La naissance de la société des auteurs-compositeurs dramatiques inaugure un mode de protection des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle rapidement reconnu d’intérêt public. Actuellement, plus d’une vingtaine de groupements collectifs (SPRD) gérés par les sociétaires assurent cette gestion, complexifiée par le développement quelque peu anarchique du numérique ouvert.
La naissance de la Société des auteurs-compositeurs dramatiques (1829), consécutivement au Bureau de législation dramatique créé en 1777 autour de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, inaugure l’émergence d’un modèle original d'institutions professionnelles visant à faire reconnaître et protéger les droits de propriété sur les œuvres artistiques et, plus généralement, la propriété intellectuelle et ses détenteurs.
L’ébauche du modèle opérationnel et organisationnel des sociétés d’auteurs
Très rapidement, la SACD s’affirme comme un groupe de pression auprès des pouvoirs publics et obtient, dès 1791 (loi des 13-19 janvier sur les spectacles) une reconnaissance par la puissance publique (Assemblée constituante). Quoique la nuit du 4 août ait supprimé les privilèges d’auteur et de librairie et qu’une inspiration libérale imprègne l’économie, la législation s’articule au droit de propriété reconnu par la Déclaration des Droits de 1789. Isaac Le Chapelierdéfendra lui-même un texte qui reconnaît une dimension morale et patrimoniale aux œuvres mais s’efforce de la concilier avec l’utilité publique, d’où le principe d’un droit limité dans le temps.
La perception et la redistribution des droits de la création
Dans le même temps s’ébauchent les attributions opérationnelles qui caractérisent aujourd’hui les diverses sociétés, à savoir, la perception des droits des auteurs et de leurs ayant-droit, leur répartition, leur contrôle, sans oublier une fonction mutuelliste. L’organisation de la société des auteurs dramatiques est également un modèle pour les entités à venir. Il s’agit d’un groupement collectif libre, constitué de «trois catégories d’associés, les auteurs et compositeurs, leurs légataires, les cessionnaires admis à adhérer» (statuts actuels de la SACD, art. 7). Sa gouvernance est assurée par un conseil d’administration élu en assemblée générale, auquel peut candidater tout sociétaire. Le président aussi élu par l’AG, «a la qualité de gérant» et «décide, avec le conseil d’administration et le directeur général, de la politique sociale» (art. 22).
Depuis 1929, une cinquantaine de personnalités du monde des arts et des spectacles ont assuré la présidence de la SACD, dont la dernière en date est Virginie Jallot (depuis 2023).
Un développement lié à la spécificité des œuvres…
Tout au long des XIXe et XXe siècles, le modèle de la SACD s’étend. Les professionnels donnent successivement naissance à:
Les sociétés de droits d'auteurs en France aujourd'hui
• 1851: Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), qui assure aussi la gestion des droits pour le compte de la SPRE et est co-actionnaire avec l’Association des éditeurs pour l’exploitation des droits de reproduction mécanique (AEEDRM). L'actuel président de la SACEM est Serge Perathoner.
• 1935: Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs, éditeurs, réalisateurs et doubleurs sous-titreurs (SDRM), présidée actuellement par Dominique Pankratoff.
• 1938: Société des gens de lettres (SGDL), dédiée aux droits d’auteurs et aux auteurs, reconnue d’utilité publique en 1891, présidée à ce jour par Christophe Hardy. Elle est coadministratrice avec le Syndicat national de l’édition (SNE), aujourd'hui présidé par Vincent Montagne, de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia), créée en 1999 et coprésidée aujourd'hui par Cécile Deniard.
• 1953: Société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts graphiques et plastiques (ADAGP), que préside Hervé Di Rosa.
• 1955: Société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), cogestionnaire de la SPRE, actuellement présidée par Anne Bouvier.
• 1959: Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM), que préside actuellement Fabrice Vecchione.
• 1960: Société civile des éditeurs de langue française (SCELF), actuellement présidée par Philippe Robinet.
• 1967: Société des producteurs de cinéma et de télévision (PROCIREP), qui assure également la gestion opérationnelle de l’Agence nationale de gestion des œuvres audiovisuelles (ANGOA) créée en 1981 pour les droits de retransmission de programmes par le câble, les deux entités étant présidées par Alain Sussfeld.
• 1981: Société civile des auteurs multimédia (SCAM), qui a repris depuis 1984 la gestion des droits SGDL de son ressort et que préside actuellement Rémi Lainé.
• 1984: Centre français du droit de copie (CFC), dont la présidence est assurée par Hervé Rony.
• 1985: Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), présidée depuis juin 2018 par Olivier Nusse; Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) présidée actuellement par Pascal Nègre.
• 1986: Société pour la rémunération équitable (SPRE), collectée sur la base des recettes d’exploitation des radios, télévisions, discothèques ou bars et restaurants à ambiance musicale. Elle est cogérée par Bruno Boutleux, Guillaume Damerval, Marc Guez et Jérôme Roger.
• 1987: Société civile des auteurs réalisateurs producteurs de cinéma (ARP), que coprésident aujourd'hui Jeanne Herry et Olivier Nakache.
• 1988: Société des éditeurs de musique (SEM), devenue Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) en 1997, et que préside actuellement Pierre-Henri Lemoine.
• 1999: Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF), que préside Guillaume Lanneau.
• 2021: Organisme de gestion des droits voisins de la presse (DVP), présidé par Jean-Marie Cavada.
La démultiplication des SPRD s’explique notamment par la spécificité des secteurs de la propriété littéraire et artistique et de leurs modes de diffusion, ainsi que dans une période plus récente, par la multiplication des types d’auteur et d’ayant droits, en lien avec l’évolution technologique. Si la spécialisation a pu occasionnellement générer des conflits, ceux-ci sont été le plus fréquemment résolus par le biais d’accords entre SRPD, aboutissant éventuellement à la création de sociétés communes. La dynamique de coopération est également soutenue par la nécessité de faire front face à la dérégulation provoquée par le numérique et ses logiques d’échange gratuit.
Des sociétés civiles à but non lucratif
Il existe aujourd’hui plus d’une vingtaine de groupements collectifs de type SPRD en France. Les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteurs et droits voisins ont un statut de société civile à but non lucratif ayant mission de service public, particulièrement la collecte et la redistribution auprès de leurs adhérents des redevances associées à leurs droits tels que définis depuis 1991 (Ve République) dans le Code de la propriété intellectuelle créé par la loi no 92-597 du 1er juillet 1992. Ces sociétés sont agréées par le ministère de la Culture et leur activité est très contrôlée par les pouvoirs publics.
Outre le code de 1992, l’évolution du modèle est soutenue par plusieurs textes de lois importants: la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, ainsi que la loi du 3 juillet 1985 dite «loi Lang» relative aux droits voisins des artistes-interprètes sur l’enregistrement et la diffusion de leurs prestations. Pratiquement votée jour pour jour avec celle sur les spectacles, une loi du 7 janvier 1791 relative au bureau des patentes est à l’origine de la création de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) entériné par la loi no 51-444 du 19 avril 1951.