La consultation des partenaires sociaux engagée par le Gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites donne l’occasion aux syndicats d’employeurs et de salariés de poser leurs conditions sur le fond comme sur la forme, tout au moins plaider pour des éclaircissements. Les professionnels libéraux font aussi part de leurs attentes de clarification.
Le point de vue des syndicats d’employeurs
- Unapl: le rejet du régime universel en l'état
L'Union nationale des professions libérales laisse clairement entendre que «le Gouvernement devra (…) avancer des garanties solides pour expliquer aux professionnels libéraux qu’ils ont intérêt à rejoindre le régime universel! Car pour l’instant c’est plutôt le rejet». L'Unapl n'entend pas céder sur le fait que ce régime «soit limité à 1 plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) afin de maintenir les spécificités professionnelles à travers les onze caisses de retraite complémentaires des professions libérales», dont il rappelle par ailleurs qu'elles ne gèrent pas des «régimes spéciaux, mais des régimes autonomes, parfaitement équilibrés sans aide publique grâce à une gestion responsable et à des décisions courageuses» dont les «27 milliards de provisions (…) ne sauraient être dilapidées au bénéfice de régimes moins prévoyants». L'organisation considère en outre que les simulations du HCR sur «les mécanismes compensateurs (CSG/cotisation retraite, indexation estimée de la valeur du point) ne sont pas satisfaisantes.
-Avis favorable de la CPME sous réserve d’égalité public/privé
La Confédération des petites et moyennes entreprises entend ainsi rappeler que «la réforme (…) est une nécessité. Moins d’actifs et plus de retraités ne laissent pas d’autres choix que de travailler plus ou plus longtemps». La CPME exclut tout recours à l’augmentation des cotisations, de même que l’application de la «clause du grand-père», qu’elle estime contraire au principe de l’universalité. La différence de traitement entre secteurs publics et privés reste, pour François Asselin son président, «une ligne rouge à ne pas franchir».
Le point de vue des organisations de salariés
- CFTC: oui à la réforme mais pas aux dépens des droits des salariés
La Confédération française des travailleurs chrétiens quoique «globalement favorable à un régime universel par points», n’en conditionne pas moins «sa participation à la concertation» à des éclaircissements de la part du Gouvernement, concernant aussi bien le contenu que la méthode. Le syndicat de salariés soutient «le principe de répartition, le maintien des pensions actuellement versées ainsi que des droits acquis avant l’instauration du futur régime (…), la prise en compte des situations familiales avec la majoration “premier enfant“ et les pensions de reversion», ainsi que le «maintien de l’âge légal de départ à 62 ans». La CFTC souhaite qu’on ne se limite pas à une réforme paramétrique et que les partenaires sociaux aient «voix délibérative» dans le pilotage du dispositif, avec pour règle d’or que «la valeur du point ne saurait être revue à la baisse».
- UNSA: oui à la réforme si maintien de «100% des droits acquis»
L’Union nationale des syndicat autonomes demande les «clarifications et les garanties attendues tant en ce qui concerne les grands arbitrages de la réforme que les secteurs particuliers». Avertissant qu’il ne saurait être question d’une «d’une réforme paramétrique notamment liée à l’âge en plus d’une réforme systémique», l’UNSA exige «la garantie de 100% des droits acquis», «une transition protégeant, pour tous les régimes, 10 à 15 générations», «des adaptations quant à la durée de cette transition et des compensations respectueuses des contrats sociaux pour les secteurs et les métiers les plus exposés», «des reconstructions de carrières pour certaines professions très impactées», «la prise en compte de la pénibilité et de la dangerosité quel que soit le secteur d’activité ou le statut».
- CFDT: pas d’autre solution qu’une réforme systémique
La Confédération française démocratique du travail refuse que le projet se limite à «une réforme paramétrique (…) inutile, anxiogène et qui accentuerait les inégalités», «qui ne s’attaquerait pas véritablement aux injustices de notre système actuel». Elle se prononce donc pour: «un système de retraite universel où tous les actifs (…) sont solidaires» et prenant en compte les cotisants les plus défavorisés; une meilleure prise en compte de la pénibilité (10 formes); un «un droit à une retraite progressive»; «un minimum de pension à 100% du SMIC net pour une carrière complète»; la garantie «à 100% (des-NDLR) droits acquis avant 2025»; «des compensations salariales (…) effectives au même moment que la réforme pour compenser l’abandon (…) de la règle des 6 derniers mois». La CFDT rappelle son attachement à ce que l’âge de départ demeure à 62 ans.
- Force ouvrière: pour une amélioration du système existant
Force ouvrière estime que «ce n’est pas le système actuel de retraite qui est défaillant, mais bien les politiques économiques qui ne permettent pas d’assurer à chacun l’accès à un emploi de qualité et pérenne, ainsi qu’une répartition équilibrée des richesses entre les salaires et les dividendes». Le syndicat rappelle que «le système actuel de retraite et ses régimes garantissent un droit universel à la retraite à l’ensemble des salariés, fondé sur la répartition, un droit contributif calculé à partir d’annuités cotisées et assimilées et une pension calculée sur les meilleures périodes de la vie active».
S’il doit y avoir réforme, selon FO, elle doit viser à «améliorer l’actuel système» et à «sécuriser les parcours professionnels». Sur le premier point, le syndicat préconise notamment «un minimum contributif (qui–NDLR) atteigne 100% du SMIC»; l’extension de «la liste des périodes prises en compte par l’assurance retraite» (stages, chômage, couverture complémentaire); une «négociation nationale interprofessionnelle sur des mécanismes permettant de faciliter le rachat de trimestres», de «mieux prendre en compte l’impact du handicap» (critère RQTH, diminution de la durée de cotisation exigée pour accéder à la retraite anticipée à 55 ans, ajustement du cumul invalidité/revenu à temps partiel sur la base d’un salarie à temps plein).
