Les annonces du Président de la République, du lundi 26 août 2019, concernant certains aspects de la réforme des retraites, sur le contenu comme sur la méthode, suscitent un certain scepticisme chez les acteurs du dialogue social, en particulier du côté des syndicats de salariés et des organisations du secteur libéral relevant de régimes autonomes ou spéciaux.
CGT, Solidaires sur le front du refus
La Confédération générale du travail émet de sérieux doutes sur l’annonce du président de la République, suspecté de «berner les Français», et juge que «le régime universel à points a pour but de les faire travailler plus longtemps avec des droits à la retraite plus faibles», et ainsi «ne peut constituer une base de négociation». Pour la confédération de salariés, au contraire, il faut envisager «l’augmentation du financement consacré à la retraite puisque le nombre de retraités va fortement augmenter d’ici les prochaines années», afin d’assurer «une retraite à 60 ans sans décote et avec un minimum de pension à 1200 euros nets» et en prenant compte de la pénibilité. Des revendications auxquelles elle souhaite associer les salariés le 24 septembre prochain.
L’Union syndicale Solidaires considère qu’il s’agit d’un «enfumage», qui ne doit pas laisser d’exiger «une remise à plat des systèmes actuels» en vue d’une «amélioration» motivée par «la justice sociale, la solidarité intergénérationnelle, l’égalité hommes-femmes». D’où des mesures telles que: revenir «aux 10 meilleures années (…) et même moins pour les personnes, notamment les femmes, qui n’ont pas de carrières complètes», «diminuer la durée de cotisation», «prendre en compte les pénibilités par des départs anticipés», «départ au maximum à 60 ans», «taux de remplacement à 75% pour le taux plein, et (…) retraite au moins égale au SMIC».
L’UNSA jugera sur pièces
L’Union nationale des syndicats autonomes, «favorable à des compromis positifs», estime que les annonces augurent certes d’un «changement de méthode», mais n’en entend pas moins, selon son secrétaire général Laurent Escure, juger sur pièces «à chaque étape et sur chaque dossier (…) les retraites, la PMA, le chantier du Revenu universel d’activité, les projets de loi de finance (PLF) et de finance de la sécurité sociale (PLFSS)».
Du côté de la Confédération des syndicats médicaux français, on note «la volonté de co-construire une réforme qui portera l’accord de l’ensemble des parties» et on rappelle que «les médecins libéraux sont prêts à s’engager dans une vraie négociation», non sans rappeler qu’il y a un «conflit qui couve» autour de plusieurs inquiétudes: «plafond de 3 PASS (environ 120000 €), trop élevé, qui entraînera à terme la disparition de la CARMF», «baisse à terme de leur cotisation (…) mais avec «baisse proportionnellement plus importante de leur pension», «intégration de l’ASV (qui-NDLR) remet en question le contrat conventionnel»; menace sur les ressources de la CARMF, susceptible de générer un «casus belli». Le président de l’institution professionnelle Jean-Paul Ortiz souligne enfin que «Le recouvrement des cotisations retraites par l’URSSAF décidé en catimini cet été ne contribue pas à rassurer les médecins».
Un collectif SOS retraites s’est par ailleurs constitué autour du Conseil national des barreaux, auquel ont adhéré près d’une dizaine d’organisations représentatives des professions libérales: Fédération des médecins de France, Le Bloc, Syndicat national des pilotes de ligne, Syndicat Alizé, Union des chirurgiens de France, Union française pour une médecine libre, Union nationale des navigants de l’aviation civile (affiliée à la CFE-CGC), Union nationale des infirmiers d’État libéraux. Son objectif: défendre la légitimité des régimes autonomes de 1948, que le collectif estime menacé de «hold-up d'État sur leurs réserves cotisées». La réforme envisagée aurait en outre pour effet de «majorer le coût du maintien des retraites à leur niveau actuel, voire doubler les cotisations retraites versées par certaines de ces professions, sans toutefois garantir le maintien des pensions actuelles». Le collectif entend faire connaître ses positions dans le cadre d’une conférence de presse, le 16 septembre 2019.
Pour l'UNAPL, «les propositions contenues dans le rapport Delevoye» ne sont pas du tout satisfaisantes. S'il s'agit de donner une nouvelle chance à la négociation, il n'en reste pas moins que «Si, au terme de la nouvelle phase de concertation qui s’ouvre, aucune des exigences légitimes des professions libérales portées depuis plusieurs mois par l’UNAPL ne trouve de traduction concrète (…)» son Conseil national «organisera une mobilisation nationale de toutes les professions libérales». Une motion approuvée par ce conseil le 4 septembre 2019 précise ces exigences: pas de disparition des régimes spécifiques des libéraux, ni de l'ASV (avantage social vieillesse-NDLR) et des PCV (prestations complémentaires vieillesse); adapter certains paramètres du régime universel aux conditions des professions libérales (cotisation, pension); affectation des réserves des caisses de retraite des libéraux aux professionnels qui les ont alimenté. Pour l'organisation professionnelle, il est obligatoire que «les professionnels libéraux soient présents dans la gouvernance de tout système de retraite les concernant». Enfin, elle demande que le projet de recouvrement des cotisations par l'Urssaf soit mis en suspens.
La CPME plaide pour un âge légal de départ à 63 ans
Pour la Confédération des petites et moyennes entreprises, il faut une solution qui concilie «durée de cotisation» et «âge de départ» si l’on souhaite «garantir l’équilibre financier du régime». L’organisation patronale plaide donc pour «un relèvement de l’âge minimal légal d’ouverture des droits à la retraite à 63 ans, le montant des pensions étant ensuite calculé en fonction de la durée de cotisation». Elle se dit favorable à la fin des avantages dont disposent les régimes spéciaux, mais aussi des fonctions publiques, et demande, a contrario, que «les indépendants et les professionnels libéraux (…) ne soient pas pénalisés en termes de prestations ou de cotisations». C’est une position qu’elle continuera à défendre à la table de négociation.
Communiqué UNAPL – 5 septembre 2019; Communiqué Collectif SOS retraites – 2 septembre 2019 ; Communiqué CSMF – 29 août 2019 ; Communiqué CPME – 29 août 2019; Communiqué UNSA - 28 août 2019; Communiqué CGT; Communiqué Solidaires – 27 août 2019