La rencontre entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, le 18 décembre 2019, n’a pas levé les oppositions des syndicats de salariés. L’âge pivot n’est pas recevable pour les confédérations a priori favorables au projet de nouveau système (CFTC, UNSA, CFDT) et disposées à poursuivre les négociations. Les organisations les plus opposées (CGT, FO, Solidaires, FSU, Fédération autonome, UNEF, MNL, FIDL, UNL), appellent à nouvelle mobilisation générale le 9 janvier 2019 et n’entendent pas appliquer une trêve pour la période de Noël.
L’âge pivot = âge de blocage
La Confédération française des travailleurs chrétiens «prendra toute sa part aux discussions annoncées pour janvier», tout en se réservant «le choix d’appeler ou non à de nouvelles mobilisations» si elle n’obtient pas notamment le retrait du principe d’âge pivot avec «système de décote pérenne». Pour la CFTC, il serait plus judicieux «’appliquer la recette qui a fait ses preuves au sein du régime de retraite complémentaire (Agirc-Arrco), à savoir un système d’abattement provisoire dont les partenaires sociaux définiraient les taux avec une possibilité de réversibilité (retour à meilleure fortune) quand la conjoncture économique le permet».
L’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) considère aussi que l’âge pivot continue de constituer une «ligne rouge», et que «si l’équilibre du régime par répartition est important, nous contestons son urgence et l’option choisie (…). Seul signe d’ouverture, une réunion où nous pourrons confronter les différentes hypothèses tant sur les besoins d’équilibre que sur les mesures pour y parvenir». La confédération des autonomes participera aussi à la concertation de janvier 2020, sans négliger «toutes les formes d’actions nécessaires» en cas «d’obstination (du Gouvernement-NDLR) sur la mesure paramétrique frappant les salariés dès 2022 et si les réponses attendues sur les autres sujets n’étaient pas au rendez-vous». Quoique reconnaissant des avancées lors de la rencontre du 18 décembre, l’UNSA plaide à cet égard, pour intégrer «les critères de pénibilité (…) dans le compte pénibilité», pour un minimum de pension «porté au niveau du SMIC», pour des «garanties sectorielles dans les transports, dans la Fonction publique territoriale et hospitalière, chez les enseignants et pour les métiers exposés à la dangerosité et à la pénibilité».
La Confédération française démocratique du travail rappelle que «l’équilibre à court et moyen terme du système actuel n’est pas menacé» et qu’une mesure d’âge n’est donc pas justifiée. La responsabilité de la crise reste imputable au Gouvernement et la CFDT n’exclut pas de mobiliser en janvier.
Grande mobilisation du front syndical du refus le 9 janvier 2020
L’intersyndicale regroupant la CGT, FO, Solidaires, la FSU, l’UNEF, le MNL, la FIDL, l’UNL, juge que «le Gouvernement (…) avance, aujourd’hui, vouloir relancer un cycle de discussions, sans issue dans un cadre d’équilibre budgétaire contraint alors que la seule solution est de retirer sans délai ce projet». En conséquence, elle appelle«au-delà des initiatives d’ores et déjà programmées, le 19 décembre et sans trêve jusqu’à la fin de l’année 2019, (…) à une nouvelle puissante journée de grève et de manifestations interprofessionnelles et inter générationnelles le jeudi 9 janvier 2020».
Pour l’intersyndicale de l’éducation (Fédération sociale unitaire, SNALC, FAEN, Sud Education), qui «exigent des augmentations de salaire sans contrepartie», il s’agit aussi d’amplifier la mobilisation «pendant les vacances de noël avec les secteurs professionnels comme la SNCF, la RATP, les ports, les raffineries, les transports, la santé». Pour celle de la fonction publique (fédérations CGT, FO, Solidaires, FSU, Fédération autonome), l’objectif de la mobilisation est se soutenir les revendications de «maintien des régimes existants, notamment le code des pensions civiles et militaires et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales», «maintien de la catégorie active pour tenir compte des spécificités dans les trois versants de la fonction publique», «augmentations générales de salaire», «créations d’emplois statutaires», «défense des missions publiques», «renforcement du Statut général».
La Confédération générale du travail indique avoir remis, lors de cette rencontre, un ensemble de propositions mais qui sont restées «sans aucune réponse», d’où appel à «l'ensemble du monde du travail et la jeunesse à poursuivre et à renforcer la grève, y compris reconductible là où les salarié.e.s le décident, pour maintenir et augmenter le rapport de force». Concernant, en particulier, le volet financement, la confédération suggère d’accélérer sur l’égalité salariale, d’augmenter «le taux de cotisation de 0,2 à 0,4 point, par an», de cesser les «exonérations de cotisations sociales patronales», de «créer une contribution sociale sur les revenus financiers distribués par les entreprises», de «lutter véritablement contre l’évasion fiscale et sociale». Ce afin de permettre «un départ à 60 ans à taux plein avec un revenu de remplacement à 75% du revenu net d’activité (calcul sur les 10 meilleures années ou les 6 derniers mois) et au minimum le Smic à 1800 euros».
