Pour les syndicats de salariés, le COR creuse la plaie de la réforme des retraites
Le rapport du Comité d’orientation des retraites prévu pour être remis au Premier ministre le 21 novembre 2019 suscite des réactions syndicales négatives. Si les syndicats de salariés rappellent ne disposer que d’informations partielles, ils n’en dénoncent pas moins un texte qui aurait pour vocation de justifier le contesté projet de réforme des retraites.
Un déficit sciemment organisé?
Ainsi, pour le collectif Réseau retraite, mobilisant notamment la Confédération générale du travail, Solidaires, la Fédération syndicale unitaire, l'Union nationale des étudiants de France, le comité s’est évertué à organiser sciemment le déficit pour «justifier une dégradation», via «des scénarios permettant, par divers moyens, d’augmenter l’âge effectif de départ en retraite et/ou de baisser le niveau des pensions», ce alors même que «le COR note que les réserves du système de retraite sont évaluées à 5,6 % PIB, largement suffisantes donc pour passer le cap de 2025. De plus, le COR est bien obligé de reconnaître que l’équilibre financier pourrait facilement être atteint par une hausse modeste des cotisations: en moyenne, 1 point de cotisation supplémentaire à l’horizon 2025».
Le réseau estime qu’il faut«remettre en cause le dogme du plafonnement des dépenses de retraites» et mettre en œuvre des mesures telles que : engagement de l’État «à compenser» puis à «mettre fin aux exonérations» de cotisations sociales, élargissement de «l’assiette des cotisations sociales aux revenus financiers en soumettant à cotisation tous les revenus distribués», «augmentation générale des salaires»… La CGT réitère par ailleurs son appel à mobilisation du 5 décembre 2019 pour imposer «l’abandon du projet Delevoye-Macron et l’ouverture de négociations sur la base des propositions CGT de progrès social».
Un rapport qui confirme le danger d’un régime unique par points
Force ouvrière voit dans la publication du COR la confirmation du «danger d’un régime unique par points dont l’État et les gouvernements demain maîtriseraient tous les leviers de pilotage dans le cadre des politiques budgétaires et des contraintes financières». À l’instar du Réseau retraite, le syndicat de salariés dénonce une «dramatisation» destinée à «justifier, à nouveau la nécessité de mesures d’économies conduisant à convaincre qu’il n’y aurait d’autre choix in fine que de devoir “travailler plus longtemps”».
FO dénonce la surestimation de «l’ordre de grandeur du déficit potentiel à horizon 2030», rappelle que, de l’avis même du COR, une part de ce déficit est imputable à «la maitrise des rémunérations et de l’emploi dans la fonction publique (qui — NDLR) se traduit par des ressources moindres pour le système de retraite et partant, à une dégradation du solde», ainsi qu’aux «aides publiques aux entreprises». La résorption du déficit serait plutôt à trouver du côté d’une hausse des salaires, de la relance de l’emploi.
Rendre leurs prérogatives aux partenaires sociaux
Pour l'Union nationale des syndicats autonomes, les chiffres fournis par le COR donnent en réalité à penser que «grâce aux efforts déjà consentis par les assurés sociaux, aucun dérapage des dépenses de retraite n’est à constater tant sur un horizon à 10 ans qu’à 50 ans». Entre montant modéré du besoin de financement annuel, baisse des dépenses post baby-boom, non prise en compte des «réserves évaluées à 5,5% du PIB», le maintien à l'équilibre d'un «système par répartition» est réaliste. Le syndicat rappelle que ce système «où les actifs payent pour les retraités, est fondamental pour éviter tout risque de “krach” qui ouvrirait la voie à la capitalisation ou à l’étatisation» et, qu'en tout état de cause, «si des mesures s’avéraient nécessaires pour assurer l’équilibre, elles devraient, quoi qu’il en soit, être prises par les partenaires sociaux», lesquels, dans un cadre paritaire, «ont en effet toujours pris leur responsabilité dans ce domaine (comme l’atteste la gestion du régime par points AGIRC-ARRCO)».
Prioriser une réforme systémique
La Confédération française et démocratique du travail estime quant-à-elle que les éléments fournis par le COR démontrent n'y a pas de «dérive des dépenses», et donc pas de raison a priori de vouloir changer les paramètres d’âge de départ à la retraite ou de durée d’activité». Pour la CFDT, la solution se trouve du côté d'un hausse des recettes qui exige de «se concentrer uniquement sur la réforme systémique: le système universel sera d’autant plus facile à piloter, (…) qu’il sera juste, redistributif, (…) reconnaitra les 10 formes de pénibilité du travail, (…) laissera des marges de manoeuvre aux travailleurs en termes d’âge et de modalités de départ et (…) assurera un minimum de pension décent aux retraités». Les partenaires sociaux sont tout à fait à même d'en assurer la gestion.