L'accord entre l'Union européenne et le Mercosur suscite le mécontentement des organisations d'exploitants agricoles ainsi que de certains syndicats de salariés.
L'agriculture européenne sacrifiée selon les organisations de producteurs et interprofessions agricoles
La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et Jeunes agriculteurs réaffirment leur opposition à la signature d'un accord entre l'Union européenne et le Mercosur, alors que se profile «une finalisation technique de l’accord dans les jours à venir». Pour les institutions professionnelles du secteur agricole, cet accord est une «remise en cause de notre agriculture, mais aussi de notre alimentation, de la santé des consommateurs et des engagements climatiques», et il faut craindre un défaut de «compétitivité de l'agriculture européenne» et en particulier française, du fait que «Les exploitations agricoles (…) ne pourront pas survivre à l’empilement des contraintes sur les normes de production (…) et en même temps à l’importation de produits qui ne les respectent pas».
La Coordination rurale se dit «scandalisée de voir que l’agriculture est encore considérée comme la variable d’ajustement, à sacrifier au profit d’autres secteurs» et insiste sur le fait que «seule l’exception agriculturelle, placée sous l’égide de l’ONU, pourra permettre de sortir l’agriculture d’accords de libre-échange destructeurs». Elle se mobilise par ailleurs auprès des députés pour faire barrage au traité CETA.
La Confédération paysanne «s'oppose à cet accord (…), comme à tous les accords de libre-échange, (…) symbole de la fuite en avant d'un système (…) pourtant à bout de souffle dans le domaine agricole», ce d'autant que «le président brésilien a déjà annoncé n'avoir aucune intention d'appliquer» les Accords de Paris sur le climat et n'est pas forcément un exemple sur la promotion des droits humains inscrite dans les traités de l'UE. La Conf' appelle les élus au Parlement européen «à ne pas ratifier l'accord».
L'Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) estime également que l'accord sacrifie une filière agricole, dans un contexte où «le secteur betterave-sucre-éthanol européen traverse une crise sans précédent et que la fermeture de plusieurs sucreries est annoncée» et précise que les concessions sur le sucre et l’éthanol représentent l’équivalent de 1,5 Mt. de sucre, soit la production de 7 sucreries européennes», qui plus est au bénéfice d'un pays, le Brésil, «où 74 % des produits phytosanitaires utilisés (…) ne sont pas autorisés en Europe». L'interprofession regrette que «la Commission reste sourde aux alertes de la profession, alors même que son «Groupe à Haut Niveau sur le marché du sucre (…) vient de recommander que la sensibilité du sucre et de l’éthanol soit reconnue». L'AIBS demande aussi aux représentants français au sein de l'UE à «s'opposer à la ratification» et au Gouvernement français de communiquer activement «sur les différences de production entre la France et les pays-tiers».
Pour Agriculture & Territoires, tête de réseau des chambres d'agriculture, «Toutes les conditions sont réunies pour que la critique et l’inquiétude émergent. Et la clause de sauvegarde obtenue par l’UE n’est pas une garantie suffisante», selon l'expression du président Claude Cochonneau. Maximin Charpentier, référent Affaires européennes au sein de l'institution professionnelle constate que l'accord va clairement «à l'encontre» de l'objectif de «conserver et faire progresser l’agriculture française».
L'interprofession de la viande bovine Interbev interroge les pouvoirs publics sur l'opportunité de «continuer d’accepter de tels accords (Mercosur, Canada–NDLR) et permettre l’arrivée massive de ces viandes importées» après avoir listé les points sur lesquels ils «menacent la filière européenne»: ciblage du marché rémunérateur de «l'aloyau»; contournement des normes via l'utilisation de «farines animales (…), antibiotiques (…) OGM, pesticides»; absence de «traçabilité individuelle»; «forts volumes selon des standards de production qui ne répondent pas aux exigences des consommateurs et ambitions de la Politique agricole commune à la fois sur le plan environnemental et de la protection animale». Dans un communiqué commun avec d'autres organisations représentatives de la filière de l'élevage en Europe – Assocarni (Italie), Assoprovac (Espagne), Irish Farmers’ Association (Irlande), PZPBM (Pologne) – Interbev «condamne fermement cet accord politique et appelle les membres du Parlement européen ainsi que les États membres à rejeter l’accord».
Les syndicats de salariés plaident pour une révision de l'accord au nom des droits des travailleurs
Le refus des syndicats d'exploitants agricoles trouve un écho auprès de la Confédération générale du travail qui considère notamment que «cet accord est négocié dans le plus grand secret, mettant à bas toute règle de transparence et de contrôle démocratique», que les positions actuelles du président brésilien posent problème en matière environnementale, que l'accord signé le 28 juin ne garantit pas un «véritable engagement concernant l’amélioration des droits des travailleurs, des droits humains, des droits environnementaux et de la protection des consommateurs dans l’ensemble des pays concernés», en contradiction avec les déclarations d'Emmanuel Macron devant l'OIT dernièrement. La CGT appelle les parlementaires européens et français à ne pas valider l'accord.
Force ouvrière demande «que l'Union européenne révise sa position», compte tenu de l'impact négatif de l'accord sur «les filières viande françaises (…) et les filières sucrières, déjà grandement sous pression en France», de son incompatibilité avec les «exigences de l’Accord de Paris», de «l'opacité des négociations commerciales bilatérales, en dehors de tout cadre multilatéral». Pour FO, c'est l'OIT qui «doit être le chef de file de la régulation sociale de la mondialisation (…)» et pouvoir imposer des «dispositions contraignantes afin que les normes internationales du travail soient respectées et garanties».
Un appel collectif aux députés contre le CETA
Un front commun entre organisations d'employeurs et de salariés s'organise également à propos du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement – NDLR) entre Union européenne et Canada. Quelque 72 structures professionnelles, associatives, citoyennes et de consommateurs – parmi lesquelles la CFTC, la CFE-CGC, la CGT, Solidaires, le SNESUP-FSU, la Confédération paysanne, la Fédération nationale de l'élevage, la Fédération nationale bovine, Interbev, Jeunes agriculteurs – ont adressé, le 2 juillet 2019, un courrier aux parlementaires français afin qu'ils n'entérinent pas le texte européen.
Les signataires rappellent notamment que «le Gouvernement a établi un plan d’action dont la mise en œuvre est jugée sévèrement, y compris par les services du ministère de la Transition écologique» et que certaines de ses propositions sont été invalidées par la Commission européenne «sous la pression du Canada». Ratifier «le texte en l'état», selon elles, priverait la France d'un «d'un puissant levier pour obtenir une réforme de la politique commerciale européenne» et pourrait l'affaiblir «au moment de la relance de négociations avec les États-Unis».
Communiqué Coordination rurale; Communiqué FNSEA-JA – 26 juin 2019; Communiqué Confédération paysanne; Communiqué CGT – 1er juillet 2019; Communiqué AIBS; Communiqué Agriculture & Territoires; Communiqué Force ouvrière; Lettre collective aux députés de 72 organisations – 2 juillet 2019 ; Communiqué Interbev – 4 juillet 2019; Communiqué commun Interbev, Assocarni, Assoprovac, Irish Farmers’ Association, PZPBM – 8 juillet 2019