Pour la CGT, le simulateur mis en ligne par le Gouvernement n’aurait pour autre objectif que de «faire croire que les générations nées avant 1975 ne sont pas concernées alors que l’âge pivot les pénaliserait de plein fouet; occulter la forte baisse des pensions qui serait provoquée par le nouveau système», ce à quoi s’ajoute le fait que «ces simulations ne permettent pas de calculer et de se projeter individuellement en fonction de son propre parcours professionnel».
La fédération du livre (FILPAC-CGT) note de son côté que «pas encore votée que déjà les assureurs privés placardent partout des encarts publicitaires proposant la capitalisation». La fédération des cheminots fustige, de son côté, la décision de la direction de la SNCF de ne pas assurer «le service “Junior & Cie”», étant donné que « les plans de transport peuvent être garantis 48h à l’avance puisque les personnels grévistes ont l’obligation de se déclarer, il n’y a donc pas de raison de considérer ce service plus difficile à réaliser qu’un autre». Elle demande au Gouvernement de «revenir à la raison (…), retirer son projet, annoncer des négociations sur l’amélioration du système actuel, et permettre au pays de retrouver le calme».
Le refus du coup de pouce au SMIC aggrave le mécontentement
Force ouvrière estime que «dans le contexte actuel, l’absence de coup de pouce accordé au SMIC, (…) ne peut qu’alimenter un peu plus les motivations des manifestants contre la réforme des retraites». Le syndicat de salariés a d’ailleurs refusé de participer le mardi 17 décembre à la réunion de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP), censée être le «cadre institutionnel» de la décision sur l’évolution du salaire minimum. Pour FO, il serait nécessaire, au contraire, «une augmentation du SMIC à hauteur de 80 % du salaire médian, soit environ 1450 € nets».
Les libéraux ne veulent pas que leurs caisses soient sacrifiées sur l’autel du régime universel
Également reçue par le Premier ministre, les 18 et 19 décembre 2019, l’Union nationale des professions libérales lui a fait part de «la déception et la colère que leur disparition faisait naître dans la grande majorité des professionnels libéraux qui redoutent de ne plus trouver ainsi les outils d’adaptation nécessaires à chaque profession», à savoir les caisses autonomes, les réserves qu’elles ont constitué, la gouvernance en propre aux professions affiliées. Il n’est pas question, non plus, pour l’Unapl, d’accepter «toute augmentation de cotisation et toute baisse de pension».
Si elle a enregistré les réponses du Premier ministre (pas de disparition des caisses, maintien des réserves dans ces caisses, sécurisation par la loi de l’assiette de cotisation de la CSG…), la confédération syndicale de professionnels libéraux demande néanmoins au Gouvernement «de poursuivre le dialogue avec chacune de ses organisations adhérentes dans les secteurs de la santé, du droit, technique et cadre de vie. Le projet de régime universel doit être amélioré et rendu compatible avec les spécificités de chacune de ces professions libérales, faute de quoi une mobilisation deviendrait inévitable».
La Fédération des pharmaciens d’officine (FSPF) se dit «favorable aux évolutions annoncées par le Haut-Commissariat aux retraites», concernant le maintien de la caisse des pharmaciens (CAVP) et le fait qu’elle puisse «continuer à gérer efficacement les réserves qui appartiennent à la profession et préparer l’avenir». Favorable au principe d’un âge pivot, la FSPF estime pour autant que «cet âge doit être fixé par les partenaires sociaux et non pas par la loi». Elle souhaite en outre que «les pharmaciens puissent, comme les autres professionnels de santé percevant des honoraires conventionnels, bénéficier de l’avantage social vieillesse (ASV)» ainsi qu’un «droit d’option, autrement dit que la réforme puisse concerner tout le monde, y compris les personnes nées avant 1975 qui le souhaiteraient».
Pour le Syndicat des masseurs-kinésithéraputes et rééducateurs (SNMKR), il est entendu que le dialogue se poursuivra avec le nouveau Haut-Commissaire, mais à condition qu’il puisse aboutir à des éléments précis concernant «la définition de l’âge pivot», la préservation de la Carpimko et de ses réserves, le niveau réel des pensions des professionnels.
Communiqué CFTC; Communiqué UNSA – 20 décembre 2019; Communiqué intersyndical CGT, FO, Solidaires, FSU, UNEF, MNL, FIDL, UNL; Communiqué intersyndical FSU, SNALC, Sud Éducation, FAEN; Communiqué intersyndical CGT Fonction publique, FO Fonction, publique, Solidaires Fonction publique, Fédération autonome; Communiqué CGT; Communiqué FILPAC CGT; Communiqué CGT Cheminots; Communiqué FO; Site CFDT – 19 décembre 2019; Communiqué Unapl; Communiqué FSPF - 20 décembre 2019; Communiqué SNMKR -19 décembre 2019