Plusieurs organisations professionnelles du secteur de la santé font part de leur mécontentement concernant le trou de la Sécurité sociale et les choix des pouvoirs publics.
Pour une affectation de l'Ondam aux besoins du secteur
La Confédération des syndicats médicaux français note avec satisfaction que «l’Ondam (l’objectif national des dépenses d'assurance maladie) pour 2019 sera tenu pour la dixième année consécutive» mais tient à rappeler que ce sera «grâce aux efforts des médecins libéraux», puisque «Pour l’année 2018, les dépenses de soins de ville sont en sous-exécution de 0,25 milliard d’euros. Pour 2019 les prévisions montrent même que les dépenses de soins de ville seront moins élevées que l’objectif rectifié». Mais c'est aussi l'occasion d'incriminer l'attitude des pouvoirs publics, au vu d'un «projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2020 (qui–NDLR) prévoit une économie encore plus drastique sur les soins de ville», au risque de «fragiliser des pans entiers de la médecine de ville (biologie, radiologie et autres spécialités) sans lui donner les moyens de se restructurer et de mieux s’organiser pour répondre à la demande en soins dans tous les territoires». Pour la CSMF, les pouvoirs publics devraient plutôt privilégier «le renforcement et la valorisation de la coordination entre le médecin généraliste et le médecin spécialiste de ville afin d’éviter un recours excessif à l’hôpital, y compris dans le cadre de l’urgence», c'est-à-dire aussi cesser de «considérer la médecine libérale comme la variable d’ajustement des plans d’économies successifs».
La Fédération des établissements privés d'aide à la personne se dit favorable au «pacte de confiance pour conférer au secteur hospitalier une visibilité pluriannuelle de ses ressources», mais considère que les mesures d'accompagnement de la transformation du système de santé sont insuffisantes. Elle regrette, en particulier que «l’ONDAM soit limité à 2,3% au lieu des 2,5% initialement espéré», et demande donc «une évolution positive des tarifs hospitaliers, y compris pour le secteur privé à but non lucratif dont les tarifs sont toujours négatifs». Elle plaide en outre pour une «restitution intégrale des réserves prudentielles des sous ONDAM 2019 hôpital et médico-social du fait de la bonne tenue de ces derniers». L'organisation professionnelle demande encore que des efforts soient consentis pour «les acteurs du grand âge et du domicile»: «renforcement des équipes de professionnels en activité, au domicile et en établissement», anticipation d'une «augmentation progressive de l’offre»et, plus généralement «glissement du remboursement de la dette sociale qui permettra de dégager les budgets nécessaires pour envisager une réponse collective acceptable».
Pour Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, le «décrochage de l'Ondam hospitalier est une douche froide. Nous repartons sur une période de diète alors que c’est tout l’inverse qu’il aurait fallu pour sortir l’hôpital de la crise». De plus, l'organisation représentant les hôpitaux estime que la hausse de l'Ondam médico-social, quoiqu'appréciable, traduit un «court termisme» qui ne permettra pas de financer les besoins à long terme. Elle réaffirme le bien fondé de la solution d'une affectation «d'une part de la CRDS (remboursement de la dette sociale – NDLR) (…) à la réponse aux besoins de santé», faute de quoi «il y a alors de forts risques que ce soit l’Ondam hospitalier qui serve à financer celui du médico-social». La FHF salue toutefois «un engagement pluriannuel d'évolution de l'Ondam» ainsi que le «chantier de la pertinence».
Les syndicats de salariés dénoncent les mauvais choix du Gouvernement
Côté syndicats de salariés, l'Union nationale des syndicats autonomes incrimine les choix du Gouvernement. Selon l'organisation syndicale de salariés, sous l'effet du mouvement des gilets jaunes, les pouvoirs publics ont «pris différentes mesures en faveur du pouvoir d’achat (désocialisation des heures supplémentaires, baisse du taux de CSG pour une partie des retraités, …) qui impactent les recettes de la Sécurité sociale. En 2019, c’est ainsi près de 2,7 milliards d’euros de manque à gagner pour la protection sociale que le Gouvernement aurait dû compenser conformément à la loi Veil de 1994». L'UNSA considère certes que le «PLFSS, présenté ce jour, intègre un certain nombre de mesures, qui (…) vont parfois dans le bon sens» – «annonces à destination des personnes en situation de handicap et de dépendance (…) en suivi post-oncologique», «recouvrement des pensions alimentaires» – mais regrette la révision à la baisse de l'Ondam et surtout s'oppose à «une indexation différenciée des pensions de retraites». Sur le principe, elle estime devoir être «associée à l’élaboration du PLFSS bien en amont de ce qui se fait actuellement, car c’est pour les assurés sociaux, une manière de se réapproprier et de mieux comprendre notre système et ses enjeux».
