La nouvelle phase de concertation à propos de la réforme des retraites ne permet toujours pas au Gouvernement d'obtenir l'assentiment de plusieurs catégories d'organisations professionnelles: exploitants agricoles, professions libérales, et bien sûr syndicats de salariés.
Les «85 % du SMIC», a minima demandé par les syndicats d'exploitants agricoles
Les 3 principaux syndicats d'exploitants agricoles (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, Coordination rurale, Confédération paysanne) sont unanimes à considérer que les agriculteurs ne sont pas pris en compte. Pour être favorable au système points, la FNSEA n'en exige pas moins «la revalorisation des retraites à 85% du SMIC», sachant que «les retraités agricoles sont parmi ceux qui touchent les pensions les plus faibles de notre pays».
La Coordination rurale demande le même niveau de revalorisation mais aussi et surtout sa mise en application «au 1er janvier 2020 et ce pour toutes et tous, déjà retraités ou à venir», c'est-à-dire sans attendre le vote d'un texte définitif. Elle plaide en outre pour la suppression totale de «la CSG et la CRDS du minimum retraite», ainsi que celle de la «cotisation minimum» pour les agriculteurs n'ayant pas de revenus et pour une «une revalorisation des points permettant de prendre une retraite anticipée dès 50 ans sans décote, compte tenu de la pénibilité et du volume horaire travaillé».
La Confédération paysanne appelle «les paysan-nes à poursuivre la mobilisation contre cette réforme inéquitable, en participant aux manifestations des 9 et 11 janvier», vu que ne sont pas satisfaites ses attentes de «système (…) solidaire, équitable et universel, ni aucun engagement pour l'augmentation immédiate des pensions les plus basses». Pour la Conf' aussi, les 85% du SMIC, la prise en compte de la pénibilité du métier doivent être à l'ordre du jour et, plus généralement «une retraite plancher quelque soit le parcours professionnel» avec « plafonnement des plus grosses pensions».
Professions libérales: poursuivre le dialogue sous conditions
L'Union nationale des professions libérales a «pris acte des avancées obtenues», mais soumet la poursuite du dialogue à plusieurs pré-requis et à l'hypothèse d'une mobilisation si elle n'obtient pas satisfaction. L'UNAPL demande qu'il soit permis «aux caisses de retraite professionnelles d’instaurer un dispositif obligatoire de retraite complémentaire», que «le taux de l’abattement a minima» soit clarifié et inscrit dans la loi, que «le sort des réserves, lesquelles ne pourront en aucun cas être reversées à un pot commun» soit garanti, et que la loi acte «une représentation spécifique des professions libérales, dans la structure de tête de la future gouvernance du régime universel et la création d’un Conseil de la protection sociale des professions libérales».
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) se dit rassurée par l'écoute du nouveau Secrétaire d’État et de l'acceptation de certains principes: «maintien du niveau des retraites des médecins libéraux», «survie de la CARMF» avec des «réserves sanctuarisées», «prise en charge partielle de la cotisation retraites par l’Assurance Maladie». Elle entend donc poursuivre la négociation en demandant aussi que «les cotisations des médecins en cumul emploi retraite soient génératrices de droits au plus vite et au plus tard dès 2022».
Pour la Fédération française des praticiens de santé, les «discussions se sont déroulées dans un climat de confiance», mais «si une partie du chemin est parcourue, nous sommes encore loin du compte». La FFPS soumet aussi le Gouvernement au risque d'une opposition dans la rue, sauf un accord de sa part, le 15 janvier 2020, sur les points suivants: «compensation totale de l’augmentation des cotisations», «participation de l’Assurance maladie à la cotisation Avantage Social Vieillesse», «maintien du niveau de nos pensions de retraite dès l’entrée dans le nouveau dispositif», «rôle fort des praticiens de santé dans la gouvernance», ainsi que «maintien de la gestion des réserves de la Carpimko et le choix de leur usage par les professionnels».
