chômage doit permettre de sécuriser les demandeurs d’emploi par un bon niveau d’allocation, tout en leur offrant un accompagnement personnalisé». En outre, les mesures concernant le bonus-malus lui semblent limitées, c’est-à-dire aussi injustes et risquant «de n’avoir que peu d’effets sur le comportement des entreprises et leur responsabilité à agir concrètement sur la qualité des emplois». Au vu de quoi elle «appelle à un rassemblement le 25 juin prochain». Une mobilisation à laquelle se joignent, outre la CFTC, la CFE-CGC et l'UNSA, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE ), qui demande que «l'ensemble des secteurs d'activités soient concernés» par le bonus-malus et affirme son opposition aux nouvelles conditions d'accès aux droits vu que «la précarité chez les jeunes est de plus en plus présente et où, pour rappel, les jeunes de moins de 25 ans n’ont pas accès au RSA».
Pour la Confédération française de l’encadrement-Confédération française des cadres ,« le 18 juin 2019 restera dans l’histoire sociale de notre pays comme un jour sombre, annonciateur de puissants orages». Rappelant notamment que la lettre de cadrage soumise aux partenaires sociaux était «intenable», l’institution professionnelle fustige un Gouvernement qui «assassine le caractère assurantiel du régime». La CFE-CGC note par ailleurs que la «dégressivité des allocations ne marche pas, c’est désormais une vérité établie scientifiquement», et qu’elle a plutôt des effets néfastes sur l’emploi qualifié, l’échelle des compétences. Elle juge par ailleurs le sort fait aux cadres comme une «faute impardonnable», doublée de la «faute morale de prétendre faire cela au nom de la justice sociale en privant de leurs droits ceux qui contribuent le plus à la solidité du système par leur contribution à la solidarité intercatégorielle».
Pour Force ouvrière, il s’agit d’une «réforme qui (…) conduit à sanctionner les demandeurs d’emplois précaires» et fait «payer aux demandeurs d’emplois et à l’assurance chômage l’échec cumulé des politiques économiques en matière d’emploi». L’institution professionnelle pointe, à cet égard, le «durcissement des conditions d’ouverture de droits… (qui-NDLR) privera plus de 300 000 demandeurs d’emplois d’un droit à l’indemnisation», «l’allongement de la durée requise», le «calcul de l’indemnisation sur le salaire mensuel moyen (y inclus les jours non travaillés… (qui–NDLR) aboutira à une baisse de l’allocation mensuelle», ainsi que la «mesure de dégressivité pour les cadres». L’institution professionnelle considère que «le système de bonus-malus annoncé (…) est insuffisant (…) En outre il est neutre pour les entreprises (…) quand les demandeurs d’emplois seront mis à contribution exclusivement». Réservée sur «l’effet à attendre de la taxation des CDDU», FO salue les «mesures d’accompagnement renforcé au retour à l’emploi» mais émet des doutes sur le bien fondé de «la disposition consistant à sous-traiter l’accompagnement concernant les demandeurs d’emplois en activité réduite».
L’Union nationale des syndicats autonomes, via son secrétaire général Laurent Escure, dénonce comme un «raccourci trop simpliste et inquiétant» le fait de «prétexter une conjoncture économique soi-disant plus favorable (…) et que des offres d’emploi ne sont pas pourvues, pour réduire les droits des demandeurs d’emploi». Les règles du bonus-malus «ne sont pas à la mesure des enjeux» et n’auront que peu d’effet sur le comportement des entreprises, tandis que la «dégressivité de l’indemnisation pour les revenus supérieurs à 4500 euros bruts (…) n’est qu’une mesure d’ajustement budgétaire» pouvant en outre augurer «d’une remise en cause du caractère assurantiel et universel de notre système». Quoique favorable au dispositif sur l’accompagnement, l’UNSA «attend des engagements de moyens et de ressources précis».
Le point de vue des confédérations patronales interprofessionnelles
La Confédération des petites et moyennes entreprises dénonce comme «mesure à caractère politique, l’instauration d’un bonus-malus sur les contrats courts», dont l’effet sera «d’augmenter les charges des entreprises ciblées», non sans rappeler que «le secteur public pourtant grand utilisateur de contrats courts ne sera pas concerné». La CPME n’apprécie pas, non plus la «taxe forfaitaire de 10 € sur les CDD d’usage», ni le retour des «seuils sociaux pourtant combattus dans la Loi Pacte», ni enfin «la dégressivité de l’indemnisation des plus hauts salaires, à effet quasi nul pour les finances du régime, et (ayant-NDLR) un caractère punitif, notamment pour les entreprises qui ne verront pas en face baisser leurs cotisations». Elle se dit en revanche favorable à «l’allongement de la durée d’affiliation nécessaire pour être indemnisé».
L'Union des entreprises de proximité se dit favorable aux «mesures destinées à améliorer le retour à l’emploi des chômeurs et à rééquilibrer les comptes du régime», à savoir les nouvelles règles concernant l’indemnisation (accès, plafonnement, dégressivité. Si elle constate avec satisfaction « le choix (…) d’exonérer les entreprises de moins de 11 salariés et les contrats en alternance du dispositif de bonus-malus», elle n’en relève pas moins qu’« instaurer un bonus-malus sur les cotisations patronales d’assurance-chômage ou (…) taxer l’embauche d’extras (CDD d’usage)» génère «le risque (…) de dissuader purement et simplement les entreprises d’embaucher». Son président Patrick Liébus demande «au Gouvernement de ne pas mettre d’obstacles infranchissables pour nos entreprises».
