La publication annuelle de la Commission des comptes de l’agriculture de la Nation (CCAN), suscite des commentaires plutôt pessimistes des organisations professionnelles du secteur. La hausse des résultats, pour la 2e année consécutive, ne peut masquer des situations contrastées selon les productions, ni des difficultés plus ou moins structurelles que les institutions professionnelles craignent de voir s'aggraver avec les accords de libre échange européens Mercosur, CETA.
Emploi agricole en recul, revenus non garantis pour les agriculteurs, filière élevage en péril…
Agriculture&Territoires relativise le résultat du fait des «disparités sectorielles» et «régionales» et constate, surtout «une instabilité et une incertitude (…) installées structurellement» sur les «marchés» comme sur les «territoires», d'origine économique et climatique. Son président Claude Cochonneau en veut pour preuve «la baisse de -45 % de l’excédent commercial agroalimentaire entre 2000 et 2018».
La Coordination rurale constate avec dépit que «l'emploi agricole est en recul». L'explication vient notamment de: la «pression sur les prix agricoles (…) qui amène les agriculteurs à sacrifier de la main-d’œuvre salariée»; un niveau d'investissement, certes en «légère reprise», mais «encore très éloigné de celui qui conviendrait pour stopper l’érosion du nombre d’agriculteurs»; «l’instabilité installée du revenu des exploitations».
Son diagnostic détaillé sur les productions pointe les effets négatifs de :
- «la diminution des moyens pour garantir la santé des végétaux (…) tels que les produits phytopharmaceutiques» et la «forte pression exercée par les importations étrangères» (productions végétales);
- les «aléas climatiques» et «la décapitalisation du cheptel suite à la dernière réforme de la PAC» (production de viande);
- «l’accroissement des coûts de production, notamment ceux concernant les énergies et lubrifiants (…), surcoûts liés aux évolutions des cahiers des charges» (production laitière);
- «exploitations impactées par les inondations en 2016», fragilisation de la filière sucre, «rendements décevants sur les oléagineux(…) et protéagineux (…), conjugués à des prix plutôt bas» (grandes cultures).
Si la viticulture a connu une «campagne (…) exceptionnelle en matière de production et de qualité» et le chiffre d'affaires qui va avec, il ne faut pas que cela cache «la déconvenue des autres productions françaises» précise la Coordination.
Pour la Confédération paysanne, «la livraison de ces chiffres en globalité doit être améliorée et affinée pour obtenir des données dignes de ce nom se distinguant par exemple par taille de fermes, par modèle de production (conventionnel, bio, conservation…), par système de vente, ce qui permettrait de comparer les systèmes». Reste que «le système agricole français sort comme le moins performant (d'Europe – NDLR), notamment en système laitier et céréalier», «la courbe du nombre d'actifs paysan-nes, (…) continue de décroître». Une situation imputable selon elle à «l'inefficacité des politiques publiques des gouvernements successifs» et à leur obstination «à mettre en concurrence toutes les agricultures, tant française que mondiale».
La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles conteste l'idée d'un «rattrapage», alors que «la valeur ajoutée créée par la branche agricole s’érode depuis des années», que «la production porcine a subi de plein fouet une chute des prix en 2018», que «la valeur de la production des oléagineux baissait fortement (-10,9%) tout comme celle des betteraves industrielles (-24,3 %)», que «l’investissement en bétail chutait de près de 80 % entre 2017 et 2018».
Une instabilité de l'activité agricole qui pourrait s'aggraver avec les accords Mercosur et CETA
La Conf' souhaite au contraire que «l'argent public, de la loi de finances à la PAC, serve une autre protection des paysan-nes et cesse de perpétuer des systèmes qui n'ont plus aucune pertinence». Pour la Coordination rurale, il faut rejeter les accords Mercosur et CETA et que l'Europe soit capable de plaider «l'exception agri-culturelle». La FNSEA s'oppose également à ces accords qui «anéantiraient les possibilités de valoriser les productions françaises à leur juste prix, et conduiraient des filières vers des difficultés irréversibles».
Communiqué Agriculture & Territoires; Communiqué Coordination rurale; Communiqué Confédération paysanne; Communiqué FNSEA – 4 juillet 2019