Le collectif SOS Retraites, regroupant 16 syndicats de professionnels libéraux des secteurs de la santé (ACK, Alizé, Convergence infirmière, FMF, FOF, ONSIL, ORA, SNUP, UCDF-BLOC, UFMLS, UNIDEL), du juridique (CNB, IFEC), ainsi que de salariés du transport aérien (SNGAF, SPAF, SNPNAC, SNPNC-FO, UNSA-PNC), auquel s'adjoignent les organisations de bloc opératoire (SYNGOF, Syndicat des anesthésistes libéraux, Conseil national des jeunes chirurgiens), annonce quant à lui sa décision de «rallier la manifestation du 11 janvier». Leurs exigences: la prise en compte de «la pénibilité du travail», de la «solidarité nationale et solidarité professionnelle des libéraux», de «indépendance professionnelle»; des garanties concernant «la propriété des réserves de la CARMF», «l’attractivité de l’exercice libéral». Les signataires ne veulent pas «l’étatisation du système de retraite», ni la suppression des régimes autonomes ou spéciaux auxquels ils sont affiliés.
Syndicat de salariés: la mobilisation reste à l'ordre du jour
L'intersyndicale CFE-CGC, CGT, FO, FSU, MNL, Solidaires, UNEF, UNL appellent, outre la mobilisation du 11 janvier, à faire du 14 janvier 2020 «une journée de grève et de convergence interprofessionnelle localement dans tout le pays qui s’inscrit dans la continuité d’actions et d’initiatives déclinées sous toutes les formes les 15 et 16 janvier». Cette mobilisation se justifie par le fait «que le projet de régime unique par points conduirait inévitablement au recul des droits à la retraite tant en termes de niveau de pension que d’âge auquel les salarié-es d’aujourd’hui et de demain pourront bénéficier d’une retraite décente».
L'Union nationale des syndicats autonomes a pris acte des «échanges constructifs» avec les pouvoirs publics mais estime toujours que « l’âge pivot (…) n’est pas la solution» et qu'il appartient au Gouvernement de «dénouer la crise» afin de pouvoir travailler sereinement dans le cadre de la «conférence de financement». Pour l'UNSA la question de l'équilibre financier du système peut être résolue en combinant plusieurs mesures: «augmenter les cotisations retraites sur les salaires supérieurs à 10 000 €», «utiliser une partie du fonds de réserve des retraites», «mettre à contribution les employeurs (du public comme du privé)», «réserver une part de la CRDS».
Syndicat d'employeurs: pour le système à points et l'âge pivot
L'Union des entreprises de l'économie solidaire se prononce favorablement, en revanche, sur la «mise en œuvre d’un système universel, par répartition, en points», ainsi que sur «la mise en place d’un âge pivot temporaire à 64 ans à condition que les métiers reconnus pour leur pénibilité et les carrières longues puissent partir plus tôt». Regrettant, en revanche «un problème de méthode dans l’avancée de cette réforme», le syndicat d'employeurs réaffirme «le rôle essentiel des partenaires sociaux dans la gestion du nouveau système» et rappelle «qu’elle souhaite intégrer la future caisse nationale de retraite universelle».
Du côté de la Confédération des petites et moyennes entreprises, la rencontre du 10 janvier à Matignon a été l'occasion de se dire favorable «à la mise en place d’une conférence des partenaires sociaux sur le financement (…), ayant pour objectif de proposer, dans la mesure du possible, des mesures alternatives à “l’âge pivot”», qui ait lieu au «Conseil économique, social et environnemental et s’inscrivent dans un calendrier compatible avec l’examen parlementaire du projet de loi». La CPME, qui exclut, en revanche toute «augmentation de cotisations sociales», souhaite que les professions libérales puissent «conserver, au-delà du régime universel, un régime complémentaire géré de manière autonome». Par ailleurs, elle «réclame un plan d’urgence gouvernemental pour pallier les défaillances des entreprises chargées d’une mission de service public et souhaite (…) que soit posée la question de l’indemnisation des entreprises qui financent des transports publics au travers, notamment, du versement transport».
Communiqué Coordination rurale; Communiqué UNAPL; Communique SNMR-FFPS; Communiqué UNSA; Communiqué commun SOS Retraites, SYNGOF, SAL, CNJC; Communiqué UDES; Communiqué CPME – 10 janvier 2020; Communiqué FNSEA; Communiqué intersyndicale CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires, MNL, UNF, UNL – 9 janvier 2020; Communiqué CSMF; Communiqué Confédération paysanne – 8 janvier 2020