Le projet de loi de finances pour 2020 suscite de nombreuses réactions d'insatisfaction au sein des organisations professionnelles patronales et syndicales. Pour des raisons diverses, parfois inverses, le texte est considéré comme une «occasion manquée» de donner plus de cohérence à l'action des pouvoirs publics au regard notamment de l'enjeu de la transition écologique.
Des mesures sociales partielles contredites par les réformes de la protection sociale ?
L'Union nationale des syndicats autonomes apprécie «certaines mesures (qui – NDLR) semblent marquer une prise en compte des demandes sociales et écologiques», ainsi que le «renoncement à une réduction importante des effectifs globaux de la fonction publique», mais dit s'interroger sur diverses orientations telles que «non indexation sur l’inflation d’un grand nombre de prestations sociales», «gel des salaires de la fonction publique», «baisse des effectifs dans certains ministères clés». L'UNSA pointe aussi «le décalage entre la volonté affichée de lutte contre la pauvreté et la récente réforme de l’assurance chômage».
Force ouvrière prend acte de la «baisse d’impôts importante à destination des ménages», ainsi que de la «nouvelle réduction de la fiscalité de l’ordre de 1 milliard d’euros» pour les entreprises, mais indique que ces baisses d’impôts «ne peuvent s’apparenter à une politique de justice sociale», ce d'autant qu'elles s'accompagnent de «plusieurs mesures qui vont venir impacter les salariés» — «nouvelles réductions (…) des aides au logement», «poursuite de la politique de réduction du nombre d’agents de la fonction publique», «économies importantes sur les collectivités territoriales», «économies de 3.4 milliards d’euros d’ici 2022, dont 1,2 milliard en 2020 (…) réalisées sur les indemnités chômage». Pour FO, «la réduction du périmètre de l’Etat et de la sécurité sociale, loin de constituer une nécessité est un choix politique», d'autant plus regrettable que «le Gouvernement rate une opportunité historique pour réorienter sa politique économique dans un sens volontariste en faveur des services publics de proximité et vers des investissements publics dans les infrastructures et la transition écologique».
Des orientations que ne soutiennent pas la compétitivité des filières et des entreprises ?
Pour le Mouvement des entreprises de France, ce projet «ne contient pas les mesures susceptibles de renforcer la compétitivité des entreprises, de favoriser l’investissement, moteur de la croissance au premier semestre 2019, et de soutenir les créations d’emplois». L'organisation patronale regrette notamment la « limitation de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) applicable sur les charges sociales dans certains secteurs, coup de rabot sur le gasoil non routier (GNR), sur le régime fiscal pour le mécénat, sur le crédit impôt recherche (CIR)», ce d'autant que d'autres mesures relevant du PLFSS et de divers projets de loi auront un impact supplémentaire: ce qui aboutit au final à ce que «l'affichage d’une baisse d’impôts d’un milliard d’euros pour les entreprises se traduira en réalité par une hausse globale de la fiscalité». Le Medef considère qu'il y a le risque d'un «arrêt de la politique de l’offre», alors même que l'effort des entreprises a été très conséquent. L'organisation patronale regrette encore qu'il ne prévoit pas «l’indispensable réduction de la dépense publique», laquelle progressera «de 0,7 % en volume l’an prochain» et plaide auprès des parlementaires pour la suppression «dès cette année la C3S, comme le recommande le Conseil d’analyse économique».
La Confédération des petites et moyennes entreprises manifeste des inquiétudes au regard de plusieurs dispositions, qui auront pour effet de «renchérir les prélèvements sur les entreprises». L'organisation d'employeurs pointe notamment: les taxes sur le gazole et sur les produits énergétiques, l'éco-taxe du transport aérien, la «suppression progressive des déductions forfaitaires spécifiques (DFS)». S'y ajoutent, le redéploiement «à la baisse» du «crédit transition énergétique», la non-reconduction du «crédit d’impôt métiers d’art bénéficiant aux artisans». La CPME s'inquiète aussi d'une éventuelle compensation de la «suppression progressive de la taxe d’habitation» par une «augmentation de la fiscalité locale sur les entreprises». Elle interpelle de plus les parlementaires sur «la modification, en cours de période, du dispositif d’exonération de charges sociales applicable aux micro-entrepreneurs, pourtant initialement garanti les trois premières années»… Une disposition qu'elle dénonce au nom de «son attachement viscéral à la non-rétroactivité des textes».
