L'annonce par la ministre de la Santé d'un plan de refondation pour les services d'urgence suscite des réactions contrastées au sein de la communauté de santé française.
Des propositions appréciées: ordres des infirmiers et des kinés, fédérations hospitalières
Pour l'Ordre national des infirmiers (ONI), la mesure relative «Offrir aux professionnels non médecins des compétences élargies pour prendre directement en charge les patients» est une bonne chose, puisqu'elle donne «la possibilité aux infirmiers de réaliser de nouveaux actes de soins ou de prescription pour lesquels ils sont parfaitement formés mais qu’ils n’avaient pas le droit de réaliser jusqu’à maintenant». À cet égard, «la création de la mention "urgences" au nouveau métier d’infirmier de pratique avancée permettra dès 2022 aux professionnels nouvellement formés d’assurer un rôle essentiel». Par la voix de son président Patrick Chamboredon, l'institution ordinale se réjouit que la France combe son retard sur d'autres pays européens et prenne mieux en considération «les savoir-faire et les connaissances cliniques de la première profession de santé en France».
Appréciation favorable aussi à l'Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes concernant la mesure spécifique permettant «aux patients de bénéficier d’un accès direct aux kinésithérapeutes sous protocole de coopération pour les entorses de cheville et la lombalgie aigüe d’ici la fin de l’année 2019», dont l'institution ordinale rappelle qu'elle est le fruit d'un «long et opiniâtre travail entrepris depuis plusieurs années» en collaboration avec le ministère de la Santé.
Pour la Fédération hospitalière de France, l'approche globale prônée par la ministre est une avancée, d'autant que les «principales annonces (…) concernant les ressources humaines, les infirmiers de nuit dans les EHPAD, la mise en place d’une plateforme et d’un numéro de téléphone unique pour les secours médicaux font partie des propositions formulées par la FHF et rassemblées au sein d’un plan d’actions global remis à la Ministre la semaine dernière». Elle souligne néanmoins qu'il faudra être en mesure d'actualiser le dispositif «en regard des coûts», et que la proposition d'une organisation des soins programmés sous l'égide des CPTS ne sera pas facile à mettre en œuvre. Le syndicat d'employeurs rappelle, enfin son souhait d'un véritable «choc d’attractivité paramédical et médical» permettant de mobiliser de nouveaux effectifs et de l'abandon d'une approche comptable de la gestion des lits.
La Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile soutient l’«alternative crédible au “tout urgences”» que constituent les mesures présentées par la ministre de Santé. Elle apprécie la «vision globale du pacte proposé, qui insiste sur le besoin de soins de ville renforcés, mieux structurés», tout en estimant que les «solutions présentées et les financements supplémentaires débloqués (…) demandent à être complétés opérationnellement», et que la «définition de la ville doit être large et intégrer tous les acteurs du domicile, sanitaire tels que l’HAD et médicosocial comme les SSIAD, etc.» Pour la FNEHAD, «l’hospitalisation à domicile figure parmi les solutions concrètes et éprouvées pour atteindre l’objectif zéro passage par les urgences pour les personnes âgées» et c’est «un levier (…) pour fluidifier l’aval des urgences en période de tensions, (…), pour toute situation complexe justifiant de soins hospitaliers». L’organisation professionnelle se di prête à se mobiliser pour «un travail plus étroit et systématique entre services d’urgence et structures HAD».
Les médecins libéraux dubitatifs sur le numéro unique
La Confédération des syndicats médicaux français se félicite d'un plan qui englobe «l’ensemble des acteurs qui prennent en charge des urgences, (…) vitales (…) ou ressenties». En revanche, elle se dit réservée sur l'idée d'un «service d'accès aux soins» qui ne doit pas être «une organisation centrée sur l’hôpital, sous forme d’un numéro unique issu de la régulation hospitalière». La CSMF considère qu'il faut aussi mieux valoriser la «permanence des soins, tant pour son versant ambulatoire que pour les cliniques privées», avec des horaires élargis pour les généralistes comme pour les spécialistes. Ce qui induit, rappelle aussi son président Jean-Paul Ortiz, des «ajustements conventionnels» avec la Caisse nationale d'assurance maladie permettant une meilleure valorisation des soins non programmés réalisés après régulation ou orientation».
Pour MG France, le «projet de service d'accès aux soins» est une avancée, sous réserve que soit mise en œuvre: «une communication régulière et une information des patients leur proposant de distinguer ce qui relève de l'urgence vitale et ce qui relève d’une demande de soins non prévue» et que le 116-117 gère les soins non programmé, le 15 étant réservé aux urgences vitales; une «régulation libérale des appels, «un réseau de médecins généralistes de proximité encouragés à s’inscrire dans une réponse coordonnée aux demandes de soins du territoire». La question clé, est pour l'organisation professionnelle, celle des «investissements nécessaires».
L'UNA attend plus pour les personnes âgées
L'Union nationale de l'aide, des soins et des services à domicile, évoque plus particulièrement la question de l'accueil des personnes âgées. L'organisation estime que centrer le dispositif sur l'hospitalisation n'est pas la solution et que les «les services de soins infirmiers et les services polyvalents à domicile (SAAD, SSIAD, SPASAD) doivent être considérés comme le premier rempart contre l’hospitalisation évitable». Elle plaide par ailleurs pour l'expérimentation d'un dispositif innovant applicable à la phase sensible de la sortie d'hospitalisation.
Les syndicats de salariés ne trouvent pas leur compte
Côté syndicats de salariés, Force ouvrière rappelle que les financements annoncés seront hélas alimentés par les «restructurations associées à la loi Santé 2022» lesquelles «soulèvent de nombreuses interrogations, inquiétudes et contestations». La confédération note aussi qu''il n'est pas «répondu aux tensions de longues dates, tant en matière d’effectifs supplémentaires indispensables que de reconnaissance et revalorisation des rémunérations des agents, y compris quant à l’attractivité de métiers».
La Confédération générale du travail considère pour sa part que «ces mesures ne pourront pas répondre à l’urgence car leur impact sera visible à moyen terme» et que le projet pêche par «l'absence de dialogue social». La CGT devait faire valoir auprès de la ministre la nécessité «de desserrer l’étau financier qui étrangle les hôpitaux par l’augmentation au moins à 5% de l’Ondam dans le PLFSS» afin de soutenir l'emploi, aussi bien dans les hôpitaux que dans les EHPAD». Elle a par ailleurs lancé un appel à mobilisation des personnels pour le 11 septembre, en précisant ses revendications: «effectifs en nombre suffisant dans l’immédiat et un plan d’urgence de formation de professionnel-le-s pluridisciplinaires», «reconnaissance des qualifications et de la pénibilité», «moratoire sur les fermetures d’établissements», «ouverture de réelles et sérieuses négociations», ainsi que la suppression de la taxe sur les salaires et l'augmentation générale des salaires.
Communiqué FNEHAD – 12 septembre 2019; Communiqué MG France; Communiqué CGT – 11 septembre 2019; Communiqué FO – 10 septembre 2019; Communiqué ONI; Communiqué CNOMK; Communiqué CSMF; Communiqué FHF; Communiqué CGT – 9 septembre 2019; Communiqué UNA – 5 septembre 2019