Force ouvrière estime pour sa part que le déficit provient des «nouvelles règles de gestion: la “nouvelle solidarité entre l’État et la Sécurité sociale” qui consiste à financer une politique économique avec les recettes de la Sécu, et ne pas lui compenser ces pertes”». Le syndicat plaide donc pour «rétablir les bonnes règles de gestion de la Sécurité sociale qui ont présidé à son fonctionnement pendant 70 ans: la cotisation sociale et sa gestion par ses représentants», et qui ont permis à au système de santé français, alors qu'il n'était pas étatisé, d'être considérée par l’OMS «comme le meilleur au monde». D'où, aussi, le rappel par FO de son «opposition à un régime unique de retraite par points» synonyme d'«élément de gestion budgétaire de l’État».
La Confédération général du travail impute également la responsabilité de la situation au Gouvernement, pour avoir amplifié «sa politique d’exonération de cotisations sociales en ajoutant de nouvelles», ce à quoi «s’ajoute la remise en cause du principe de non-compensation intégrale de ces exonérations, choix qui avait été fait lors de la présentation du PLFSS 2019». Outre remettre en cause ces exonérations, la CGT défend l'idée que «la première urgence est d’ouvrir des lits en nombre suffisant, de créer des emplois et de revaloriser la valeur du point dans la fonction publique hospitalière» et de s'appuyer, pour ce faire sur la «fin de l’assujettissement des hôpitaux publics à la taxe sur les salaires». Quant aux mesures relatives à la perte d'autonomie, elle estime que, pour être «importantes pour pour les personnes concernées», il serait plus judicieux de la «reconnaître (…) comme un droit nouveau dans la branche maladie de la Sécurité sociale». Le syndicat note, enfin, que l'élaboration du PLFSS devrait faire l'objet de «règles claires» et inclure les «conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale».
Pour la Confédération française démocratique du travail, si «le PLFSS contient des mesures positives comme l’indemnisation du congé de proche aidant ou la garantie de versement des pensions alimentaires», il ne saurait être acceptable que soient remis en cause «les principes d’autonomie et d’un financement exclusif affecté à la Sécurité sociale», ni les «économies réalisées au détriment de millions de ménages et des conditions d’exercice des professionnels hospitaliers».
Pour sa part, la Confédération française des travailleurs chrétiens annonce qu'elle «votera contre le PLFSS dans les caisses nationales de sécurité sociale». Le syndicat constate certes le bien fondé de certaines mesures: «indemnisation du “congé proche aidant”, «création d’un service public du versement des pensions alimentaires», «substitution automatique de la retraite aux minima sociaux tels que l’AAH au moment de l’âge légal». En revanche, elle se dit insatisfaite de «l'indexation différenciée (des retraites sur l'inflation-NDLR) selon les niveaux de revenus», du niveau de l'Ondam, dont elle craint que «les hôpitaux publics et la qualité des soins puissent sans dommage le supporter». Pour la CFTC, la «pression sur l'Ondam en particulier, sur les dépenses en général, n’aurait sans doute pas été la même si le Gouvernement n’avait pas fait le choix de ne pas compenser certaines exonérations liées aux lois MUES et Pacte».
Un impact négatif sur l'activité des entreprises et l'accès aux soins
Les entreprises du médicament pointent l'impact négatif du PLFSS et, plus généralement d'une «politique de régulation, menée depuis plus d’une décennie (…)» ayant «des conséquences réelles et mesurables sur le secteur: recul des positions françaises au plan industriel et en matière de recherche, incapacité à attirer la production de nouveaux médicaments sur le territoire, stagnation de l’investissement et de l’emploi, atonie des exportations», ce alors même que le Gouvernement souhaite résorber les ruptures d'approvisionnement en médicaments. Pour le syndicat d'employeurs LEEM, «Les signaux envoyés par ce PLFSS interrogent sur la cohérence de la politique du médicament et risquent d’accroître le décrochage compétitif», en même temps que pénaliser «l’accès des patients français aux traitements». Concrètement, cette régulation alourdit «les délais d’accès au marché», génère la «multiplication des appels d’offre hospitaliers infructueux», la «réticence des entreprises devant l’illisibilité et l’imprévisibilité croissantes des mécanismes d’autorisation temporaire d’utilisation», un «déclin de la part des patients français dans les essais cliniques internationaux», la «multiplication des ruptures d’approvisionnement».
De son côté, MG France exige que le PLFSS soit révisé dans le sens d'«une organisation territoriale de la régulation des appels et de la continuité des soins, dans le cadre des CPTS, suffisamment valorisée pour la rendre attractive; des horaires de la permanence des soins (PDSA) élargis, dès 18h, avec application des tarifs de PDSA pour ces actes régulés, afin de mieux répondre aux demandes de soins de fin de journée». Faute de quoi, les médecins généralistes se mobiliseront le 1er décembre 2019.
Communiqué LEEM; Communiqué CFTC – 2 octobre 2019; Communiqué CGT – 1er octobre 2019; Communiqué CSMF; Communiqué FEHAP; Communiqué FHF; Communiqué UNSA; Communiqué FO; Communiqué CFDT; Communiqué MG France – 30 septembre 2019