Du côté de l'Union des entreprises de l'économie sociale et solidaire le projet manque de mesures de soutien à un secteur en «manque de reconnaissance important et (dont les entreprises – NDLR) restent fragilisées notamment par la suppression des contrats aidés». L'UDES souhaiterait que soient mis en œuvre plusieurs dispositifs : «Emplois Utilité Citoyenne», pour l'«aide au développement d’activités associatives via l’embauche»; «réforme de la taxe sur les salaires», avec un dispositif simplifié; «crédit d’impôt à l’innovation sociale», à l'instar du CIR moyennant la mesure de l'impact social des activités de l'entreprise; «maintien en l’état du mécénat d’entreprises». L'organisation demande en outre que la réforme des retraites soit revue pour un «système universel (…) à cotisations égales dans le respect des droits du régime général actuel», que le PLFSS prévoie «une revalorisation des salaires ainsi qu’une tarification couvrant les coûts réels des services à domicile (…) ainsi qu’une évolution des moyens des EHPAD». Favorable au Revenu universel d'activité, sous conditions que «La somme des aides sociales contenues dans ce RUA devra toujours être inférieure au montant d’un SMIC par personne», la confédération des acteurs de l'économie sociale et solidaire demande enfin qu'il soit redonné «aux organisations syndicales et patronales toute leur place dans la recherche de compromis sociaux».
La Fédération nationale des exploitants agricoles appelle à plus de «cohérence» concernant le budget de l'Agriculture et pointe notamment la réduction des ressources des chambres d'agriculture à travers «la baisse de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti». La FNSEA, Coop de France et l’ANIA entendent sensibiliser les parlementaires aux mesures qu'elles préconisent dans le cadre de leur contribution au «Pacte productif 2025», afin de soutenir «l'investissement», «l'innovation», de «supprimer les distorsions de concurrence et faire baisser les charges qui pèsent sur l’activité de la filière agricole et agro-alimentaire».
Le Conseil national des professions de l'automobile estime que le Gouvernement «ne se donne pas les moyens d’une politique d’accompagnement de la transition écologique» en renonçant à «renforcer les dispositifs incitatifs favorisant l’acquisition de véhicules vertueux et de permettre à la filière automobile d’avoir une vision globale et pérenne des politiques publiques». Le CNPA exprime ainsi son regret quant aux dispositions minimales telles que «la nouvelle prime à la conversion entrée en vigueur en août dernier», «le bonus actuel (…) trop restrictif» sur l'acquisition de véhicules propres, d'où sont exclus par ailleurs les «véhicules hybrides rechargeables» et, dit craindre «l’incohérence d’une application d’un bonus à deux vitesses, qui serait réduit drastiquement pour les entreprises».
L'institution de «deux grilles de malus» lui semble ajouter «une complexité supplémentaire au dispositif et à l’instabilité que connaît le marché automobile», outre qu'elle abaisse beaucoup plus que prévu le seuil fixé actuellement pour le porter à «110 g de CO2/km (avec un montant de 50 €)». L'organisation professionnelle s'inquiète, de plus, de la réaffectation du solde positif résultant de ces mesures «au budget général» plutôt que'à soutenir la dynamique du véhicule propre. Pour le CNPA, ce budget n'est pas à la hauteur de l'enjeu «primordial, dans un tel contexte, de se doter d’une politique solide, cohérente et pérenne de soutien et de financement de la transition écologique du parc, pour ne pas pénaliser les automobilistes et le tissu industriel français».
Pour la Fédération nationale des travaux publics, la suppression du taux réduit de fiscalité sur l’utilisation du gazole non routier (GNR) n'est pas une bonne chose, même si le Gouvernement a consenti des aménagements suite à la mobilisation des professionnels: suppression sur 3 ans, mesures d'accompagnement et de compensation. La FNTP n'en considère pas moins que «ces mesures sont loin d’être satisfaisantes pour les entreprises de travaux publics, qui s’inquiètent notamment du risque de distorsion de concurrence dans les territoires».
L’Assemblée permanente des chambres de métiers constate les incohérences du Projet de loi de finances avec les annonces consécutives au Grand débat national concernant notamment «baisser le coût du travail, baisser les charges sociales patronales, redonner le sens du travail et valoriser les chefs d’entreprises qui prennent des risques». Son président Bernard Stalter pointe à cet égard : «certaines mesures annoncées (…) qui pourraient – de facto ‐ renchérir certains prélèvements fiscaux», l'absence de décision concernant le financement des CFA, alors que «la Loi Choisir son avenir professionnel porte de grandes ambitions pour l’essor de l’apprentissage», la volte-face concernant le «statut de la micro-entreprise» et la baisse des «exonérations» qui lui étaient associées. Un revirement qui «prouve que le temps présent l’emporte sur l’avenir et la pérennité de nos entreprises et que les ajustements budgétaires prennent encore trop souvent le dessus sur une vision stratégique et prospective de notre économie».
Communiqué UDES; Communiqué FNTP; Communiqué CMA France – 1er octobre 2019; Communiqué UNSA – 30 septembre 2019; Communiqué Medef; Communiqué CPME; Communiqué FNSEA; Communiqué CNPA; Communiqué FO – 27 septembre 2019