Qu'elles soient opposées ou favorables à la réforme, diverses organisations professionnelles estiment que le recours au 49.3 est d'autant moins légitime que le projet reste flou sur bien des points. La pertinence de la conférence de financement est mise en doute.
Favorables à la réforme… mais déçus par le projet
L'association professionnelle CroissancePlus a «toujours soutenu le principe et l’esprit d’une réforme qui prendrait en compte la diversité des parcours professionnels et des mutations du travail, et qui répondrait à l’impératif de simplicité et d’équité». C'est à cette aune qu'elle fustige le recours au 49.3 et «la mascarade de débat parlementaire». Pour CroissancePlus, ce débat aurait plutôt dû «être l’occasion de clarifier le contenu du projet de loi, ses modalités», d'éclaircir de nombreuses questions encore en suspens («mesures pour l'employabilité des seniors», «prise en compte de la pénibilité», «valeur du point et (…) modalités de son évolution»; «financement et coût de la réforme»). Dans ce contexte, l'organisation d'employeurs craint (et refuse) que la conférence de financement ne se résume qu'à un «chèque en blanc». Ainsi que le rappelle son président Thibaut Bechetoille, «Nous ne pouvons cautionner l’approbation d’une réforme sans que son financement soit assuré (…) Il serait incompréhensible que l’équilibre budgétaire du nouveau système soit assuré par l’augmentation des cotisations qui renchérirait le coût du travail».
Pour la Fédération des associations étudiantes (FAGE), quoique favorable à «une réforme des retraites afin de créer un système plus juste, plus solidaire et adapté à l’évolution des parcours de vie de nos concitoyens», le projet actuel n'est pas acceptable compte tenu du recours au 49.3, mais aussi du point de vue du contenu. Le syndicat étudiant n'est pas favorable à «l'âge d'équilibre», estime que la «pénibilité» n'est pas suffisamment prise en compte, s'interroge «sur la transition pour les salarié.e.s de la fonction publique, sur la prise en compte des études longues et des stages etc.». Moyennant quoi il appelle à mobilisation le 31 mars 2020.
Le refus d'une conférence de financement «alibi»
La confédération Force ouvrière, via son bureau confédéral, commente «la lettre adressée par le Premier Ministre aux organisations syndicales et patronales» (parallèlement à l'annonce du recours au 49.3 – NDLR) pour annoncer qu'en dépit de son attachement au dialogue social, il ne saurait être question de «cautionner l’impasse à laquelle conduit cette conférence de l’équilibre et du financement – celle du recul à nouveau de l’âge de la retraite». Une décision adossée à plusieurs constats: FO estime que le propos selon lequel le système actuel serait injuste est invalide (en rappelant le récent avis du Conseil d'État); que la cause des difficultés du système actuel réside avant tout dans «les difficultés et les inégalités rencontrées dans l’emploi»; qu'il n'existe pas «de dérive des dépenses de retraite mais une insuffisance de ressources, conséquence de choix de politiques budgétaires de rigueur» (en rappelant l'analyse du Conseil d'orientation des retraites). Pour FO, la méthode consistant à conditionner la gouvernance future du système à l'atteinte d'un équilibre excluant notamment «l’hypothèse de l’augmentation des cotisations», «ne permet pas de garantir la liberté de négociation et la pratique contractuelle».
La Confédération générale du travail dit ne pas vouloir servir «d’alibi dans une conférence où tout est joué d’avance». Elle rappelle avoir fait des propositions lors de la session de la conférence du 18 juillet 2020, lesquelles sont restées sans réponse tandis que le Gouvernement choisissait «de recourir au 49-3 en confisquant le débat démocratique» et d'annoncer, dans sa lettre aux organisations professionnelles que «en cas d’absence d’accord dans la conférence de financement», il «décidera in fine d’imposer l’âge pivot». La CGT lance également un appel à mobilisation pour les 5 mars, à l'occasion de la marche pour le climat (13 et 14 mars), sans oublier la grande journée du 31 mars.
Un front uni des organisations d'exploitants agricoles pour demander l'application de la loi
C'est un front uni des cinq grandes confédérations agricoles (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, Jeunes agriculteurs, Confédération paysanne, Coordination rurale, Modef) qui interpelle les pouvoirs publics via une tribune et demande «une revalorisation immédiate des retraites agricoles à 85% du salaire minimum pour les pensionnés actuels (…) avec prise d’effet immédiate». Les organisations d'exploitants agricoles rappellent que cette disposition était légalement prévue depuis 2018. Ils demandent aussi que «le futur dispositif (…) pendant la période de transition soit adapté à tous les statuts agricoles, notamment aux conjoints collaborateurs», compte tenu de l'évolution socio-démographique de la profession, mais aussi du fait que «d’autres régimes spécifiques ont déjà obtenu des aménagements très larges dans le projet de texte actuellement à l’étude».
La Confédération paysanne se range, par ailleurs, du côté des opposants résolus au projet, et dénonce notamment «l'optimisation fiscale et sociale qui menace les droits sociaux des paysan·ne·s», ainsi que « le recours du gouvernement au 49.3. (…) qui prive (…) d'un vrai débat sur des points essentiels de la réforme : calcul des droits retraites et du montant des pensions, âge de départ, assiette et taux de cotisation pour les non salarié·e·s». Le syndicat professionnel agricole revendique «un système de retraite par répartition, équitable et solidaire».
Des avancées pour les professions libérales
L'Union nationale des syndicats français d'architectes tient à rectifier «des messages alarmistes (mais erronés) de DPA
Occitanie sur la réforme des retraites mettant en cause l’inactivité de l’Unsfa» et tient à rappeler les avancées obtenues via l'Unapl, à savoir: «taux de 12,94% sur les 2e et 3e PASS», «abattement de 30 % sur l’assiette de la CSG», «période de transition longue et adaptable», «cumul Emploi Retraite». Elle continue toutefois à se «mobiliser pour lisser au mieux les évolutions de cotisations, pour l’utilisation de nos réserves, pour la création d’une caisse de retraite supplémentaire sur le volontariat».
Communiqué FAGE; Communiqués CGT; Communiqué Confédération paysanne – 3 mars 2020; Communiqué commun FNSEA, JA, La Conf', Coordination rurale, Modef; Communiqué FO; Communiqué Croissance Plus; Communiqué UNSFA – 2 mars 2020