L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire prend plus spécifiquement position sur le volet bonus-malus. Si l’institution professionnelle «accueille favorablement la décision du Gouvernement de ne pas majorer la taxation des contrats courts dans les secteurs des services à la personne et du médico-social», elle n’en regrette pas moins «la taxation forfaitaire» sur les CDD d’usage, dont elle «craint un effet contreproductif sur l’emploi (…) notamment dans le sport et l’animation». Le président de l'UDES, Hugues Vidor, considérant que «la trajectoire d’économies recherchée ne doivent pas se faire au détriment des plus fragiles», plaide comme «indispensable de muscler tous les dispositifs d’accompagnement notamment les PEC qui, dans leurs paramètres actuels ne sont pas adaptés aux besoins des publics et des employeurs, et de donner les moyens aux intermédiaires de l’emploi (…) de remplir au mieux leurs missions».
Le point de vue de diverses organisations patronales
Prism'emploi se dit défavorable à la mise en œuvre du bonus-malus en l'état, dans la mesure où elle relève d'un «amalgame opéré en les contrats courts et le travail temporaire qui, lui, apporte une protection sociale élargie (mutuelle et prévoyance), des droits à la formation professionnelle et des dispositifs d’action sociale particulièrement efficaces pour faciliter l’accès à l’emploi des nombreuses personnes». L'institution professionnelle souhaite donc une taxation supérieure à celle envisagée (10 euros par contrat) sur les «CDD d'usage», et préconise, plus largement afin «de modifier les comportements d'embauche», «d'accélérer encore la mise en œuvre de la réforme de la formation», de s'inspirer de «l'action du FAS-TT», de supprimer les «obstacles législatifs» à la «transformation des contrats de travail temporaire en CDI intérimaire».
Pour le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie & de la restauration (GNI-Synhorcat), la réforme annonce un «nouveau matraquage fiscal», à travers la «taxe extra», mais aussi et surtout du fait du «malus de l’ordre de 3 à 5% de la masse salariale des entreprises du secteur». Son président Didier Chenet estime donc que «le Gouvernement fait ce qu’il y a de pire en appliquant à l’aveugle son dogme. Recruter en CDI n’est pas possible quand on travaille à la commande». De son côté, l'Union des métiers de l'hôtellerie (UMIH), tout en saluant une «réforme qui doit faire évoluer le marché du travail, encourager le retour à l’emploi (…), baisser la précarité des salariés et faire des économies dans le budget de l’État», regrette qu'elle «fasse supporter sur seulement sept secteurs le poids de la dette de l’assurance chômage en instaurant le bonus-malus. Cette mesure apparait comme discriminatoire. Le recours au contrat court est inhérent au pic d’activité dans l’hôtellerie-restauration».
L’Union nationale des industries de l'impression et de la communication (UNIIC) considère que la disposition relative au bonus-malus qui s'appliquera à un certain nombre de secteurs relève d'un «amalgame de grandes filières économiques» et a été prise «sans consultation des branches concernées». L'UNIIC tient à rappeler que le secteur «recrute l’immense majorité de ses collaborateurs (…) sous la forme de CDI, et priorise en alternance ce type de contrat dès l’embauche, tant la fidélisation d’opérateurs de plus en plus autonomes et polycompétents dans leurs emplois est la priorité des entreprises». L'institution professionnelle a donc estimé nécessaire de saisir, dès le 19 juin, «le cabinet de (…) ministre du Travail, la présidente du groupe d’études parlementaire de la filière imprimée, en vue notamment d’une question écrite au Gouvernement portant sur la prise en compte au plus vite des spécificités sectorielles attestées par les statistiques emplois/compétences».
Pour autant qu'elle soit favorable à l'idée de «e réduire la précarité de l’emploi, en renforçant la qualification des salariés et en construisant de véritables parcours d’insertion professionnelle», la Fédération de la plasturgie et des composites demande cependant la «suspension de la mesure du bonus-malus sur les contrats courts pour son secteur». L'organisation professionnelle rappelle, par la voix xde son président Jean Martin, que «la profession doit redoubler d’efforts pour réaliser sa transition énergétique et gagner en compétitivité. Aujourd’hui, les plasturgistes ont recours à des contrats courts lorsqu’ils ont besoin de davantage de visibilité pour conforter leur croissance durable, et donc l’emploi», ce d'autant qu'une grande partie du secteur travaille en sous-traitance et subit «des délais de paiement trop longs, de mauvaises pratiques d’achat (…) des acheteurs qui privilégient le prix sur la valeur ajoutée apportée à long-terme».
Communiqué Prism'emploi; Communiqué UNIIC – 20 juin 2019;– Communiqué FAGE – 19 juin 2019; Communiqué CGT; Communiqué CFTC;Communiqué CFDT; Communiqué CFE-CGC; Communiqué FO; Communiqué UNSA; Communiqué CPME; Communiqué U2P; Communiqué UDES; Communiqué GNI-Synhorcat – Communiqué UMIH – 18 juin 2019 – Communiqué FPC