Sécuriser les parcours professionnels exigerait des négociations interprofessionnelles ciblées sur la lutte «contre le recours abusif aux contrats de travail à temps partiel»; «l’embauche et le maintien dans l’emploi des salariés seniors»; «la complémentarité intergénérationnelle»; «les parcours professionnels heurtés et pénibles». À cet égard, FO réaffirme son soutien à «l’instauration d’un véritable bonus-malus sur la cotisation patronale» ainsi qu’à «une surcotisation des entreprises recourant aux embauches en CDD court» destinée à abonder le FSV. La Confédération milite, enfin, pour le retour «à l’âge légal de départ (…) à 60 ans «à la prise en compte des 10 meilleures années de revenus», «la recapitalisation du Fonds de réserve pour les retraites», ainsi que divers aménagements pour le secteur public (départ anticipé, carrière longue, avantages familiaux, lien actifs/retraités…).
La commission exécutive du syndicat fait savoir en outre que: «constatant que les analyses, propositions et revendications (…) n’ont pas été entendues, réaffirmant sa volonté que de véritables négociations puissent s’ouvrir sans préalable imposé, pour la défense et l’amélioration du système actuel de retraites et ses régimes», elle appelle les adhérents «à rejoindre la grève à partir du 5 décembre et à proposer dans le cadre des assemblées générales sa reconduction, réaffirmant que toutes et tous, salariés du privé et du public sont concernés».
- CFE-CGC: le refus d’une réforme inutile et dangereuse
Pour la Confédération générale des cadres-Confédération française de l’encadrement, le véritable objet de la réforme est une «volonté d’étatisation du système (…) et la captation par l’État de l’argent des cotisants». Si elle ne s’associera pas au mouvement du 5 décembre, la CFE-CGC n’en réaffirme pas moins son opposition franche au projet, ce d’autant que «les concertations qui succèdent aux concertations pour tenir toujours moins compte de l’avis des organisations syndicales usent une confiance déjà largement érodée, sans compter les infléchissements ou coups de barre opportunistes qui interrogent sur la responsabilité d’un exécutif qui ne sera certainement plus aux manettes quand la réforme commencera à produire ses effets délétères».
- CGT: la mobilisation contre le projet reste de rigueur
La Confédération générale du travail considère n'avoir pas été entendue par le Gouvernement et confirme son appel à mobilisation pour le 5 décembre. Le syndicat exige une action en «urgence» en matière d'amélioration des pensions (hausse «significative du salaire minimum et du point d’indice», «égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes»). L'évolution du système doit intégrer la validation des trimestres cotisés en tant qu'étudiant, un seuil de référence à 10 meilleures années (privé) ou à 6 mois (public), le droit à départ anticipé pour les métiers pénibles.
-Solidaires: créer un ancrage des grèves reconductibles
L'Union syndicale Solidaires ne se fait pas d'illusion sur les «faux semblants» de l'attitude gouvernementale, à savoir lâcher du lest «à la marge» mais accélérer «le tempo sur la présentation de la loi». L'organisation souhaite, non seulement, une mobilisation massive pour le 5 décembre, mais aussi une reconduction durable. De plus, elle estime qu'il doit y avoir convergence avec les «les gilets jaunes (…), les précaires et chômeur-euses» et les incite à rallier «les rassemblements et manifestations interprofessionnels de la CGT». Un appel à «la responsabilité du mouvement syndical de créer les conditions d'un ancrage et d'un élargissement des grèves reconductibles». En revanche, le syndicat se désolidarise entièrement d'une présence du Rassemblement national.
Le point de vue des professionnels libéraux
- SNKM: vigilance sur les suites de la concertation
Le Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes dit vouloir rester vigilant sur les suites de la dernière réunion de travail avec le Haut-Commissaire à la réforme, laquelle a notamment permis de clarifier les questions de: «montant de référence» (avec « augmentation des cotisations de retraite, mais (…) diminution de la CSG»); «prestations» («augmentation dès 2025 de nos pensions de retraite», sur la base d’une «augmentation de nos revenus annuels au même rythme que celui des salariés); «cotisations» («augmentation modérée», sur la base du «revenu moyen des kinésithérapeutes»). Le syndicat de professionnels libéraux veillera à ce que «l’augmentation soit intégralement compensée par l’Avantage social vieillesse, et que les projections prévoyant l’augmentation de nos pensions soient précisées».
- SNML: contestation par faute de concertation
Le Syndicat national des médecins libéraux annonce que «en l’absence d’un signal concret dans les prochains jours, (il-NDLR) entrera en contestation et s’opposera à cette réforme». Pour le SML, la négociation n'a permis à ce jour aucune garantie sur la «sanctuarisation de l’ASV dans le futur régime unique» ni sur «le sort des réserves constituées par les cotisations des médecins libéraux et (…) le devenir de la CARMF», ni encore sur «le maintien du rapport cotisation/prestation», ni, enfin, sur «sur la gouvernance du RU (régime universel-NDLR)». Le syndicat préconise par ailleurs de «débuter la réforme» par «les régimes spéciaux, par ailleurs déficitaires».
Communiqué Solidaires – 29 novembre 2019; Communiqué FO – 28 novembre 2019; Communiqué SML– 28 novembre 2019; Communiqué Unapl– 27 novembre 2019; Communiqué FO; Communiqué CGT; Communiqué SNMK – 26 novembre 2019; Communiqué CPME; Communiqué UNSA – 25 novembre 2019; Communiqué CFE-CGC – 22 novembre 2019; Communiqué CFDT– 21 novembre 2019